Sauvetage en mer Méditerranée © Patrick Bar / SOS Méditerranée

Sauvetage en mer Méditerranée © Patrick Bar / SOS Méditerranée

L’histoire de Sophie-Anne Bisiaux, militante engagée auprès de femmes migrantes

Publié le 05.03.2021| Mis à jour le 11.12.2021

Membre de l’association Migreurop, la militante Sophie-Anne Bisiaux rejoint en mai 2020 les bateaux de sauvetage en Méditerranée pour porter secours aux personnes en détresse.
Elle nous raconte la difficulté du parcours migratoire des femmes de la Libye jusqu’à l’Europe teinté de violences et de discriminations systématiques. Une expérience qui fut pour elle bouleversante et qui a renforcé son envie de lutter à leurs côtés.

Une militante-chercheuse engagée en Méditerranée

Pour Sophie-Anne Bisiaux, son métier est davantage une vocation qui traverse tout son quotidien, toutes ses relations, et cela, bien au-delà du cadre professionnel. Elle intervient comme juriste et chercheuse au sein de Migreurop : un réseau africain et européen d’universitaires dont l’objectif est de lutter contre la généralisation de l’enfermement des étrangers. Une association qui est soutenue par le CCFD-Terre Solidaire.

Son engagement trouve sa genèse le jour où elle a tenu entre ses mains pour la première fois un OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) alors qu’elle intervenait bénévolement au sein d’un foyer de travailleurs immigrés. «Ça m’a fait prendre conscience à quel point un simple petit bout de papier pouvait avoir un impact sur la vie des personnes».

Elle commence alors à étudier le droit des étrangers, avec la volonté de lutter pour l’égalité de tous.

Alors qu’elle se trouve en Tunisie dans le cadre de ses recherches sur les politiques migratoires de l’Union Européenne, elle rejoint le réseau AlarmPhone : une ligne téléphonique pour les personnes en détresse en mer.

Face à tous les appels qu’elle reçoit, une frustration la submerge. Chez AlarmPhone, il n’y a pas de bateau de sauvetage. «Le plus gros problème en Méditerranée, c’est la non-assistance. On laisse juste des personnes mourir, des bateaux dériver puisque personne ne veut en prendre la responsabilité».

Sophie-Anne a voulu pousser son engagement plus loin. Elle rejoint en juin 2020 les embarcations de sauvetage en Méditerranée. À bord, elle prend conscience de la réalité d’être sur un petit bateau en caoutchouc face à des vagues de 1 mètre.
Par ses rencontres, elle prend surtout conscience de la réalité d’être une femme sur la route migratoire.

Être une femme migrante : un vrai parcours de combattante

Qu’on soit un homme ou une femme, un parcours migratoire reste un voyage dangereux et coûteux. Mais les femmes, en tant que femmes et migrantes, vivent des discriminations et des abus spécifiques.
«On vit dans un monde patriarcal, que soit en Afrique du Nord ou en Europe, les femmes vivent des discriminations qui les accompagnent tout au long de leur parcours migratoire».

Sophie-Anne témoigne. Les femmes qu’ils ont secourues portaient quasiment toutes des traces de violences de leur passage en Libye et faisaient état de violences sexuelles subies.

Sur les embarcations de fortune, les femmes et les enfants sont généralement placés au centre du bateau tandis que les hommes restent sur les bords –une place qui les expose davantage à un risque de noyade en cas d’inondation, ou d’étouffement en cas de mouvements de panique.

Sauvetage en mer Méditerranée © Patrick Bar / SOS Méditerranée
Sauvetage en mer Méditerranée © Patrick Bar / SOS Méditerranée

Face aux difficultés qui les attendent sur les routes migratoires, elles cherchent à se mettre sous la protection d’hommes plus ou moins scrupuleux (passeurs, gardiens de centre, policiers, etc.) qui bien souvent, abusent d’elles.

