© photo d'illustration

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A-t-on vraiment besoin des pesticides pour nourrir le monde ?

Publié le 20.03.2024| Mis à jour le 26.04.2024

L’utilisation des pesticides — longtemps plébiscitée comme une révolution agricole — continue de dominer nos systèmes de production, bien que ses effets néfastes pour la santé et l’environnement soient reconnus et documentés. Alors, les pesticides : une nécessité pour nos systèmes alimentaires ou un business trompeur ? À l’occasion de la semaine pour les alternatives aux pesticides, on fait le point.

TOUT D’ABORD, POURQUOI UTILISE-T-ON DES PESTICIDES ?

Qu’est-ce qu’un pesticide ?

Les pesticides sont des substances, le plus souvent de synthèse, utilisées dans l’agriculture ou dans le jardinage pour repousser ou tuer des organismes considérés comme « nuisibles » aux cultures. Les pesticides les plus répandus sont les herbicides (contre les « mauvaises » herbes), les insecticides (contre les insectes dits « ravageurs ») et les fongicides (contre les champignons parasites).

Il existe des bio-pesticides, dont l’agent actif provient de source naturelle, comme des plantes, des bactéries, des champignons ou encore des espèces animales. On trouve également les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP). D’origine exclusivement naturelle (purin d’ortie, vinaigre blanc, argile, etc.) elles peuvent être utilisées pour un usage phytosanitaire ou bio-stimulant.

Un peu d’histoire : depuis quand utilise-t-on des pesticides ?

La recherche de moyens pour protéger les cultures remonte à des millénaires. Dès la Grèce antique, le soufre ou l’arsenic étaient employés comme insecticides. Progressivement, les propriétés toxiques de certaines plantes, comme le tabac ou l’aconit, sont découvertes. Au XIXe siècle, l’essor de la chimie minérale offre de nouvelles méthodes de lutte contre les nuisibles. En France, la fameuse « bouillie bordelaise », composée de sulfate de cuivre et de chaux, est abondamment employée contre les invasions de parasites dans les viticultures ou les cultures de pomme de terre, causant néanmoins une pollution durable du cuivre dans les sols.

L’ère des pesticides de synthèses voit véritablement le jour dans les années 1930, profitant du développement de la chimie organique et des recherches sur les armes chimiques pendant les Première et Seconde Guerres Mondiales. Dans les années 1940, l’armée américaine lance le développement d’un puissant herbicide appelé « agent orange », utilisé comme arme de guerre pour détruire les forêts ou les cultures des ennemies. Celui-ci a été massivement pulvérisé lors de la guerre du Vietnam, faisant d’innombrables victimes.

80 %

augmentation des pesticides depuis les années 1990.

+ 1000

pesticides sont utilisés dans le monde.

Dès la seconde partie du XXe siècle, les pesticides ont été au cœur du développement d’un système agricole industrialisé et intensif, qui domine encore nos systèmes alimentaires. S’ils ont permis d’amorcer une véritable révolution agricole et d’accroître les rendements à court terme, les multiples impacts néfastes de l’usage de ces intrants sont aujourd’hui de plus en plus documentés et posent débat.

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photo d’illustration, épandage de pesticides.

LES PESTICIDES : UN MODÈLE AGRICOLE AUX MULTIPLES FAILLES

Les pesticides, un poison qui menace l’environnement et la santé

Les pesticides de synthèse sont avant tout des produits toxiques qui se propagent, polluent les sols, les eaux et l’air, parfois de façon irréversible. Leur usage participe à l’appauvrissement de notre écosystème et à l’érosion de la biodiversité.

Chaque année, on compte plusieurs millions de cas d’empoisonnement graves aux pesticides dans le monde, et les agriculteurs et agricultrices sont les premières exposées. Les pesticides renforcent les risques de pathologies cancéreuses, neurologiques et peuvent affecter le système reproductif. De plus en plus de maladies professionnelles liées aux pesticides, comme la maladie de Parkinson ou le cancer de la prostate, sont officiellement reconnues en France.

Les pesticides : un business trompeur

Aujourd’hui, le business des pesticides est concentré entre les mains d’une toute petite poignée de multinationales (Syngenta, Bayer, Corteva et BASF). Ces multinationales exercent un lobbying auprès des États pour maintenir un modèle fiscal avantageux pour leur commerce.

En bout de ligne, ce sont les consommateurs qui s’acquittent d’une facture considérable pour payer les coûts associés à leur usage, comme le révèle notre rapport « Pesticides : un modèle qui nous coûte cher », réalisé avec le Basic et POLLINIS.

