© Roberta Valerio

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Laudate Deum : 10 extraits frappants du pape François sur la crise climatique

Publié le 05.10.2023

Dans un texte court émaillé de phrases chocs et très facile d’accès, le pape Francois s’adresse à toutes les personnes de bonne volonté qui s’intéressent à la crise climatique. Dénonçant le climato-scepticisme et un certain nombre d’idées reçues, il appelle à une nouvelle forme de gouvernement mondial qui entre particulièrement en résonance avec le travail de sensibilisation et de plaidoyer du CCFD-Terre Solidaire

Vidéo d’introduction au nouveau texte du pape Francois sur la crise climatique

Il y a huit ans paraissait l’encyclique Laudato Si qui alertait sur la crise climatique et sociale. Ce texte d’une centaine de pages s’est transformé peu à peu en best-seller planétaire, touchant un public bien plus large que la sphère catholique.

Pourquoi alors publier un nouveau texte?

Huit ans déjà et pourtant tout a changé. Le changement climatique est là, nous le ressentons tous, et partout sur terre les personnes les plus vulnérables sont les plus impactées rappelle-t-il en préambule.

Nul ne peut ignorer que nous avons assisté ces dernières années à des phénomènes extrêmes, à de fréquentes périodes de chaleur inhabituelle, à des sécheresses et à d’autres gémissements de la terre qui ne sont que quelques-unes des expressions tangibles d’une maladie silencieuse qui nous affecte tous.

Pape Francois

Huit ans déjà mais l’action n’est pas à la hauteur de ce qui nous attend estime le pape.

Je me rends compte au fil du temps que nos réactions sont insuffisantes alors que le monde qui nous accueille s’effrite et s’approche peut-être d’un point de rupture.

Pape Francois

En prophète des temps modernes, il ne mâche pas ses mots pour décrire les dangers qui nous menacent et l’incurie des humains, et plus particulièrement de ceux qui sont en position d’agir politiquement.

Comme le relève dans son article dédié à l’exhortation Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire, il dénonce, face à l’aggravation de la situation mondiale depuis 2015, la résistance des climato-sceptiques qui refusent de reconnaître la réalité du changement climatique.

Dans ce texte Laudate Deum que le Vatican nomme “Exhortation apostolique” le pape dénonce un certain nombre d’idées reçues encore largement répandues et nous exhorte à agir.

Nous avons sélectionné quelques une de ses exhortations particulièrement fortes :

Idée reçue numéro un : le changement climatique, c’est la faute des pauvres

“Dans une tentative de simplifier la réalité, certains attribuent la responsabilité aux pauvres parce qu’ils ont beaucoup d’enfants, et ils cherchent même à résoudre le problème en mutilant les femmes des pays les moins développés. Comme toujours, il semblerait que ce soit la faute des pauvres.
Mais la réalité est qu’un faible pourcentage des plus riches de la planète pollue plus que les 50% plus pauvres de la population mondiale, et que les émissions par habitant des pays les plus riches sont très supérieures à celles des pays les plus pauvres.
Comment oublier que l’Afrique, qui abrite plus de la moitié des personnes les plus pauvres de la planète, n’est responsable que d’une infime partie des émissions historiques?”

Lire aussi l’interview de Charlotte Kreder, chargé de mission Afrique : Justice climatique : une priorité pour l’Afrique Australe

© Laurent Hazgui
Février 2017. Afrique du sud. Les conséquences de l’exploitation des mines de charbon sur les femmes. Mpumalanga. Township de MNS, Région de Witbank. Shelda (en bleue), 40 ans, et sa fille Isura (18 ans) et Johanna (41 ans), sa voisine. Elle sont d’origine mozambicaine et vivent dans des conditions très dures à MNS. Elles viennent plusieurs fois par jour ramasser du charbon à la main pour leurs besoins dans une zone collée à la mine.

Idée reçue numéro 2 : la transition écologique menace les emplois

“On dit aussi souvent que les efforts visant à atténuer le changement climatique, en réduisant l’utilisation des combustibles fossiles et en développant des formes d’énergies plus propres, entraîneront une réduction des emplois. En réalité, des millions de personnes perdent leur travail en raison des diverses conséquences du changement climatique : tant l’élévation du niveau de la mer que les sécheresses, et bien d’autres phénomènes affectant la planète, ont laissé nombre de personnes à la dérive.
Par ailleurs, la transition vers des formes d’énergies renouvelables bien gérées, ainsi que les efforts d’adaptation aux dommages du changement climatique, sont capables de créer d’innombrables emplois dans différents secteurs. Cela exige que les hommes politiques et les hommes d’affaires s’en occupent dès maintenant.”

