Mexique : Serapaz à l’avant-garde des stratégies de recherche de financement

L’Union européenne finance depuis janvier un projet de Serapaz, partenaire mexicain du CCFD-Terre Solidaire, sur les disparitions forcées au Mexique. Une opportunité pour Isabel Silva, la directrice adjointe de l’association, de diversifier les ressources.

C’est une première dans l’histoire de Serapaz, accompagné depuis 2000 par le CCFD-Terre Solidaire. Cette association mexicaine a été créée en 1995 pour aider à la médiation dans le conflit entre l’armée mexicaine et les zapatistes au Chiapas. En janvier, elle a reçu un financement direct de l’Union européenne pour développer un projet sur la question des disparitions forcées au Mexique. Un financement qui ne passe donc pas par l’entremise d’une organisation internationale.

Cela est loin d’être anecdotique. Car la notion de « localisation de l’aide » occupe une place de plus en plus importante dans le débat autour de l’aide internationale. « Elle s’inscrit dans une réflexion plus globale sur la transformation des modes de financement du développement et dans une volonté de penser et de porter les actions d’urgence et de développement à partir des acteurs et actrices se trouvant “ au plus près du terrain ” (…) », explique un rapport de Coordination Sud publié en 2019 sur ce thème.

« La première étape a été de définir les alliés stratégiques avec lesquels nous participerions à l’appel, développe Isabel Silva, directrice adjointe de Serapaz. C’est avec le CCFD-Terre Solidaire que nous avons construit notre proposition de projet. » Une coconstruction d’autant plus importante que « la complexité des formats et le niveau d’exigence en matière de savoir-faire ont toujours constitué un défi pour l’élaboration d’une proposition de qualité ». Déposé l’an dernier, le projet a reçu une réponse positive de l’Union européenne en octobre 2022 et a donc démarré en tout début d’année.

Au-delà de la satisfaction de voir ce projet se concrétiser, ce financement direct par l’UE offre des perspectives intéressantes, selon Isabel Silva. « La stratégie financière de Serapaz repose principalement sur la recherche de fonds par le biais d’appels à propositions. Nos principaux alliés stratégiques sont des fondations et des agences de coopération internationale européennes et nord-américaines, dont beaucoup d’inspiration chrétienne. » Déterminée, avec l’équipe de Serapaz, à assurer la pérennité de l’association, la directrice adjointe met en avant le fait d’avoir maintenu, cette année, la gestion de 17 projets d’une durée de un à cinq ans.

« Notre pari à moyen terme est la diversification des fonds », explique-t-elle. D’où le lancement de premières expériences de campagnes de donateurs individuels, d’entreprises et d’autres stratégies de dons. « Le défi est de maintenir la durabilité de notre association dans un environnement extrêmement difficile pour la mobilisation des ressources. Nous sommes conscients que nous devons être à l’avant-garde des stratégies de recherche de financement. » Isabel Silva veut d’ailleurs faire de la durabilité financière « une stratégie commune de vie aux mouvements et luttes sociales pour lesquels nous travaillons. Nous pensons que c’est un travail qui doit se développer avec les acteurs sociaux que nous accompagnons et les agences de coopération internationale ».

Reste à savoir si un financement direct de l’Union européenne peut faire évoluer la vision du partenaire sur la relation Nord/Sud. « L’UE est très importante pour nous permettre de réaliser nos objectifs, assure Isabel Silva. C’est aussi une opportunité d’apprentissage technique dans la gestion de projet en ce qui concerne le niveau d’exigence. » Mais l’expertise du CCFD reste primordiale. « Cette expérience de projet financé par l’UE nous a permis de renforcer la relation avec le CCFD-Terre Solidaire et de dynamiser les processus de recherche de vérité, de mémoire et de justice. »

Une question essentielle au Mexique.

Jean-Claude Gerez