© Patrick Bar

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Lumière sur les financements français et européens en Tunisie

Publié le 22.05.2024| Mis à jour le 29.05.2024

La coopération migratoire au prix des droits humains ?

Alors que la Tunisie s’enfonce dans une violente répression des personnes exilées et de toute forme d’opposition, le CCFD-Terre Solidaire publie un rapport qui met en lumière l’augmentation des financements octroyés par l’Union européenne et les États européens à ce pays pour la sécurisation de ses frontières. Cette situation interroge la responsabilité de l’UE et de ses pays membres, dont la France, dans le recul des droits humains.

Consulter la synthèse du rapport :

La Tunisie s’enfonce dans l’autoritarisme

Au cours des deux dernières années, la Tunisie sous la présidence de Kaïs Saïed s’engouffre dans l’autoritarisme. En février 2023, le président tunisien déclare qu’il existe un “un plan criminel pour changer la composition démographique de la Tunisie“, en accusant des “hordes de migrants clandestins“ d’être responsables “de violences, de crimes et d’actes inacceptables“.

Depuis cette rhétorique anti-migrants, les violences à l’encontre des personnes exilées, principalement d’origine subsaharienne, se sont exacerbées et généralisées dans le pays. De nombreuses associations alertent sur une montée croissante des détentions arbitraires et des déportations collectives vers les zones frontalières désertiques de l’Algérie et de la Libye.

En octobre 2023, le Monde révèle que près de 3.700 personnes d’origine subsaharienne auraient été déportées vers la Libye par les autorités tunisiennes depuis juin. Parmi elles, on compte une trentaine de morts avérés et plus de 80 personnes portées disparues. 

Les financements de l’Union Européenne sont-ils complices ? 

Face à la dérive autoritaire de la Tunisie, l’Europe n’a pas semblé prête à restreindre ses partenariats stratégiques avec le pays.

Dans son rapport, le CCFD-Terre Solidaire porte une analyse détaillée de la coopération migratoire entre l‘Union européenne et la Tunisie. Celle-ci s’est formalisée en 2014 et s’est intensifiée au cours des trois dernières années. Et pour cause, la Tunisie est l’un des principaux points de passage migratoire, avant la Libye, vers l’Europe. Afin de restreindre la migration vers ses territoires, l’Union européenne soutient de manière croissante le régime tunisien dans le renforcement de ses contrôles frontaliers, sans porter d’attention suffisante aux atteintes aux droits humains que cela peut entraîner.

Le 21 mai, Le Monde publie une enquête réalisée en consortium avec huit autres médias. Celle-ci révèle comment l’argent de l’UE permet aux pays du Maghreb d’expulser par centaines des personnes migrantes en route vers l’Europe dans des zones désertiques en Tunisie, au Maroc et en Mauritanie.

Le 16 juillet 2023, la Commission européenne a conclu avec la Tunisie un partenariat stratégique, appelé “mémorandum d’entente“, qui fixe comme objectif prioritaire la “lutte contre l’immigration irrégulière“. À travers cette entente, l’UE s’est engagée notamment à verser 105 millions d’euros à la Tunisie pour le renforcement des contrôles aux frontières et la réadmission des demandeurs d’asile déboutés. Cet accord informel a été ratifié sans le consentement unanime de tous les pays membres de l’UE, suscitant des critiques de certains États comme l’Allemagne. 

En somme, depuis 2015, près de 200 millions d’euros auraient été promis par l’UE à la Tunisie, uniquement pour le renforcement des contrôles aux frontières.

Ces engagements ont été pris dans un contexte d’intense répression politique et sociale, et de ciblage des personnes exilées et de celles et ceux qui les soutiennent, par le gouvernement tunisien.

Équipe plaidoyer migrations du CCFD-Terre Solidaire.

200 MILLIONS

d’euros promis par l’UE à la Tunisie, depuis 2015.

10 %

du budget d’aide extérieure de l’Europe est alloué aux migrations.

Que fait-on de l’argent ?

Au cours de son enquête, le CCFD-Terre Solidaire a été confronté au manque de transparence entretenu par le gouvernement français concernant ses financements et ses programmes octroyés à la Tunisie en matière migratoire. 

En juin 2023, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin déclare lors d’une visite en Tunisie que la France apporterait au pays une aide bilatérale de 25.8 millions d’euros, dans le but de “soutenir les efforts nationaux de lutte contre l’émigration clandestine“

Presque aucune information officielle n’a été transmise concernant le contenu précis de cet accord. Le CCFD-Terre Solidaire, après avoir tenté, en vain, d’obtenir des informations auprès du cabinet ministériel, a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) en janvier 2024. Celle-ci a estimé que le ministère de l’Intérieur devait rendre public les documents concernés par cet accord. Or, cet avis n’a été suivi d’aucun effet.  

Ces dernières semaines, la répression s’est encore intensifiée. Le 3 mai dernier, plusieurs centaines de personnes migrantes avaient été évacuées de force de leurs campements installés devant des agences onusiennes. En poursuivant sa lutte contre l’immigration, le régime cible désormais les défenseur.euses des droits humains, les journalistes ou d’autres personnalités médiatiques pour leurs critiques. L’arrestation de l’avocate Sonia Dahmani, survenue le 14 mai, en est un exemple frappant. 

Les financements alloués pourraient contribuer à des violations des droits fondamentaux, engageant ainsi la responsabilité des acteurs européens. La transparence des partenariats engagés entre la Tunisie et l’UE, impliquant ses États membres, dont la France, est donc primordiale.

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avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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