Le CCFD-Terre solidaire est signataire du communiqué du Comité italien pour la souveraineté alimentaire.

Publié le 17.04.2009| Mis à jour le 08.12.2021
Communiqué du Comité Italien pour la Souveraineté Alimentaire et de la Coalition Italienne Contre la Pauvreté. G8 Agriculture – 18/20 avril 2009 « LA NOURRITURE AU CENTRE, L’AGRICULTURE PARTOUT ! » Cette année, l’Italie va accueillir le sommet du G8 dans la tourmente de la crise financière qui s’est rajoutée aux crises alimentaire et énergétique ; cette crise financière est devenue une crise économique ayant des conséquences sur l’économie réelle et le bien-être des familles. De plus, les récentes défaillances mondiales ont maintenant un impact sur deux crises structurelles : celles du climat et celle de la gouvernance mondiale. Aucune de ces crises n’a été anticipée par les autorités, ni traitée par des stratégies correctes ou un sens des responsabilités. Seules des réponses palliatives ont été apportées, en continuité parfaite avec ces mêmes politiques qui ont été responsables de l’effet domino de cette crise.  Pour citer Albert Einstein, « c’est de la folie que de continuer à faire la même chose en espérant des résultats différents ». La situation révèle le manque de prévoyance et de capacité de gestion de ce même leadership global qui prétend guider le monde. Plus important encore, la crise alimentaire a une fois de plus souligné la nécessité de reconnaître le rôle primordial de l’agriculture, en mettant ce secteur au cœur des priorités et politiques gouvernementales. Jusqu’à la forte augmentation des prix de la nourriture – qui, en seulement deux ans, ont exposé 100 millions d’hommes, de femmes et d’enfants aux risques de famines-, l’agriculture était considérée comme un secteur secondaire, un simple obstacle à la finalisation d’un accord de commerce international. Un exemple symptomatique est la réduction drastique des aides publiques à l’agriculture qui sont passées d’un maximum de 18,1% en 1979 à 3.5% en 2004, ainsi que l’a soulignée avec un sentiment évident de culpabilité la Banque Mondiale. De plus, les maigres ressources disponibles étaient réservées au développement d’un modèle agricole orienté vers l’exportation et impliquant seulement un nombre limité de matières premières, un modèle qui a prouvé sa fragilité et son manque de viabilité au niveau de la consommation énergétique et dont seules les élites au Nord comme au Sud ont bénéficié. Un modèle qui est sensible à la volatilité des prix et qui méprise la sécurité alimentaire. Pour nous il a toujours été clair que les relations sociales sont construites autour de la nourriture et de l’agriculture ; c’est aussi le cas de la gouvernance locale, la souveraineté des nations et le droit à la nourriture. Plus qu’aucun autre, l’agriculture est un secteur productif qui génère de la richesse et assure des emplois. Remettre l’agriculture à sa juste place signifie aussi reconnaître la valeur du travail agricole effectué par 1,3 milliard de personnes, soit environ 50% de la main d’œuvre mondiale. Une partie de cette main d’œuvre est composée de travailleurs salariés et saisonniers qui dans beaucoup de pays ne bénéficient pas de droits de travail garantis, de la sécurité d’un contrat ou de mesures de sécurité sociale. Aussi, les problèmes d’exploitation des immigrants et du travail des enfants sont présents dans le secteur agricole comme dans tous les autres. Le démantèlement des systèmes agricoles internes et la confiance placée en des « commerçants mondiaux » pour assurer les réserves de nourritures ont magnifié l’impact de la crise, soulignant le fait qu’une agriculture sans travailleurs de la terre génère des consommateurs sans nourriture. La quantité actuelle de nourriture à disposition de l’humanité n’a jamais été si élevée auparavant, d’après les données de la FAO. Cette quantité est suffisante pour nourrir 12 milliards de personnes. En 2007/2008 (années de crise alimentaire) la production de céréales et de produits alimentaires de base pour la planète entière a atteint des records. Toutefois la convergence de l’augmentation des prix du pétrole avec la production d’agrocarburants, associée à la spéculation financière -facteurs externes au secteur agro-alimentaire- a entraîné une spirale inflationniste qui a affecté durement les consommateurs sans pour autant améliorer les revenus des agriculteurs. La dérégulation de la spéculation financière a permis la diffusion de monocultures non-durables pour la production d’agrocarburants orientée vers l’exportation, qui se sont appropriées des terres agricoles sans pour autant contribuer à la mitigation du climat. Ceci est la raison pour laquelle nous demandons un moratoire immédiat sur les monocultures d’agrocarburants ainsi que la séparation des intérêts financiers de notre héritage agraire, – sur lequel plane maintenant l’ombre de « l’économie de papier » à la recherche d’avoirs rémunérateur après l’éclatement des bulles financières. Dans cette configuration, l’Afrique paye le prix le plus élevé. C’est le continent avec les plus hauts taux enregistrés d’emplois agricoles et le plus grand nombre de personnes affectées par l’insécurité alimentaire. C’est le