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EDF Mexique : un défenseur des droits humains menacé de mort
Au Mexique, le mégaprojet éolien d’EDF continue de mettre en danger la communauté autochtone d’Union Hidalgo. Récemment, le défenseur des droits humains, Edgard Martin Regalado, a été menacé de mort. Son agression met en lumière l’insuffisance des réponses apportées par l’entreprise française pour répondre à l’escalade de violence.
Communauté d’Union Hidalgo © ProDESC Menacé pour défendre son territoire et ses droits
Jeudi 10 février 2022, Oaxaca, Mexique. Il est environ 22h. Edgar Martin Regalado, défenseur des droits humains de la communauté Zapotèque d’Union Hidalgo, rentre chez lui. Soudain, il est pris en embûche et menacé par des hommes armés qui tirent des coups de feu en l’air. Marqué par une attaque d’une violence inouïe, Edgar parvient à rentrer chez lui, sain et sauf.
Son agression est survenue alors qu’il revenait d’une conférence de presse portant sur l’affaire judiciaire en cours qui oppose les représentants de la communauté d’Union Hidalgo à EDF. Les plaignants1 accusent le géant de l’énergie française de poursuivre son mégaprojet éolien, Gunaa Sicaru, sur les terres de la communauté sans avoir respecté leur droit au consentement libre, préalable et éclairé.
Au cours de cette conférence de presse, les plaignants ont communiqué leur intention de faire appel de la décision du Tribunal de Paris, rendue le 1er décembre 2021. Celle-ci reconnaît la responsabilité d’EDF dans le cadre de ses activités à l’étranger, conformément à la loi sur le devoir de vigilance. Mais elle rejette la demande de suspension du projet en raison d’un point de procédure controversée.
Mégaprojet Gunaa Sicaru : le « vent » de la menace
L’agression d’Edgar Martin Regalado n’est pas un cas isolé. L’ingérence présumée d’EDF dans le processus de consultation aurait entraîné une polarisation importante et une escalade de la violence à l’encontre des défenseurs et défenseuses du territoire d’Union Hidalgo et des journalistes.
Le Business and Human Right Research Center a invité EDF à réagir. L’entreprise a fait part de ses préoccupations face à la récente attaque. Mais les réponses apportées par l’entreprise pour endiguer les risques de violences liées à son projet et garantir l’intégrité physique des membres de la communauté, restent insuffisantes et lacunaires.
Des voix s’élèvent pour exiger plus de vigilance
Une dizaine d’organisations de défense des droits de l’Homme ont appelé le gouvernement et les autorités mexicaines à réagir sans plus attendre. Elles demandent l’ouverture d’une enquête pour arrêter les auteurs de l’agression et assurer la protection des membres de la communauté d’Union Hidalgo.
De nombreux acteurs internationaux ont exprimé leurs préoccupations face aux dangers auxquels sont exposés les défenseurs et défenseuses des droits humains. Ils exhortent les gouvernements et EDF, dont l’État français est actionnaire majoritaire, à se conformer à leur obligation de vigilance.
Le CCFD-Terre Solidaire soutient le combat judiciaire de la communauté d’Union Hidalgo. Il poursuit également son combat en faveur de l’application de la loi française sur le devoir de vigilance des entreprises. Une loi pionnière, fruit d’un long travail de plaidoyer mené par l’association et ses alliés.
Ophélie Chauvin.
[1] Le 13 octobre 2020, les représentants de la communauté d’Union Hidalgo, l’Organisation Mexicaine de défense des droits humains (ProDESC) et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains (ECCHR), avec le soutien du CCFD-Terre Solidaire, assignent EDF en justice en vertu de la loi française sur le devoir de vigilance.
Pour aller plus loin :
Retrouvez notre dossier : face à EDF, une communauté zapotèque se bat pour faire reconnaître ses droits
Devoir de vigilance : la loi française inspire l’Europe et le monde
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EDF au Mexique : Une occasion manquée pour le tribunal judiciaire de Paris de prévenir les violations des droits humains
Le projet de parc éolien du groupe EDF continue de mettre en danger la communauté autochtone d’Union Hidalgo au Mexique.
Berlin/Mexico City/Paris, 1er décembre 2021 – Hier, le tribunal judiciaire de Paris a manqué une occasion historique de protéger les droits d’un peuple autochtone mexicain face aux intérêts des entreprises françaises : au lieu d’ordonner au géant français de l’énergie Électricité de France (EDF) de suspendre immédiatement la construction d’un parc éolien à Oaxaca, au Mexique, qui viole les droits humains, le tribunal a rejeté la demande des plaignants en raison d’un point de procédure controversé. Cette décision, qui s’inscrit dans le cadre d’une procédure de mise en état devant le tribunal judiciaire, ne marque pas la fin du litige contre la société EDF, mais rend l’accès à la justice de la communauté d’Union Hidalgo plus difficile, et entraîne des délais supplémentaires face à un risque important d’atteintes futures et irréversibles aux droits de la communauté.