2.3 MDS

coûts cachés des pesticides payés par les citoyens de l’UE / an.

53 MDS

chiffres d’affaires du marché mondial des pesticides, en 2020.

Les agriculteurs, poussés continuellement à accroître leurs rendements, sont pris en étau entre la baisse et la volatilité des cours mondiaux, et la hausse des coûts de ces intrants.

Au bout du compte, les agriculteurs perçoivent une faible part du prix final des produits alimentaires. Tandis que les transformateurs et les distributeurs apparaissent comme les grands gagnants de la modernisation de l’agriculture.

Le coût du maintien d’un modèle agricole qui repose sur l’usage des pesticides est au final très élevé, comparé à ses bénéfices. Bénéfices réalisés par les fabricants de pesticides, tandis que les coûts, eux, sont supportés par la société, agriculteurs en première ligne.

Lorine Azoulai, chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire.

Les pesticides : un business qui ne nourrit pas

Aujourd’hui, les institutions européennes et françaises continuent de soutenir les fabricants de pesticides dans le but revendiqué d’améliorer la sécurité alimentaire mondiale, au moyen de produire plus. Or, ce paradigme de gain de productivité montre aujourd’hui ses limites.

La baisse des rendements agricoles liés à l’usage des pesticides

On observe ces dernières années une stagnation, voire une baisse, des rendements agricoles dans les zones de cultures spécialisées. Les systèmes de production intensifs et utilisateurs de pesticides, favorisent une dégradation des sols et des phénomènes de résistance aux intrants.

Au Canada par exemple, l’amarante est devenue incontrôlable à plusieurs herbicides. De plus, l’usage des pesticides participe à l’élimination d’espèces essentielles aux cultures, comme les insectes pollinisateurs ou les prédateurs naturels des parasites. Finalement, à long terme, l’usage des pesticides finit par affecter la qualité et les capacités de rendements des cultures.

Depuis le milieu du XXe siècle, de nombreux emplois agricoles ont été détruits face à la dynamique d’intensification et d’agrandissements des fermes promus par les États et accélérée par la concurrence mondiale. Or, nous ne pouvons pas prétendre nourrir le monde sans agriculteurs.

© William Dupuy
Région de Kayes, Mali © William Dupuy

UNE AGRICULTURE SANS PESTICIDES : UNE SOLUTION VITALE ET RÉALISTE

Ce n’est pas l’agroindustrie qui nourrit le monde

Contrairement aux idées reçues, l’agroindustrie ne nourrit pas le monde. Ce modèle — en se concentrant sur la productivité et le profit — ignore les enjeux structurels qui causent la faim identifiés par la FAO, à savoir : le dérèglement climatique, les inégalités économiques, la pauvreté et les conflits.

On ignore souvent que 80 % de la production alimentaire mondiale est produite par l’agriculture paysanne et familiale. Pourtant et paradoxalement, ce sont les petits producteurs qui sont les plus touchées par l’insécurité alimentaire.

40 %

de la population mondiale souffre d’insécurité alimentaire.

80 %

de la production mondiale provient des petits producteurs.

Lutter contre l’accaparement des terres et des ressources, la dérégulation des marchés agricoles et la concurrence déloyale sont autant d’enjeux qui permettront de soutenir des modes de productions alimentaires sains et durables.

Avec l’agroécologie, nourrir les populations de manière saine et durable, c’est possible

Un modèle moins coûteux, qui produit une alimentation saine et diversifiée, et qui s’associe aux écosystèmes plutôt que de les combattre, existe. Ce modèle, qu’est l’agroécologie paysanne et solidaire, propose une diversité d’agricultures, pour sortir de l’homogénéité et de l’hégémonie de l’agro-industrie.

Lorine Azoulai, chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire.

Aux côtés de nos partenaires locaux, nous soutenons des initiatives agroécologiques. Ce modèle favorise l’émergence de systèmes agricoles et alimentaires équitables, permettant aux petits producteurs de vivre de leur métier, en protégeant les écosystèmes, et à l’ensemble de la population d’avoir accès à une alimentation saine. C’est surtout, un modèle déjà en place et qui fait ses preuves !

Pour aller plus loin :

Regarder le documentaire Arte : Pesticides : l’hypocrisie européenne

Retrouvez les témoignages de nos partenaires sur les ravages des pesticides dans les pays du sud :

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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