Publié le 3 mai 2011
Le sous-investissement dans le développement agricole et rural a contraint certains pays à une grande dépendance alimentaire.
Prés d’une quarantaine de pays, notamment d’Afrique subsabharienne, ont été concernés par la crise alimentaire de 2008. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette crise n’est pas nouvelle. Au Niger par exemple, des manifestations contre la vie chère existaient déjà depuis quelques années. Il serait réducteur de penser que les causes des émeutes ont été uniquement liées à une conjoncture internationale perturbée par la hausse du prix du pétrole, l’augmentation des besoins des pays émergents et une spéculation financière sur les produits agricoles.
Les manifestations étaient visibles car elles étaient essentiellement urbaines. Elles ne doivent cependant pas cacher le fait que les trois quarts des 925 millions de personnes qui, selon la FAO, souffrent de façon permanente de la faim, habitent en zone rurale. Cette situation est le résultat de politiques nationales exclusivement favorables aux activités d’exportation. C’est ainsi qu’en Afrique subsaharienne, seulement 4 % des ressources nationales sont investies dans le secteur agricole, alors même que l’agriculture produit 30 % des richesses et occupe près de 70 % de la population. Ce sous-investissement dans le développement agricole et rural a contraint certains pays à une grande dépendance alimentaire, comme la Mauritanie qui importe aujourd’hui 70 % de ce qu’elle consomme. Par ailleurs, la mise en concurrence internationale de l’agriculture familiale avec des modèles agricoles intensifs et productivistes, fortement subventionnés, qui accaparent les ressources en terre et en eau et exportent à bas prix, accentue encore ces difficultés. Or l’agriculture familiale emploie la moitié de la population mondiale.
Le sous-investissement rural, notamment agricole, est responsable de l’exode rural. Les villes doivent accueillir un flot continu de migrants sans pouvoir pour autant créer autant d’emplois. Ces nouveaux habitants deviennent des consommateurs pauvres qui ne peuvent faire face à une augmentation des prix des denrées (45 % d’augmentation en 2008).
La réussite de l’Union européenne en matière de sécurité alimentaire devrait faire réfléchir. Grâce à la mise en place en 1961 de sa Politique agricole commune fondée sur un marché commun, des protections douanières et des soutiens à la production, l’Europe a su passer en effet d’une situation de déficit alimentaire, dans les années 1950, à l’autonomie dès 1973. Il faut de la même manière laisser aux pays du Sud la possibilité de développer activement leur agriculture tout en se prémunissant contre des agressions commerciales extérieures.
Ainsi, il est nécessaire de soutenir les filières vivrières, de combiner plusieurs modèles agricoles de production pour faire face à l’ensemble des besoins tout en amortissant les variations de stocks et de prix trop brutales, de soutenir particulièrement les exploitations familiales en considérant l’ensemble de leurs activités économiques, de permettre aux petits producteurs d’accéder aux ressources en terre, en eau, en formation, en financements et en semences et améliorer, in fine, la relation commerciale monde rural/marchés urbains (relations producteurs/commerçants, désenclavement, systèmes de groupage et de stockage).
Une politique agricole soucieuse des intérêts des petits paysans doit également s’attacher à protéger les territoires ruraux, c’est-à-dire aussi bien les terroirs que les modes de vie. Une telle politique est requise non pas seulement pour des raisons économiques (l’agriculture familiale est en mesure d’accroître ses rendements et de dégager des excédents au profit de la collectivité nationale), mais également sociales (une telle agriculture permet de fixer les populations rurales tout en accroissant et en redistribuant les revenus), et environnementales : il faut en effet songer que les agricultures familiales sont plus facilement fongibles dans une « révolution doublement verte », écologiquement intensive, que l’agriculture à haute intensité de capital, qui prend souvent la forme de monocultures d’exportation.
Les politiques agricoles sont des attributs de la souveraineté. Pour que les pays en développement puissent concevoir et mettre en œuvre leurs politiques en toute indépendance, il convient de leur reconnaître la pleine « souveraineté » alimentaire : le droit et le pouvoir d’organiser librement la production, l’approvisionnement, la distribution et la consommation d’aliments.
La souveraineté cependant ne suffit pas : le principe de souveraineté ne peut en effet reposer que sur le droit. La reconnaissance du droit à l’alimentation doit orienter toute politique de « souveraineté » alimentaire. Pour le CCFD - Terre Solidaire et ses partenaires, l’exercice de ce droit n’est possible qu’à la condition d’un développement « endogène » des capacités locales de production.
