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Des nouvelles du Paraguay : la communauté San Jorge lutte pour protéger ses terres
Floriane Louvet, chargée de mission, est allée à la rencontre de la communauté paysanne San Jorge, victime de l’accaparement de ses terres et de violences policières. Avec notre partenaire local, l’OLT, nous nous mobilisons à leurs côtés pour défendre leurs droits et leurs moyens de subsistance. Depuis Caazapá, elle témoigne.
La communauté paysanne San Jorge souffre d’un manque de terres pour pouvoir continuer à se nourrir et à se loger. Pendant ce temps, un grand producteur allemand s’est accaparé 3 000 hectares pour y cultiver des cultures transgéniques.
Face à l’inefficacité des voies légales et à la corruption, la communauté est contrainte de passer par l’occupation de ces terres mal acquises pour pouvoir continuer à faire vivre les familles.
Un paysan sans terre, ce n’est personne. Ta terre, c’est ton mode de vie. C’est ton identité, ta dignité. Donc, on préfère mourir en luttant plutôt que de renoncer à nos terres.
Quotidiennement, elle se retrouve confrontée aux débarquements nocturnes de la police, qui intervient dans la violence et au prétexte de fausses accusations pour les chasser.
“C’est le cas de milliers de familles paysannes au Paraguay, qui quand elles réclament un bout de terre qui leur est dû, se retrouvent confrontées à cette immense violence. (…) On est dans un pays où 85% des terres sont entre les mains de 2% de propriétaires”.
Floriane nous partage sa rencontre avec les membres de la communauté, contraints de se cacher ou incarcérés en prison. Avec l’Organisation de Lutte pour la Terre (OLT), elle intervient pour soutenir la communauté, les écouter et les accompagner juridiquement.
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A Beyrouth, soutien aux petites entreprises pour se reconstruire après l’explosion
Après l’explosion sur le port de Beyrouth, l’organisation libanaise MADA, soutenue par le CCFD-Terre Solidaire, s’est fortement mobilisée pour apporter une aide d’urgence.
Elle a également développé un programme d’appui aux petites entreprises qui a déjà permis à 33 d’entre elles de se reconstruire.Reportage à Beyrouth
Un an après, son garage peut fonctionner normalement
Tony Lawandos est adossé à un mur, à côté d’une Mini Cooper rouge fraichement repeinte. Le regard malicieux, il discute avec un ami.
Il se tient à l’entrée de son garage automobile, entièrement réhabilité depuis que ce dernier fut sévèrement endommagé par la double explosion du 4 août 2020.
A notre arrivée, il nous emmène au fond de la pièce pour montrer le dernier équipement qu’il a reçu : un compresseur d’air pour refaire les carrosseries.
Fanny Kaikati, coordinatrice du projet, et Elie Assi, ingénieur et architecte, écoutent Tony.
Le garagiste a eu de la chance : son atelier se situe à quelques centaines de mètres du port, dans le quartier de Mar Mickaël.
Au moment de l’explosion, il était dans le sous-sol de son voisin.
Ils ont été protégés.Plus d’un an après, le garage peut fonctionner normalement mais la crise ralentit sérieusement l’activité : « Il n’y a que les riches qui ont désormais les moyens de s’occuper de leur voiture », regrette Tony.
Entre les quartiers de Mar Mickaël et de Bourj Hammoud, Fanny et Elie s’arrêtent visiter le couple Kokejian.
Le magasin Cyclosport a pu réouvrir
Vera et son mari Wartan tiennent le magasin de vélos Cyclosport, lui aussi très endommagé par l’explosion.
Warta explique que son mari a été blessé mais qu’ils ont réouvert 15 jours après. « Nous avons commencé par réinstaller des fenêtres et une porte, explique Vera Kokejian. Il nous a fallu à peu près deux mois pour finir les travaux. Le gouvernement ne nous a pas aidé. Heureusement que les ONG étaient-là ! »
“On garde le sourire et l’énergie”
Pour ce magasin, MADA est intervenue après la réhabilitation en fournissant des vélos.
Pourtant là-aussi, la crise n’aide pas les commerçants à se relever : « Nous avons désormais un magasin et des produits à vendre, mais il n’y a plus de clients ! » regrette Véra Kokejian. Sur le pas de la porte, elle précise : « On garde le sourire et l’énergie mais ce n’est pas facile, nous avons aussi perdu notre maison dans l’explosion ».
Le 4 août 2020, c’est tout le quotidien des Kokejian qui a été soufflé.
