Sanphasit Koompraphant – Thailande

Publié le 01.03.2004| Mis à jour le 08.12.2021

La prostitution est devenue un cancer social

La prostitution est devenue un cancer
social
Bangkok, mars 2004

D’un côté, nous avons une demande importante qui ne vient pas que des seuls
touristes. Elle émane de chauffeurs de bus ou de poids lourds, de militaires, de
travailleurs éloignés de leurs familles, d’hommes aux besoins
« particuliers » ou qui n’ont pas de bonnes relations sexuelles avec
leurs épouses, mais aussi de businessmen qui, après leur rendez-vous d’affaires,
ont envie de se « détendre ».Toutes les couches de la société
thaïlandaise sont donc impliquées.
De l’autre, des « lieux de
loisirs », ouverts au bord des routes et des autoroutes, à côté des hôtels
ou dans les quartiers touristiques, et même près des hôpitaux ou des écoles…
dont la fonction première est de fournir des femmes à tous ces gens. Pour
autant, beaucoup d’enfant ou de jeunes femmes ne peuvent accéder par eux-mêmes à
de tels lieux. C’est pourquoi, des réseaux de recruteurs se livrent à un
véritable trafic humain pour fournir leurs clients en « matière
première ».

Ils ne manquent pas d’arguments : les revenus tirés de la
prostitution peuvent en effet être élevés. Alors qu’une jeune femme travaillant
dans une usine peut espérer un salaire mensuel de 5 000 bahts, une prostituée
peut gagner, quant à elle, plus de 50 000 bahts par mois ! De quoi succomber aux
« lumières de la ville », acheter ou louer un appartement moderne,
avoir le dernier mobile à la mode, s’habiller de grandes marques et s’assurer
une certaine « qualité de vie ».
Les personnes qui se retrouvent
ainsi entraînées à se livrer à la prostitution le font pour deux raisons
principales. La première peut être d’ordre familial. Une adolescente a un
conflit avec ses parents. Elle quitte, pas toujours de son plein gré, le
domicile familial. Il lui faut alors trouver de l’argent pour vivre et la
prostitution est un moyen pour lui permettre d’en gagner rapidement. Pour
d’autres, c’est le désir d’être, de se comporter en « adulte » qui les
pousse à se prostituer pendant leur adolescence. L’argent servira à payer les
sorties dans les boîtes branchées, le sac à main made in France ou in
Italy,
les chaussures griffées… On pourrait presque parler dans ces cas-là
de prostitution « volontaire » et c’est là un phénomène qu’il est
difficile de contrôler.
La seconde raison est une raison économique et
concerne principalement les jeunes femmes originaires des régions défavorisées
de Thaïlande, le Nord et le Nord-Est, ou des pays limitrophes, Birmanie,
Cambodge, Laos, dont la situation économique n’est guère reluisante. Il n’y a
sur place aucune possibilité d’emploi qui leur permettrait de rester au village.
Si l’on ajoute à cela la présence de conflits armés en Birmanie et au Cambodge,
on comprend aisément que certaines préfèrent migrent vers des régions plus
« accueillantes ». C’est ainsi que nombre d’entre elles se retrouvent
employées dans des « lieux de loisirs ». Pas toujours pour se livrer à
la prostitution d’ailleurs dans un premier temps. Mais, si elles veulent
« gagner plus », il leur faudra alors vendre leurs corps. 

Est-ce que cela rapporte de l’argent ? Bien entendu, et même beaucoup
d’argent. Mais, je ne suis pas sûr que cela soit très bénéfique pour le pays. La
prostitution engendre certes de fortes rentrées d’argent, mais cet argent est
entre les mains du crime organisé qui le blanchit à l’extérieur du pays. Il ne
reste donc pas en Thaïlande. Quant aux jeunes femmes, le temps où elles se
prostituaient pour subvenir à leurs besoins et permettre à leur famille de mener
une vie normale, avoir un bout de terrain, construire une maison, envoyer les
plus petits à l’école, semble être aujourd’hui révolu. Il n’y a plus d’épargne,
ni d’investissements. Juste un consumérisme aveugle aux profits de produits de
luxe souvent importés, ce qui n’aide pas non plus la société
thaïlandaise.
Aujourd’hui, même les collégiennes se conduisent comme des
prostituées et la prostitution est devenue un véritable cancer social. Un cancer
dont la société ne peut espérer aucun bénéfice, car le coût social à payer est
bien plus élevé

Propos recueillis par Patrick Chesnet

Sanphasit Koompraphant travaille depuis 1981 sur le
problème de la violence aux enfants. Depuis 1985, il dirige, le Centre pour la
protection des droits de l’enfance en Thaïlande, dont l’objectif est de porter
secours et de réinsérer aux enfants et jeunes filles victimes de trafics
humains.

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