© Gwenn Dubourthoumieu
RDC : des élections à haut risque
La République Démocratique du Congo s’apprête à voter le 20 décembre, alors que la guerre fait rage à l’est, sur fond d’ingérence des voisins régionaux et d’impuissance de la communauté internationale. En pleine crise humanitaire, c’est un scrutin à haut risque qui menace un peu plus la stabilité du géant africain.
Le 20 décembre, la République Démocratique du Congo (RDC) doit voter pour les élections présidentielles.
Les institutions de la RDC ne sont pas prêtes pour les élections
Mais rien n’est prêt… et le peu qui l’est fait l’objet de contestations justifiées.
- Le matériel électoral et les moyens de transport manquent pour atteindre tous les territoires de cet immense pays de 2,3 millions de kilomètres carrés.
- Les listes électorales sont contestées
- La commission électorale indépendante est discréditée.
- La mission de surveillance de l’Union européenne est annulée.
- Les Nations unies sont critiquées par une population fatiguée par des années de violence et se sentant abandonnée.
C’est le sombre constat à la veille de ce vote à haut risque.
Les principaux candidats à l’élection présidentielle en RDC
On ne peut pas dire qui, de Félix Tshisekedi (président sortant mal élu en 2018), du riche homme d’affaires Moïse Katumbi, de Martin Fayulu (évincé aux dernières élections suite à une combinazione rocambolesque) ou de Denis Mukwege (le Prix Nobel de la Paix engagée pour les femmes congolaises victimes de violences sexuelles) aura les faveurs des plus de 40 millions d’électeurs congolais, frustrés de se voir encore une fois voler leur vote.
Ni crédibles, ni transparentes, ces élections ne sont donc pas apaisées.
De larges portions du Nord-Kivu échappent au contrôle de Kinshasa
L’Ituri est déchirée depuis des années par des conflits communautaires. De larges portions du Nord-Kivu échappent désormais au contrôle de Kinshasa depuis que le Mouvement du 23 mars -M23, un groupe rebelle appuyé par le Rwanda, a repris les armes en 2021. Impossible de tenir des bureaux de vote.
D’offensives en offensives, le M-23 a pris le dessus sur des forces congolaises mal équipées et appuyées par des bandes armées locales (dont les FDLR, anciens génocidaires hutus « réfugiés » au Kivu depuis 1994) et de « jeunes patriotes congolais » envoyés au feu sans préparation.
La force régionale Est africaine, un temps déployée, est désormais sur le départ, dénoncée par Kinshasa pour sa complaisance supposée avec le M23. Des soldats burundais, déployés hors de tout cadre légal, selon les termes d’un « gentleman agreement » entre les présidents congolais et burundais, sont aussi en déroute.
Pendant ce temps, le calvaire des congolaises et des congolais continue.
Le Nord Kivu plongé dans la violence
Ils ont volé les récoltes, les semences, même les tôles du toit .
Au gré des offensives, les populations du nord Kivu sont poussées à la fuite. Elles trouvent refuge dans des camps de fortune aux abords de Goma sans pouvoir pourvoir à leurs besoins les plus essentiels.
Depuis le début, nous avons dû fuir 5 fois. Nous revenons pour essayer de cultiver nos champs. Mais nous devons repartir dès que les combats reprennent.
Dans ce contexte, les violences faites aux femmes ont augmenté selon les Nations Unies. Un aperçu de l’enfer que vivent les populations des deux côtés de la ligne de front. Les femmes de l’organisation Uwaki Nord-Kivu témoignent des pillages et des rackets qu’elles subissent de toute part.
1 000
37 %
Le racket et les prix ne cessent d’augmenter
Les affrontements obligent aussi à trouver de nouvelles routes pour écouler les produits agricoles dont les prix explosent.
Partout les paysannes parlent de taxes arbitraires par les hommes en armes, de vols de récoltes, de travail forcé, des coups donnés par l’un ou l’autre des groupes combattants. Pire. Un sac de maïs auparavant vendu localement à 30 dollars se vend désormais à plus de 100 alors que les récoltes pillées réapparaissent sur les marchés ougandais ou rwandais.
Sinon, au gré des routes impraticables, les produits pourrissent. Le peuple a faim.
Le vent mauvais des discours de haine
Dans ce fracas, les discours de haine prospèrent.
Alimentés sciemment par des gens influents (hommes politiques ou leaders communautaires), ils se répandent au risque de voir l’ensemble de la société s’enflammer.
Prospérant sur la violence, ils creusent les plaies déjà vives a en soufflant sur les braises de la « haine ethnique ». Des villages entiers sont brulés, des gens tués pour leur faciès jugé « tutsi ». Des jeunes s’engagent comme supplétifs de l’armée congolaise.
Un partenaire du CCFD-Terre solidaire témoigne : « Pour ces jeunes désœuvrés, attaqués, mieux vaut mourir au front ».
Un jeune congolais rwandophone (hutu et / ou tutsi), lui, a dit : « Tout d’un coup, (dans ma communauté) on m’a accusé d’être un ennemi. On m’a menacé. J’ai compris que l’armée congolaise et les wazalendo font la guerre contre nous tous (les « rwandais » hutus et tutsis).»
Au plus haut niveau de l’Etat, en pleine campagne électorale, le Président Tshisékédi (en difficulté) a choisi d’attaquer son adversaire Moïse Katumbi comme le « candidat de l’étranger », ceux qui parlent kiswahili (langue de l’est du pays), manière de jeter encore un peu d’huile sur le feu.
Replacer la RDC en haut de l’agenda international
La crise à l’Est du Congo n’est pas une fatalité. Elle résulte de facteurs internes et externes qui peuvent trouver des issues.
Plus que jamais il est indispensable de soutenir les acteurs de la société civile qui militent à la fois pour des élections crédibles, l’instauration de l’état de droit et la paix.
Au-delà, ils appellent à un règlement du conflit qui prennent en compte ses causes profondes : mal gouvernance du niveau national au niveau local, travail sur la réparation des traumatismes et la justice, lutte contre l’impunité.
La RDC mais aussi la région des Grands Lacs, mérite et demande un investissement fort et déterminé de la communauté internationale.
Au risque de voir, et encore pour longtemps, les jeunes payer le prix d’une guerre sans fin.
Samuel Pommeret, chargé de mission pour l’Afrique des Grands Lacs
avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE
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