Deux catastrophes simultanées
Dans les bureaux de l’association, située à Ain El Remmaneh, Fanny Kaikati et Elie Assi expliquent comment le projet a débuté à la mi-novembre 2020 pour identifier les besoins réels des commerçants.
L’ONG a développé une grille de notation très précise après avoir fait des visites sur le terrain. Une liste initiale de 129 entreprises a été établie et a permis de lever des critères de vulnérabilité. Ensuite, un comité de sélection s’est réuni afin de choisir les 33 entreprises bénéficiaires.
« Nous avons travaillé en coopération avec d’autres ONG, souligne Fanny Kaikati. Parfois, l’une s’occupait de la réhabilitation, et nous arrivions pour l’équipement. »
Le projet soutenu par le CCFD-Terre Solidaire, et financé par le Centre de crise et de soutien du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, est pensé en trois temps :
- aide à la réhabilitation,
- aide pour l’équipement
- aide au renouvèlement du stock.
Le projet a été retardé en raison de la crise économique que traverse le Liban. « Le pays a vécu deux crises graves en simultané : la double explosion du port et la crise économique », explique Fanny Kaikati.
« Certaines entreprises n’ont pas réouvert, d’autres patrons se sont adaptés en ouvrant à capacité réduite, en télétravail, ou en occupant un autre emploi le temps que la situation s’améliore ».
Les confinements, les coupures d’électricité et les pénuries de matières premières ont aussi ralenti les chantiers. L’électricité pose surtout un problème pour les magasins alimentaires. « Nous réfléchissons à fournir des batteries ou des panneaux solaires », expliquent-ils.
Prochain défi : adapter les activités à la crise
Le projet avec le CCFD-Terre Solidaire propose aussi un volet « soft-skills ». D’ici l’automne 2021, entre 5 et 10 entreprises seront choisies pour suivre le programme qui vise à adapter leurs capacités en temps de crise économique grâce à une aide comptable ou marketing.
Ce sera par exemple le cas de l’entreprise Garlidoux, qui a breveté une crème d’ail plus facile à digérer. « Nous avons aidé à la réparation de l’usine située en face du port, dans le quartier de la Quarantaine [un des quartiers les plus gravement touchés], ainsi qu’à renouveler le stock d’ail et d’huile, explique Elie. L’entreprise a réouvert mais le contexte économique est peu favorable à ce produit de niche. C’est typiquement le genre d’usine qui pourrait bénéficier du programme Soft skills ».
Sidonie Hadoux
A lire aussi : Liban : six personnes racontent leur quotidien face à la pénurie d’énergie
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Un manuel pour aider les communautés paysannes africaines à défendre leurs droits
Ce manuel en forme de boite à outil donne des clés aux organisations paysannes pour défendre leur droits économiques et sociaux lorsque des politiques publiques les mettent en difficulté
Pour permettre aux organisations paysannes de se défendre et de se mobiliser pour l’accès à leurs droits, le CCFD-Terre Solidaire les accompagne à travers un soutien financier et des formations.
C’est lors d’une de ces formations que les participants ont émis le souhait de fabriquer un manuel en forme de boîte à outil pour les accompagner dans leurs revendications à faire respecter leurs droits économiques et sociaux.
Ce manuel des droits économiques, sociaux et culturels (DESC) s’adresse à tous les acteurs de la société civile et en particulier aux représentants des groupements de paysannes et paysans d’Afrique.
Sous forme didactique il est la synthèse des contenus d’une formation organisée en collaboration avec Human Dignity en octobre 2019 dans le cadre du programme TAPSA co-financé par l’Agence Française de Développement.
L’ambition est de donner les clés d’engagement pour permettre aux populations de défendre leur droits et d’accéder à une vie digne.
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Aux frontières, l’Anafé lutte contre les violations de droits des personnes exilées
Face au durcissement des politiques migratoires européennes et à la militarisation des frontières, notre partenaire, l’Anafé, milite contre les conditions, trop souvent indignes et illégales, d’enfermement aux frontières et contre les pratiques d refoulement expéditif des personnes exilées. Une équipe du CCFD-Terre Solidaire a participé à une mission d’observation à la frontière franco-italienne et a été témoin de ces abus. Récit.
Poste-frontalier de Montgenèvre. © Ophélie Chauvin Montgenèvre, 22 juin 2021.
Il est 21h30. Dans les Hautes-Alpes, la nuit tombe sur la ville de Montgenèvre, plongée sous un épais nuage de brouillard. L’attractivité touristique de la ville s’est endormie et le silence surplombe les rues désertes.