continent où le changement climatique a eu les effets les plus dévastateurs ; où les pires politiques d’ajustements structurels ont été mises en œuvre, entraînant la diminution des financements publics, l’élimination des services à l’agriculture (crédits, assistance technique, fourniture des matières premières) et des instruments pour la gestion des réserves. Ainsi l’Afrique a augmenté ses exportations de produits agricoles tout en augmentant ses importations alimentaires, ses dettes et sa vulnérabilité politique à des niveaux jamais atteints. De plus, beaucoup d’intérêts géopolitiques ont récemment convergés vers le continent, en relation avec le besoin de contrôler des terres fertiles et des ressources naturelles ou visant l’appropriation d’un marché en expansion. D’une part les banques, entreprises, investisseurs, business agricoles et gouvernements non africains concentrent leurs investissements spéculatifs sur le continent en convoitant ses ressources abondantes. D’autre part on pousse l’Afrique à inscrire son développement agricole dans des modèles démodés tels que la nouvelle « révolution verte » ; pour que des bénéfices soit réalisés dans la vente de graines, engrais et pesticides produits industriellement, tout en endommageant la santé environnementale et en augmentant l’endettement des agriculteurs. Une proposition alternative pour le développement de l’agriculture africaine et la satisfaction des besoins en nourriture a été mise en avant par des associations d’agriculteurs, d’éleveurs et de pêcheurs. Ils affirment la capacité de l’Afrique à satisfaire ses propres besoins alimentaires et mettent ce postulat à la base des négociations avec les institutions régionales et internationales Ces organisations créent un forum continental composé de réseaux régionaux de travailleurs agricoles capable d’engager le dialogue avec l’Union Africaine et autres institutions intergouvernementales, dans le but de protéger les intérêts des populations africaines. Ces organisations soutiennent que le modèle de production alimentaire basé sur l’agriculture familiale et des méthodes agricoles écologiques serait capable de subvenir aux demandes alimentaires du continent entier si il était soutenu par des financements adéquats. Ceci demanderait des politiques agricoles régionales et nationales -formulées en partenariat avec les acteurs sociaux concernés- qui chercheraient à :
  • réintroduire les services à l’agriculture supprimés lors des programmes d’ajustements structurels
  • orienter les investissements vers les infrastructures et les économies rurales
  • mettre en place des marchés locaux et régionaux et les protéger contre les compétitions déloyales liées à la surproduction des agricultures industrielles et subventionnées dans d’autres régions du monde
  • garantir l’accès des travailleurs agricoles à la terre et aux autres ressources naturelles.
En particulier, les systèmes de production agronomique qui nécessitent de vastes quantités d’eau sont parmi les causes majeures des pénuries d’eau dans le monde. Extraire l’eau des écosystèmes naturels et la destiner à des systèmes agricoles produisant principalement des exportations prive les communautés locales de biens publics essentiels, en particulier dans les pays les plus pauvres. Pour assurer la sécurité alimentaire interne et un revenu décent aux producteurs de nourriture à la fois au Nord et au Sud, il faut protéger les marchés locaux. Les pays doivent garantir le droit de promouvoir les marchés locaux par des mesures spécifiques visant à limiter les effets du dumping et des autres pratiques délétères du commerce international telles que les subventions à l’exportation. Le droit à la Souveraineté Alimentaire doit être le principe guidant les négociations à tous niveaux (bilatéral et multilatéral). Un contexte favorable au processus de décision multilatéral doit être assuré en plaçant l’ONU et ses agences au cœur du système de gouvernance globale. Il faut reconnaître à tous les niveaux institutionnels la primordialité des marchés locaux et des chaînes de production courtes pour éviter qu’ils ne soient récupérés par d’importants acteurs internationaux de la distribution. Ainsi il serait possible d’assurer l’existence d’un espace rural riche en termes de population et d’agriculture (Il est mieux d’avoir un voisin qu’un désert pour voisin), la mitigation du chaos climatique, la délivrance par rapport aux besoins en sources d’énergie fossiles, la protection et la réintroduction de la fertilité des sols et l’adoption de mesures économiques et efficaces pour assurer la qualité et la sécurité des produits ; tous ces aspects étant liés à la biodiversité locale. Ainsi une stratégie spécifique est nécessaire pour assurer la gestion efficace du territoire et de ses ressources naturelles, la cohésion sociale, et l’avènement d’une économie basée sur les besoins et les droits, la souveraineté alimentaire et la sécurité tout court de tous les pays. Ces aspects ne sont pas des problèmes idéologiques mais des pratiques que des organisations sociales répandent sur toute la planète : l’exploitation des meilleures méthodes liées aux marchés locaux, la reconnaissance des systèmes agricoles