Crise climatique : les rendez-vous manqués

Les grandes puissances ne sont pas au rendez-vous

“Malheureusement, la crise climatique n’est pas vraiment un sujet d’intérêt pour les grandes puissances économiques, soucieuses du plus grand profit au moindre coût et dans les plus brefs délais possibles.”

© Laurent Hazgui

42% du total des émissions nettes produites depuis 1850 l’ont été après 1990

Il est toujours temps d’éviter encore plus de dégâts

“C’est pourquoi nous ne pouvons plus arrêter les énormes dégâts que nous avons causés. Nous avons juste le temps d’éviter des dégâts encore plus dramatiques.
Il ne nous est rien demandé de plus qu’une certaine responsabilité face à l’héritage que nous laisserons de notre passage en ce monde.”

Le Covid 19 a montré que “personne ne se sauve tout seul”

On peut ajouter que la pandémie de Covid-19 a démontré l’étroite relation de la vie humaine avec celle des autres êtres vivants, et l’environnement. Mais elle a surtout confirmé combien ce qui se passe partout dans le monde a des répercussions sur l’ensemble de la planète. Cela me permet de répéter deux convictions sur lesquelles j’insiste infatigablement : “tout est lié” et “personne ne se sauve tout seul”.

Idée reçue numéro 3 : le paradigme technocratique va nous sauver

Qu’est ce que la croyance en un paradigme technocratique ?

“Il (ce paradigme ndlr) consiste à penser « comme si la réalité, le bien et la vérité surgissaient spontanément du pouvoir technologique et économique lui-même ». En conséquence logique, « on en vient facilement à l’idée d’une croissance infinie ou illimitée, qui a enthousiasmé beaucoup d’économistes, de financiers et de technologues ». “

Tout ce qui existe devient victime des caprices de l’esprit humain

“Le plus grand problème est l’idéologie qui sous-tend une obsession : Accroître au-delà de l’imaginable le pouvoir de l’homme, face auquel la réalité non humaine est une simple ressource à son service.
Tout ce qui existe cesse d’être un don qu’il faut apprécier, valoriser et protéger, et devient l’esclave, la victime de tous les caprices de l’esprit humain et de ses capacités.”

Trop de pouvoir pour une toute petite partie de l’humanité

“Les capacités accrues de la technologie donnent « à ceux qui ont la connaissance, et surtout le pouvoir économique d’en faire usage, une emprise impressionnante sur l’ensemble de l’humanité et sur le monde entier. Jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle s’en servira bien, surtout si l’on considère la manière dont elle est en train de l’utiliser […]. En quelles mains se trouve et pourrait se trouver tant de pouvoir ? Il est terriblement risqué qu’il réside en une petite partie de l’humanité ». “

La nature ne peut uniquement être un objet d’exploitation

Contrairement à ce paradigme technocratique, nous affirmons que le monde qui nous entoure n’est pas un objet d’exploitation, d’utilisation débridée, d’ambitions illimitées. Nous ne pouvons même pas dire que la nature serait un simple “cadre” où nous développerions nos vies et nos projets, car « nous sommes inclus en elle, nous en sommes une partie, et nous sommes enchevêtrés avec elle », de sorte que « le monde ne se contemple pas de l’extérieur mais de l’intérieur ».

Dénonciation du greenwashing

“La décadence éthique du pouvoir réel est déguisée par le marketing et les fausses informations, qui sont des mécanismes utiles aux mains de ceux qui disposent de plus de ressources afin d’influencer l’opinion publique.
Grâce à ces mécanismes, lorsqu’il est prévu de lancer un projet à fort impact environnemental et aux effets polluants importants, on illusionne les habitants de la région en leur parlant du progrès local qui pourra être généré, ou des opportunités économiques en matière d’emploi et de promotion humaine que cela signifiera pour leurs enfants.
Mais en réalité, on ne semble pas s’intéresser vraiment à l’avenir de ces personnes, car on ne leur dit pas clairement qu’à la suite de tel projet, il résultera une terre dévastée, des conditions beaucoup plus défavorables pour vivre et prospérer, une région désolée, moins habitable, sans vie et sans la joie de la coexistence et de l’espérance, sans compter les dommages globaux qui finiront par nuire à beaucoup d’autres.”

En finir avec le pas cher

Les conséquences les plus graves du dérèglement climatique sont provoquées par les politiques et les consommateurs des pays riches et pèsent paradoxalement sur les pays et les populations les plus pauvres.