Mais pour Sophie-Anne, ces femmes ne sont pas des victimes. Ce sont des femmes combatives et courageuses qui doivent déployer des forces surhumaines pour faire face aux difficultés qu’elles rencontrent. Elles savent mettre en place des stratégies et s’organiser entre elles.

En France, beaucoup de femmes s’organisent pour défendre leurs droits et sont très présentes dans la lutte des sans-papiers. Moins visibles dans l’espace public que les hommes, elles sont pourtant bien présentes. Il ne faut pas les oublier. «Être une femme, et d’autant plus femme migrante, c’est un vrai parcours de combattante.»

Et pourtant, une vision principalement masculine des migrations persiste. En réalité, 50 % des personnes migrantes sont des femmes. Une image faussée qui résulte d’une médiatisation plus intense accordée aux routes principalement empruntées par des hommes, comme la Méditerranée. Et pourtant.

Ces routes sont empruntées par au moins 20 % de femmes qui pour la plupart voyagent seules et ne sont pas forcément porteuse d’un projet migratoire dépendant de celui d’un homme.

Certaines d’entre elles portent des ambitions professionnelles et viennent pour faire des études. Certaines d’entre elles migrent pour fuir des violences, des mariages forcés ou des excisions. Il y a des femmes militantes, féministes qui fuient des persécutions politiques.

L’égalité de circulation au cœur de son combat

Fortement marquée et bouleversée par ses rencontres, Sophie-Anne est rentrée de mission emplie de colère et d’indignation face aux inégalités et injustices dont elle a été témoin.

Elle ressent de la frustration à rencontrer ces femmes, courageuses et combatives, que dans ces contextes d’assistance humanitaires si particuliers. «On aimerait vraiment que ces rencontres se fassent, je ne sais pas, dans un café à Paris parce que cette femme aurait pu prendre un avion comme moi si je me rends, je ne sais pas, de Dakar à Paris, j’aurais la chance de prendre un avion.»

Au cours de sa mission, 200 personnes secourues ont pu être débarquées en Italie. Mais 200 personnes ça reste «une goutte d’eau dans un océan».

Pour Sophie-Anne, ça ne devrait pas être une chance d’être secouru par un bateau d’ONG, car cela relève du droit international ; si ces personnes avaient un visa, elles ne se risqueraient pas à traverser la Méditerranée au péril de leur vie. «J’avais ces images, ces images de sauvetage en tête, qui revenaient en boucle et des choses, qui juste, ne devraient pas exister».

Un sentiment de colère qui s’accompagne d’un sentiment d’inquiétude à l’idée de laisser ces personnes poursuivre leur parcours sans savoir ce qu’elles deviendront. Et un sentiment de frustration de ne pas pouvoir les informer, les alerter ni les accompagner sur ce qui les attend de l’autre côté, en Europe.

Mais Sophie-Anne est plus que déterminée à poursuivre à son engagement et à lutter pour l’égalité des droits. «D’être face à des femmes qui sont aussi fortes, je pense que ça donne aussi beaucoup de courage et de détermination».

© Sara Prestianni / CCFD-Terre Solidaire
© Sara Prestianni / CCFD-Terre Solidaire

Pour elle, la lutte des personnes migrantes et la lutte des femmes sont deux combats qui doivent être menés ensemble. Et parvenir à une égalité des droits ne pourra être possible que le jour où l’on respectera la liberté de circulation pour tous.

Elle embarquera prochainement en mission dans les Balkans. L’enjeu est de travailler sur les politiques d’externalisation des frontières de l’UE et de poursuivre son combat contre la violation des droits des personnes migrantes.

«Alors mon métier, c’est de dire non à ça. C’est peut-être oui, de rendre visible ce que l’Union Européenne tente de rendre invisible». Pour aller plus loin :

Comprendre les combats du CCFD-Terre Solidaire pour les migrations.

Le rapport de Migreurop «Politique du non-accueil en Tunisie. Des acteurs humanitaires au service des politiques sécuritaires européennes».

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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