biologiques en tant que modèle de développement plutôt que simples techniques, l’établissement de pratiques de recherches partagées dans lesquelles les agriculteurs deviennent copropriétaires de systèmes innovants. Tous ces éléments sont des moyens concrets par lesquels les communautés rurales peuvent se replacer une fois encore au centre du processus de développement, place primordiale qui est légitimement la leur. Un modèle écologique agricole à petite échelle n’est pas une solution irréaliste. Il est aussi soutenu par les 400 experts qui ont produit une Evaluation internationale sur l’agriculture, la science et les technologies (IAASTD) promue par la Banque Mondiale et la FAO et approuvée par une soixantaine de pays. Ce rapport – qui a semble-t-il été ignoré délibérément par la communauté internationale-, soutient que les OGMs ne représentent pas une option viable pour assurer la sécurité alimentaire, le bien-être des paysans et une solution au changement climatique. Les cultures transgéniques maintiennent non seulement le système agricole entier dans une logique d’organisation industrielle mais introduisent aussi une forme de contrôle sur la production alimentaire par le biais de brevets et contrats qui menacent la sécurité alimentaire mondiale. Considérant également les risques de pollution génétique qui menacent l’intégrité de la biodiversité naturelle et de la production alimentaire, il est évident que les OGMs ne représentent pas un modèle de production viable. Une priorité pour les autorités publiques et les organisations internationales est de penser à des politiques qui cherchent à investir dans une agriculture écologique et qui reconnaissent la centralité du travail rural et du droit à la nutrition et à la sécurité alimentaire. Nous sommes troublés par le nombre accru d’organismes qui prétendent exercer une autorité dans les domaines agricoles et alimentaires et qui ne réussissent qu’à gaspiller de l’énergie et à empêcher la tenue d’un dialogue démocratique et transparent avec les représentants des sociétés affectées. Il reste encore à discuter des propositions du gouvernement français en ce qui concernent un Partenariat Global pour l’Agriculture et la Sécurité Alimentaire. Il faut trouver des moyens d’encourager une participation plus grande que jusqu’à présent, obtenir des bénéfices maximaux d’organisations internationales légitimes qui cherchent spécifiquement à garantir le droit des hommes à la nourriture, en particulier la FAO. Nous espérons que ceci aura lieu le plus rapidement possible et que tous les pays contribueront au débat actuel tout en fournissant les ressources financières nécessaires. La question de la gouvernance est cruciale. Les organisations internationales dédiées à l’agriculture doivent améliorer leur efficacité et démontrer qu’elles sont capables de soutenir au mieux les producteurs de nourriture dont la faiblesse et la dépendance aux institutions économiques et financières aggravent la situation. Pour ces raisons, nous demandons aux Ministres de l’Agriculture des pays du G8 de :
  • Investir dans un modèle agricole basé sur des principes écologiques, donnant la priorité aux marchés locaux, encourageant l’accès universel aux ressources naturelles, promouvant leur gestion, soutenant la production agricole à l’échelle familiale et  excluant les technologies inappropriées à la maintenance d’un équilibre social et environnemental; débutant par un moratoire immédiat sur les OGMs ;
  • Soutenir les processus et mécanismes multilatéraux de gouvernance qui incluent la présence et la participation d’organisations civiles,  basés sur les principes d’autonomie et de représentativité, dans le but de définir des politiques agricoles basées sur la souveraineté alimentaire ; d’accepter les organisations de producteurs agricoles en tant qu’interlocuteurs primordiaux et d’instaurer un système de gouvernance globale pour la nourriture et l’agriculture centré sur l’ONU et ses organisations et basé à Rome ;
  • Protéger le droit à l’alimentation en interdisant le recours à des pratiques financières délétères au regard des matières premières agricoles ;
  • Promouvoir le statut de travailleur agricole, affirmer les droits des travailleurs à la représentation et à la protection par le biais des syndicats et en concordance avec une législation appropriée qui fournit un support social et qui promeut une action vigoureuse pour appréhender le problème du travail illégal et clandestin en partenariat avec les organismes sociaux ;
  • Promouvoir tous les modèles à haute valeur écologique, les valeurs et la pratique d’un commerce équitable, la régulation de l’offre et de la demande (assisté si possible par des instruments de dépense publique), dans le but de renforcer la biodiversité, les petites et moyennes exploitations, et la production locale comme alternative viable et concrète aux réseaux de grande distribution;
Et nous demandons aux gouvernements des pays du G8 de consacrer des fonds plus importants à l’aide publique pour le développement agricole et rural dans le but de revenir aux nivaux atteints en 1979. Téléchargez le communiqué en pdf

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