“La logique du profit maximum au moindre coût, déguisée en rationalité, en progrès et en promesses illusoires, rend impossible tout souci sincère de la Maison commune et toute préoccupation pour la promotion des laissés-pour-compte de la société.”

Définir un nouveau multilatéralisme

Le multilatéralisme ne doit pas être confondu avec une autorité mondiale concentrée sur une seule personne ou sur une élite au pouvoir excessif : « Lorsqu’on parle de la possibilité d’une forme d’autorité mondiale régulée par le droit, il ne faut pas nécessairement penser à une autorité personnelle ». Nous parlons surtout « d’organisations mondiales plus efficaces, dotées d’autorité pour assurer le bien commun mondial, l’éradication de la faim et de la misère ainsi qu’une réelle défense des droits humains fondamentaux ». Il s’agit de les doter d’une véritable autorité pour “assurer” la réalisation de certains objectifs auxquels on ne peut renoncer. Il en résultera un multilatéralisme qui ne dépendra pas des circonstances politiques changeantes ou des intérêts de quelques-uns, et qui aura une efficacité stable.

Une préoccupation sur le multilatéralisme qui rejoint la préoccupation du CCFD-Terre Solidaire, dans son combat pour établir un devoir de vigilance des entreprises, et mobiliser face à la crise alimentaire le Comité pour la Sécurité Alimentaire des Nations Unies.

En finir avec le mépris à l’égard des activistes

“Finissons-en une bonne fois avec les moqueries irresponsables qui présentent ce sujet comme étant uniquement environnemental, “vert”, romantique, souvent ridiculisé par des intérêts économiques.”

“Acceptons enfin qu’il s’agit d’un problème humain et social aux multiples aspects. C’est pourquoi le soutien de tous est nécessaire. Lors des Conférences sur le climat, les actions de groupes fustigés comme “radicalisés” attirent souvent l’attention. Mais ils comblent un vide de la société dans son ensemble qui devrait exercer une saine “pression” ; car toute famille doit penser que l’avenir de ses enfants est en jeu.”

“Les revendications qui émergent d’en bas partout dans le monde, où les militants des pays les plus divers s’entraident et s’accompagnent, peuvent finir par exercer une pression sur les facteurs de pouvoir.”

Une parole d’encouragement pour le CCFD-Terre Solidaire qui se mobilise en France et ne cesse d’encourager la mise en réseau et les échanges internationaux, comme par exemple avec le programme Tapsa.

Les efforts individuels créent une nouvelle culture nécessaire

“Il faut être sincère et reconnaître que les solutions les plus efficaces ne viendront pas seulement d’efforts individuels, mais avant tout des grandes décisions de politique nationale et internationale.”

“L’effort des ménages pour polluer moins, réduire les déchets, consommer avec retenue, crée une nouvelle culture. Ce seul fait de modifier les habitudes personnelles, familiales et communautaires nourrit l’inquiétude face aux responsabilités non prises des secteurs politiques et l’indignation face au désintérêt des puissants. Nous remarquons donc que, même si cela n’a pas immédiatement un effet quantitatif notable, cela aide à mettre en place de grands processus de transformation qui opèrent depuis les profondeurs de la société.”

Remettre en question une vision judeo-chrétienne trop anthropocentrée

© Anush Babajanyan
Buffles d’eau dans la rivière Kosi en Inde dans l’Etat du Bihar. Les riverains du fleuve sont menacés par le changement climatique. Crédit photo : Anush Babajanyan.

Il nous faut reconnaître que la vie humaine est incompréhensible et insoutenable sans les autres créatures parce que « nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble ». (LD, 67)

3 bonnes raison d’agir

  • “Eviter l’augmentation d’un dixième de degré de la température mondiale peut déjà suffire à épargner des souffrances à de nombreuses personnes.”
  • “Si nous considérons que les émissions par habitant aux États-Unis sont environ le double de celles d’un habitant de la Chine, et environ sept fois supérieures à la moyenne des pays les plus pauvres, nous pouvons affirmer qu’un changement généralisé du mode de vie irresponsable du modèle occidental auraient un impact significatif à long terme. De la sorte, avec les décisions politiques indispensables, nous serions sur la voie de l’attention mutuelle.”
  • “Dans leur conscience, et face au visage des enfants qui paieront les dégâts de leurs actions, la question du sens se pose : quel est le sens de ma vie, quel est le sens de mon passage sur cette terre, quel est le sens, en définitive, de mon travail et de mes efforts ?”

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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