Les personnes affectées, l’association de défense des droits humains ProDESC et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains (ECCHR) ont intenté, avec le soutien du CCFD-Terre Solidaire, une action en justice en octobre 2020, en demandant la suspension du projet de parc éolien Gunaa Sicarú d’EDF prévu sur le territoire de la communauté autochtone d’Unión Hidalgo. La communauté affirme qu’elle n’a pas été consultée de manière adéquate dans le processus de planification – une violation claire de ses droits à un consentement libre, préalable et informé. En outre, l’ingérence présumée d’EDF dans le processus de consultation a entraîné une escalade de la violence au sein de la communauté, notamment à l’encontre des défenseurs des droits humains et des droits fonciers.
Le CCFD-Terre Solidaire, Sherpa, les Amis de la Terre France, SOMO, OECD Watch et l’alliance FGG, qui plaident pour l’adoption de législations contraignantes relatives au respect des droits humains et de l’environnement par les entreprises, avaient soutenu les représentants d’Union Hidalgo, ProDESC et ECCHR dans leur démarche d’assigner le Groupe EDF devant le tribunal judiciaire.
“Nous sommes déçus de la décision du juge, c’est certainement un coup dur mais nous continuerons à avancer dans notre quête de justice. Il est regrettable que la justice française ait décidé de faire la sourde oreille à nos demandes de mesures conservatoires et de rester silencieuse face aux abus commis par les entreprises de ce pays, en l’occurrence EDF. Mais le procès n’est pas perdu, la procédure se poursuit. C’est une bonne nouvelle que nous puissions avancer. Il n’en reste pas moins que l’obtention des mesures conservatoires de suspension du projet éolien d’EDF reste indispensable pour prévenir de futures atteintes et possibles dommages irréparables dans notre communauté”, a déclaré Guadalupe Ramírez, membre du comité de résistance d’Unión Hidalgo, à propos de la décision du juge.
Bien que les juges aient pris la décision importante de reconnaître la compétence du tribunal judiciaire, ils ont rejeté la demande de mesures conservatoires des requérantes en raison d’une formalité procédurale, considérant de façon controversée que l’assignation déposée en octobre 2020 ne faisait pas référence au plan de vigilance adéquat.
Cette décision pourrait créer un dangereux précédent pour les futures affaires sur cette loi. Le devoir de vigilance correspond à une obligation constante des entreprises, le plan de vigilance étant prévu dans la loi comme le support matériel assurant une certaine transparence et la publicité des mesures envisagées et mises en œuvre par l’entreprise. Ce formalisme est inconsistant avec la nature continue de l’obligation de vigilance et met à mal l’objectif premier de cette loi – prévenir les violations des droits humains résultant des activités globales des entreprises.
“Le devoir de vigilance n’est pas simplement un exercice consistant à cocher des cases dans un plan annuel – c’est une obligation de comportement vigilant constant, qui inclut la mise en œuvre effective des mesures prises pour la prévention des risques, et des rapports d’évaluation réguliers de leur effectivité”, déclare Cannelle Lavite, juriste contentieux au ECCHR. “La protection des droits humains ne saurait être réduite à des formalités sur papier. Les tribunaux, comme les entreprises, doivent prendre la mesure des enjeux auxquels la loi sur le devoir de vigilance souhaite répondre – et l’appliquer en conséquence.”
“Les habitants d’Unión Hidalgo, au Mexique, souffrent des activités commerciales d’une entreprise publique”, déclare Alejandra Ancheita, Directrice Exécutive de ProDESC. “Il est inacceptable qu’une entreprise détenue à 83% par l’État français tente de noyer les juges dans des considérations purement procédurales qui ne reflètent en rien la complexité des questions qui se posent sur le terrain, à Union Hidalgo. Tant le groupe EDF que l’Etat français ont une responsabilité dans le respect des droits humains des membres d’Union Hidalgo”.
“Malgré ce revers, les juges ont, heureusement, reconnu la compétence du tribunal judiciaire de Paris sur cette question. Cette partie de la décision s’inscrit dans la continuité des évolutions législatives récentes, le Parlement français ayant récemment mis fin à une polémique sur le tribunal compétent, alimentée par les lobbies et les entreprises ayant à cœur d’édulcorer l’esprit de cette loi”, déclare Swann Bommier du CCFD-Terre Solidaire.
Note aux rédactions
Concernant la responsabilité de la France, voir le rapport du CCFD-Terre Solidaire, d’ECCHR et ProDESC, “Vigilance hors tension. Violations des droits humains au Mexique, quelles responsabilités pour EDF et l’Agence des participations de l’Etat ?”, juin 2021.
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