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Birmanie : une école gratuite et ouverte à tous les enfants, sans distinction d’ethnie ou de religion

Publié le 24.02.2017| Mis à jour le 10.09.2021

De la maternelle jusqu’à la sixième, ils sont près de 500 enfants à se rendre tous les jours a l’école. Cette école gratuite accueille tous les enfants sans distinction d’ethnie ou de religion.


À Hlaing Tha Yar, une banlieue très pauvre de Rangoun, un moine bouddhiste a ouvert une école monastique “engagée socialement”. Gratuite, elle accueille tous les enfants du quartier sans distinction d’ethnie ou de religion. Elle utilise des méthodes éducatives alternatives pour le plus grand bonheur des enfants. Et de leurs parents.

Le réseau des Ecoles monastiques socialement engagées, SEMS, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, propose depuis quelques années une pédagogie alternative pour l’enseignement dans une soixantaine d’écoles monastiques de Birmanie, dont celle de Hlaing Tha Yar.

« Dans les écoles publiques, les instituteurs font leurs cours et les élèves écoutent en silence. Ils recopient ce qui est écrit sur le tableau noir, c’est tout. Les gamins ne sont pas vraiment heureux. En tout cas, moi je ne l’étais pas », se souvient Ashin Sanda Wara.

A l’âge de 13 ans, il quitte les bancs de l’école pour entrer dans la Sangha, la communauté des moines bouddhistes. Il s’y épanouit d’abord en tant que spécialiste de littérature religieuse. Jusqu’à ce jour où son supérieur lui demande de s’occuper d’éducation. « Je n’y connaissais rien », reconnaît-il.

Les écoles monastiques ne sont pas une nouveauté en Birmanie. Leur origine remonterait même au XIe siècle. Ce sont elles qui, pendant longtemps, se sont chargés d’instruire des générations de jeunes Birmans. Leur apprenant l’écriture et le calcul, mais aussi la vie et les enseignements du Bouddha.

Aujourd’hui les établissements publics ont pris en charge l’éducation nationale. Mais les frais de scolarité font que les enfants les plus pauvres ne peuvent bien souvent y avoir accès. C’est dans ce contexte que quelque 1600 établissements dirigés par des moines bouddhistes perpétuent une tradition éducative à travers le pays, le plus souvent auprès de populations marginalisées vivant dans des villages ruraux pauvres ou les bidonvilles des grandes villes.

Un système éducatif alternatif

birmanie_3.jpg Appelé à prendre des responsabilités pédagogiques, Ashin Sanda Rama se plonge dans les manuels de pédagogie, lui qui n’oublie pas ses mauvais souvenirs du primaire.

Mais comment faire ? Le moine s’envole pour l’université de Chiang Maï, en Thaïlande, où il suit une formation en sciences sociales et en leadership. De retour en Birmanie, il participe à différents programmes mis en place par le Centre for Promotion of Monastic Education (CPME) et les Socially Engaged Monastic Schools (SEMS), deux organisations partenaires du CCFD-Terre Solidaire en Birmanie. Il découvre qu’il peut y avoir une alternative au système éducatif traditionnel.

En 2012, Ashin Sanda Wara se sent prêt et ouvre une école monastique “engagée socialement” à Hlaing Tha Yar, dans la banlieue ouest de Rangoun, la capitale économique du pays. Une zone industrielle où cohabitent usines, notamment textiles, et bidonvilles dont les habitants ont une triste réputation de « mauvaises gens, sales, criminels, gangster ou dealers ».

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En réalité des gens pauvres, migrants venus d’autres États qui se débrouillent comme ils peuvent : Ils travaillent dans la confection, ont de petites échoppes, conduisent les vélos-taxis. Leurs enfants ne vont pas à l’école publique faute de moyens. Enfin, n’y allaient pas…

Car ils sont désormais 453 élèves à se rendre tous les matins à l’École monastique Sanda Rama de Hlaing Tha Yar que dirige Ashin Sanda Wara. Une école gratuite et ouverte à tous, depuis la maternelle jusqu’au « Grade 7 », l’équivalent de la sixième en France.

