Projet de loi asile et immigration : encore une loi sécuritaire

Publié le 22.09.2023| Mis à jour le 26.09.2023

L’examen du projet de loi pour « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » reprendra en novembre, a annoncé le gouvernement. Un texte initial très restrictif encore durci par la commission des lois du Sénat, au nom du fantasme de l’appel d’air.

Et un de plus. Le projet de loi « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » est le 22e texte sur le sujet depuis 1986. Qu’apporte-t-il ? Pour François Héran, professeur au Collège de France sur la chaire Migrations et Société, ce nouveau texte est éloigné de la réalité de l’immigration. Auteur d’Immigration : le grand déni (Seuil,La République des idées), il relève combien la France occupe une position « très moyenne dans la part d’immigrés que compte sa population ». Très loin des fantasmes véhiculés sur un supposé appel d’air ou une submersion. Des termes pourtant employés durant l’examen du projet de loi au Sénat.

La version du texte qui sera soumis aux parlementaires est celle amendée par la commission des lois du Sénat en mars dernier. « L’orientation de la loi qui se voulait équilibrée entre un volet répressif et un volet accueil est remise en cause par les modifications introduites en commission », regrette François Héran. Notamment des attaques systématiques autour du principe du regroupement familial, un droit reconnu par le Conseil d’État en 1978 et inscrit dans l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Pour François Héran, le discours du groupe Les Républicains est démagogique tant les parlementaires méconnaissent la jurisprudence validant des dérogations au principe de regroupement, notamment en cas de force majeure ou d’ordre public.

Avec le projet de loi, le gouvernement va dans le sens des thèmes anti-migrants. Il y est question d’une France à l’immigration massive où la seule solution est sécuritaire.

Sophie Duval, chargée de plaidoyer migrations

Suppression de l’aide médicale d’État

Les amendements ont également durci les conditions de ressources pour bénéficier du regroupement familial. Si le texte est voté en l’état, il faudra attendre 24 mois au lieu des 18 actuellement nécessaires avant qu’un étranger puisse y recourir. « À quoi cela rime d’ajouter six mois de séparation entre parents et enfants et entre conjoints ? Certains voient leurs enfants grandir par Skype », déplore François Héran.

L’aide médicale d’État (AME), dénoncée par la droite comme une « pompe à immigration », voit sa suppression actée par les sénateurs. Elle est remplacée par une aide médicale d’urgence très limitée. Dans son décryptage de la loi, la Cimade rappelle que « moins de la moitié des personnes éligibles ont effectivement recours à l’AME et que très peu de fraudes sont relevées ».

De même, Les Républicains ont retiré du texte la possibilité d’une régularisation par le travail dans les métiers en tension. « Il s’agissait d’inscrire dans la loi la circulaire Valls de 2012 qui permet, selon certains critères, la régularisation. Or un tiers des préfets ne l’applique pas », détaille François Héran. Très restrictive, cette disposition ne créait pas un statut stable, les titres étant valables un an et invalidés en cas de disparition de l’entreprise, par exemple. « Cette philosophie zéro régularisation est démagogique. C’est contraire à l’ordre public d’avoir des sans-papiers travaillant dans nos restaurants, dans nos exploitations agricoles », souligne François Héran.

49.3

Quoi qu’il en soit, pour obtenir l’adoption de la loi, le président Emmanuel Macron a affiché en juillet dernier la détermination du gouvernement se disant prêt à n’écarter aucun moyen, ouvrant la possibilité du recours au 49.3. Et pour s’assurer de dégager une majorité sur le texte de loi, quelle sera la stratégie du gouvernement ? Donnera-t-il des gages aux visions les plus restrictives et sécuritaires de l’immigration ?

Sophie Duval, chargée de plaidoyer migrations au CCFD-Terre Solidaire, n’est guère optimiste. Que dire en effet du peu de réactions de l’État au moment des mobilisations de l’extrême droite à Callac et à Saint-Brevin-les-Pins contre les projets d’accueil des demandeurs d’asile ? « Ces manifestations présentent une menace réelle. Les discours racistes et xénophobes repris par une sphère large ne sont pas contrés par le gouvernement. En outre, sur le projet de loi, le gouvernement va dans le sens des thèmes anti-migrants. Il y est question d’une France à l’immigration massive où la seule solution est sécuritaire », regrette-t-elle.

Christine Chaumeau

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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