Cette ville frontalière est aujourd’hui un point de passage important, où chaque jour, des dizaines de personnes tentent de franchir la frontière par le Col de Montgenèvre pour rejoindre Briançon, situé à 12 kilomètres d’ici.
Cahiers et stylos en main, des salariés et des bénévoles du CCFD-Terre Solidaire assistent Emilie de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), pour réaliser une mission d’observation de nuit à la frontière.
Deux groupes –l’un posté devant le poste de la Police aux Frontières (PAF), et l’autre sur le parking en face de la gare routière– observent les mouvements des forces de l’ordre et les procédures de contrôles qu’elles effectuent.
Les dispositifs humains et matériels sont conséquents. Tout au long de la nuit, police aux frontières, police nationale, militaires et gendarmes patrouillent le long des sentiers de montagnes, et dans le centre-ville, à la recherche de personnes migrantes.
Les forces de l’ordre sont équipées d’une large panoplie de véhicules ; 4×4, quad, voitures banalisées, fourgonnettes … Et disposent de tout un dispositif de matériel de surveillance : peu avant minuit, deux gendarmes s’engagent à pied dans un sentier de randonnée, équipés de caméras thermiques.
Cette nuit-là, trois personnes seront refoulées vers l’Italie, mais le nombre est sans doute plus conséquent. Il est presque minuit, lorsque cinq policiers redescendent en fourgonnette vers la PAF et racontent à leur collègue : « on a traversé le Col et on les a choppé (…) ils étaient 15 », en déchargeant de leur coffre des sacs à dos et des tapis de sol.
Les observateurs ont réitéré une mission d’observation le lendemain matin, jusqu’à 15 h, au même endroit. Au cours de celle-ci, cinq personnes seront interpellées et conduites au poste de la PAF.
A écouter aussi : Podcast : immersion à la frontière franco-italienne avec les associations engagées pour le droit des personnes migrantes
Le constat d’une frontière militarisée
C’est cinq dernières, près de 14 000 personnes exilées ont foulé les sentiers transalpins à la frontière franco-italienne.
Déterminée, mais de manière non-avouée, à endiguer cette immigration, la police aux frontières a renforcé depuis 2015 sa surveillance et ses contrôles dans la zone.
Dans son rapport d’observation, Persona non grata, l’Anafé porte le constat d’une frontière « militarisée » où subviennent de multiples violations de droits. Ce rapport résulte de nombreuses missions d’observation et de recueil de témoignages de personnes migrantes, menés entre 2017 et 2018 à la frontière franco-italienne.
Lire le rapport : Persona non grata – Conséquences des politiques sécuritaires et migratoires à la frontière franco-italienne
Les personnes migrantes sont généralement refoulées de manière expéditive, après des interpellations liées à des pratiques de contrôles bien souvent discriminatoires, sans respect de leurs droits et sans avoir pu déposer une demande d’asile pour celles qui le souhaitent.
Certaines peuvent être enfermées pour des durées plus ou moins longues dans des locaux attenants au poste de la PAF de Montgenèvre. Ces locaux, dépourvus de cadre légal, sont présentés comme des zones dites de “mise à l’abri” par l’administration.
Elles y sont souvent détenues pendant plusieurs heures, sans eau ni nourriture, dans des locaux dégradés. Aucun mobilier ne leur permet de se reposer ou de dormir. Et la séparation entre hommes et femmes ou entre mineurs et majeurs n’est pas toujours respectée. A cela s’ajoute, des violences physiques et verbales, et des contrôles souvent discriminatoires.
Poste de la PAF de Montgenèvre. A gauche, la zone de “mise à l’abri” © Ophélie Chauvin /CCFD-Terre Solidaire En 2019, l’Anafé a saisi le Conseil d’Etat pour demander la fermeture définitive de ces zones de « mise à l’abri » que l’association caractérise comme des zones de « privation de liberté », et poursuit toujours ce combat.
Trente années de mobilisation, un combat qui se poursuit
Grâce aux informations recueillies, l’Anafé lutte contre les abus opérés aux frontières par une action multidimensionnelle.
L’association aide les personnes maintenues aux frontières à faire valoir leurs droits et effectue des suivis des personnes refoulées. Elle vise également à sensibiliser l’opinion publique sur ses pratiques abusives et illégales, et à renforcer son plaidoyer au niveau des instances nationales et internationales pour réformer les législations et les pratiques aux frontières.
De par ses trente années d’expertise aux frontières et son dévouement sur le terrain pour les personnes exilées, l’Anafé a reçu en 2019, la mention spéciale du Prix des Droits de l’Homme de la République Française.
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