Les sociétés civiles interviennent dans divers champs :
Dans tous ces domaines, des politiques publiques favorables à l’exploitation familiale sont nécessaires. Il s’agit notamment de réformes foncières, de lois d’orientation agricole favorisant les filières vivrières (via notamment l’appui, l’accompagnement, la formation des paysans et la fourniture de services, le financement d’infrastructures et d’aménagements, la reconnaissance des coopératives et syndicats paysans), de politiques commerciales nationales et internationales adaptées...
Les acteurs
Pendant des décennies, les acteurs intervenant dans le monde rural étaient assez isolés les uns des autres, et leurs activités se cantonnaient le plus souvent à la vulgarisation des techniques agricoles apprises à l’école de la « révolution verte ». D’importantes organisations paysannes existent à présent, structurées par filières ou privilégiant des entrées géographiques, regroupant des organisations de base ou des individus. Elles sont dans l’ensemble plus anciennes et fortes en Amérique latine et en Asie qu’en Afrique, où elles ont émergé il y a quinze ans. Elles se sont structurées autour de projets de développement agricole puis autour de projets de plaidoyer portant sur les politiques agricoles nationales ou internationales. Ces organisations paysannes ont aujourd’hui des fédérations nationales et des organisations sous-régionales. Elles se font entendre sur la scène internationale.
Des ONG évoluent aussi sur ce terrain, engagées elles-mêmes auprès des organisations paysannes ou des groupements de base mais aussi, sur d’autres terrains essentiels au développement du monde rural : la formation professionnelle, l’introduction de techniques culturales et de petite mécanisation, le développement d’unités de transformation...
Des comités de développement villageois existent dans de nombreuses régions et favorisent l’émergence de pratiques sociales favorables à l’amélioration des conditions d’existence et de production : règles de cohabitation entre éleveurs et cultivateurs, investissements dans des magasins de stockage au niveau villageois... Il en va de même des collectivités locales, qui sont de nouveaux acteurs en Afrique et seront amenées à jouer un rôle important dans l’avenir, à travers les plans de développement locaux dont elles auront la responsabilité, la création de guichets fonciers tels qu’ils se dessinent dans les nouvelles lois foncières.
D’autres acteurs jouent un rôle qui peut, dans certains pays, être décisif : les mutuelles de solidarité, quelquefois traditionnelles, permettent la mise en place de systèmes d’épargne-crédits autour d’événements de la vie ou autour de projets productifs ; les églises, notamment chrétiennes travaillent au sein des « communautés ecclésiales de base », en formant de nombreux animateurs agricoles. Ce travail se poursuit aujourd’hui. Les centres de formation et les centres de recherche, privés, associatifs ou publics, enfin, jouent un rôle non négligeable dans l’appui aux exploitations familiales mais négligent souvent les filières vivrières. Ces centres produisent des innovations techniques, mais rechignent encore trop souvent à investir le champ du plaidoyer.
Les OSC sont des intermédiaires indispensables pour appréhender correctement les réalités culturelles fortes et complexes du monde rural. Les liens claniques et familiaux, les rituels religieux et les tabous, les droits d’usage existants sur la terre, le système de dons et contre-dons, les corps de métiers réservés à certaines castes, les différenciations sexuelles pour l’exécution des travaux agricoles sont autant de faits, facteurs positifs ou négatifs de développement, selon les circonstances. à ces particularités s’ajoutent l’analphabétisme, l’enclavement et le manque de moyens de communication qui rendent particulièrement complexe le dialogue avec les populations concernées.
Le CCFD - Terre Solidaire et ses partenaires ont une expérience et une plus-value plus particulièrement dans : l’accès aux ressources, l’amélioration de la production, de la transformation locale et de la commercialisation, la préservation de l’environnement et de la biodiversité, l’appui à la structuration des acteurs.
Le CCFD - Terre Solidaire a travaillé longtemps avec des ONG et des structures d’église très engagées dans la formation des paysans et des communautés, notamment en matière de production agricole. Il a notamment participé à la formation entrepreneuriale de jeunes agriculteurs. Sa filiale, la SIDI, a mené beaucoup de recherches sur le financement des petits producteurs. Aujourd’hui, le CCFD - Terre Solidaire soutient plutôt des organisations paysannes mais il s’attache, avec elles, à aborder des aspects spécifiques : il accompagne ces organisations durant les premières années de leur vie institutionnelle, lorsqu’elles n’ont accès à aucun autre bailleur parce que leur projet institutionnel, nouveau, est jugé particulièrement risqué. C’est ainsi, par exemple que le CCFD - Terre Solidaire a souvent été à l’origine d’expériences innovantes en matière de commercialisation en milieu rural. Il cherche comme toujours à ouvrir l’accès à de nouveaux bailleurs et à faciliter contacts et alliances, notamment au moment des événements internationaux.