« Nous accueillons des bouddhistes, des chrétiens, des musulmans, des hindous, sans distinction d’origine sociale, ethnique ou de couleur de peau », confie-t-il.
L’esprit d’ouverture de ces écoles a une résonance particulière dans un contexte où, comme le cardinal Birman et évêque de de Rangoun Charles Bo s’en inquiète dans un communiqué de février 2017, les appels à la haine entre communautés et religions se multiplient en Birmanie.

En savoir plus sur le contexte Birman


Une pédagogie qui s’adresse à la tête, mais aussi au cœur et aux mains

Les enfants suivent le curriculum général enseigné dans le pays – birman, anglais, maths, histoire, géographie, sciences… Mais aussi du sport, de l’informatique, de la musique, du théâtre. Les enfants apprennent par le jeu. Ils peuvent rapporter des livres à la maison et potasser chez eux.

Ce n’est pas la seule originalité de l’établissement. « Nous privilégions l’esprit critique en encourageant le dialogue entre les enseignants et les élèves, à travers des recherches effectuées en commun sur Internet par exemple, et essayons de nous servir de notre environnement proche pour “illustrer” les apprentissages, notamment pour ce qui concerne les sciences, mathématiques ou autres », explique le moine-directeur.
« Surtout, nous mettons l’accent sur le “bonheur” de nos élèves. C’est un élément essentiel. Si l’enfant est heureux, il sera plus attentif. Et, s’il est attentif, il apprendra d’autant plus vite. » Révolutionnaire dans un pays où le système éducatif reste très rigide et la relation élève-enseignant souvent marquée par une crainte quasi aveugle.

Des inscriptions plus nombreuses chaque année

« Au début, les parents ne comprenaient pas ce qu’il se passait », s’amuse aujourd’hui Phyu Phyu, qui enseignait l’histoire avant de s’occuper de l’administration de l’école. « Nos gamins nous parlent de théâtre et n’ont pas de devoirs à faire. Ce n’est pas possible !, nous disaient-ils. Ils croyaient vraiment que nous passions nos journées à discuter et à rigoler avec leurs enfants. Nous les avons donc réunis et leur avons demandé quel genre d’éducation ils souhaitaient pour leurs enfants. Puis nous leur avons exposé notre proposition, qui est non seulement de leur donner une éducation, mais aussi d’en faire des citoyens. »

Le nombre de demandes d’inscription, chaque année plus nombreuses, montre que le message a été bien reçu et que les résultats sont là. Pas question pour autant de se reposer sur ses lauriers.
Certaines questions restent pour l’instant sans réponse. « Nous ne pouvons toujours pas offrir de bons salaires à nos enseignants, alors, ils ne restent ici qu’un ou deux ans, profitent en quelque sorte de cette formation et s’en vont ensuite travailler dans les établissements publics ou privés », déplore Ashin Sanda Wara. Autre souci : le manque de relations avec un secteur public « dominé par un système très centralisé qui fait que tant que le gouvernement ne changera rien, les professeurs du public ne feront rien par eux-mêmes ».

Mais ce qui le chagrine le plus, c’est le sort de ceux qui, après avoir quitté Sanda Rama, vont poursuivre leurs études dans les écoles publiques. « Ils se font crier dessus, il y a des violences physiques, ils ne peuvent pas s’exprimer. Ils n’ont pas été habitués à cela et ont du mal à s’adapter », déplore Ashin Sanda Wara. Le moine a peut-être une solution. « Je prépare un programme de soutien psychologique pour ceux qui souffrent dans les écoles publiques et des cours du soir pour ceux qui doivent aller travailler. Nous espérons aussi pouvoir lancer en juin 2017 un site d’enseignement à distance. » Plus d’excuse pour vouloir arrêter ses études.

Patrick Chesnet

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