Un des enjeux aujourd’hui concernant les organisations paysannes est relatif à la solidité de leur structure, l’acquisition de compétences chez les membres « à la base » et le renouvellement des instances décisionnelles. Il souhaite attirer l’attention sur la trop grande pression exercée par les coopérations internationales depuis peu sur les organisations paysannes, dans leur désir d’appuyer ces structures, qui ont fait leurs preuves et semblent plus fiables que les gouvernements. Mais les unes ne peuvent remplacer les autres et il est important de permettre également la réhabilitation des institutions étatiques en les confortant dans leur rôle, qui reste incontournable, et en contribuant à leur redynamisation.
Pour l’AFD, la société civile rurale comprend trois ensembles distincts bien qu’ils se recouvrent. Les communautés locales tout d’abord. Se sont des partenaires de l’Agence de longue date, dans le cadre des projets de gestion des terroirs ruraux, devenus aujourd’hui des programmes d’appui à la décentralisation dans les zones rurales. Le second ensemble est celui des d’organisations professionnelles agricoles, dont les compétences (syndicales, économiques), les champs d’intervention (un produit, un périmètre agricole) et l’échelle géographique (groupement villageois ou faîtière nationale) sont très divers. Le troisième ensemble est celui, quelque peu nébuleux, des associations militantes du Sud. Les trois ensembles ont besoins les uns des autres.
Historiquement, l’AFD a d’abord soutenu des groupements paysans techniques et économiques, considérés en tant que structures permettant d’améliorer l’efficacité des filières agricoles, le coton notamment. Il s’agissait ainsi de transférer aux producteurs une partie du coût social des projets de modernisation agricole. Chemin faisant, avec les partenaires de ces filières, l’Agence a modifié son regard sur les responsabilités que devaient assumer le monde paysan. Ainsi l’AFD a soutenu la participation des petits producteurs en tant que véritables partenaires économiques des filières, en facilitant par exemple, leur entrée au capital des sociétés cotonnières. Elle a également soutenu la constitution d’organisations régionales qui ont pu être présentes jusque dans les arènes de l’OMC à Cancun. En cela, l’Agence s’inscrit pleinement dans des débats à la fois économiques, techniques et finalement très politiques.
Dès lors que la maîtrise d’ouvrage des projets financés par l’AFD relève le plus souvent des administrations nationales, ces évolutions n’ont pu se faire sans un dialogue exigeant avec elles. Favoriser la prise de responsabilité des acteurs de la société civile au sein de projets placés sous la responsabilité d’acteurs publics (administrations ou sociétés d’État) implique une véritable « pédagogie de tension », de façon à ce que très concrètement, les ressources mises à disposition de l’Agence contribuent au renforcement des capacités des contre-pouvoirs de la société civile rurale, dans ses trois composantes évoquées.
Le « stade ultime » de cette pédagogie sera atteint lorsque les États considéreront comme d’intérêt général que des allocations budgétaires soient faites (dans le cadre de programme d’aide budgétaire par exemple) pour l’appui à leur société civile. Dès lors que les États reconnaissent que le fait de disposer d’une société civile dynamique et structurée est partie intégrante d’une stratégie de développement, il faut la financer, ainsi que le font dans des proportions variables les États du Nord.
À ce titre, l’AFD dispose désormais d’outils et de programmes transversaux, co-gérés par les organisations non gouvernementales françaises, qui permettent d’accorder un soutien non affecté a priori aux organisations professionnelles agricoles du Sud.
S’agissant de l’appui aux organisations paysannes du Sud, les points clés de l’Agence sont :
Cinq portraits ont été réalisés par le quotidien La Croix au Paraguay avec des associations partenaires du CCFD-Terre solidaire. Une série (...)
Aujourd’hui un enfant syrien sur deux réfugié au Liban n’a pas accès à l’enseignement. Le CCFD-Terre Solidaire appuie les initiatives de la (...)
Créée par des archéologues, l’association Emek Shaveh est une organisation israélienne qui vise à sensibiliser le public, les journalistes et (...)
Qui sont les Rohingya ? Pourquoi sont-ils persécutés ? Un rapport très documenté, publié par l’association Info Birmanie, soutenue par le (...)
Selon la société civile, au moins 180 000 personnes sont portées disparues au Mexique. Démunies face à des autorités corrompues et liées au (...)
Le 27 mars 2018, le père Amaro Lopes de Sousa, agent de la Commission pastorale de la terre et curé au Brésil, a été arrêté et incarcéré. (...)