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Au Nicaragua le régime d’Ortega persécute la société civile
Jules Girardet, chargé de mission Amérique Latine nous alerte sur le Nicaragua, ce petit pays d’Amérique centrale, où le régime autoritaire d’Ortega persécute les opposants, les journalistes, les étudiants et les ONG.
Visages de disparus d’avril-mai 2018 sur un mur du collectif Nicaragua Plus Jamais Ça à San José (Costa Rica) ©Jules Girardet Toute tentative d’opposition réduite à néant
En 2018, le Nicaragua avait été secoué par une vague de contestation exigeant la démission d’Ortega, ex-guérillero de 76 ans et de sa femme vice-présidente. La répression a fait plus de 300 morts et des milliers de blessés. Des opposants ont été emprisonnés, des partis politiques ont été interdits, des médias indépendants saisis, des dizaines organisations criminalisées…
Depuis, le couple présidentiel Ortega a réduit à néant toute tentative d’opposition à leur régime autoritaire. Tous les candidats potentiels ont été incarcérés, les journalistes muselés, les défenseurs des droits humains persécutés. En véritable État policier, le régime a mis en place tout un arsenal législatif pour réprimer sévèrement les ONG et les médias.
Notre partenaire l’ONG Cantera fermée par le gouvernement
La société civile est dans le collimateur du gouvernement, pas moins de 200 ONG et associations ont été dissoutes depuis 2018. Cantera, organisation d’éducation populaire qui œuvrait pour le bien-être des jeunes des quartiers populaires, depuis plus de 30 ans, s’est vu retirer son statut juridique fin avril. L’État va saisir les locaux, les équipements et le matériel de l’organisation, tout ça construit avec le soutien du CCFD et le travail des jeunes des quartiers.
La raison de cette fermeture c’est que Cantera contribue à la construction d’une pensée critique considérée comme un danger par le régime. Les associations nicaraguayennes sont stigmatisées et accusées de conspiration contre l’État, de trahison et d’être à la solde des Etats-Unis. Comme le disent les militants nicaraguayens “c’est le pire moment de l’histoire du Nicaragua pour la défense des droits humains”.
200
ONG dissoutes depuis 2018150 000
Nicaraguayens exilés au Costa RicaUne seule solution, la fuite
San José, capitale du Costa Rica, pays voisin, est devenu le refuge des opposants politiques, journalistes, étudiants et défenseurs des droits humains. Ce sont près de 150 000 Nicaraguayens qui ont pris la route de l’exil au Costa Rica.
Mais l’exil ne signifie pas la fin du combat. Des activistes du Centre Nicaraguayen de défense des droits humains ont immédiatement constitué un nouveau collectif : Nicaragua Plus Jamais Ça pour documenter les violations de droits humains et dénoncer les crimes du régime d’Ortega. Le collectif apporte aussi un soutien juridique et psychosocial aux familles dont un proche a été assassiné.
Survivre est la plus grande résistance politique possible pour ces réfugiés.
Jules Girardet, chargé de mission Amérique latineLe collectif en est certain : un jour justice sera rendue et ils seront là pour témoigner des atrocités commises par le gouvernement.
Aller plus loin :
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Écoutez notre live qui alerte sur l’exportation des pesticides
Des pesticides dont la toxicité est avérée sont interdits en Europe. Ils continuent pourtant d’être exportés massivement dans les pays en développement. Réécoutez notre émission spéciale, enregistrée le 30 mars 2022, avec nos invités Sena Adessou de Côte d’Ivoire, Samuel Pommeret, chargé de mission Afrique et Maureen Jorand, chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire et climat.
Le coût caché des pesticides
Le marché des pesticides représente 53 milliards d’euros en 2020. Leur utilisation a augmenté de 80% depuis 1990 et on compte 385 millions d’empoisonnement dans le monde par an.
Les impacts des pesticides sur l’environnement et la biodiversité, ainsi que sur la santé humaine pour agriculteurs et populations riveraines sont largement documentés. Ils peuvent causer entre autres : maladie de Parkinson, lymphomes, malformations du fœtus, cancers de la prostate etc. Les pesticides ont également un impact économique : les citoyens payent pour les conséquences néfastes de ces produits (pour dépolluer l’eau, les soins de santé etc). Dans l’UE, les coûts des pesticides s’élèvent à 2,3 milliards d’euros par an.
Lire aussi notre rapport : Pesticides : un modèle qui nous est cher
Des pesticides interdits dans nos assiettes
Certains pesticides sont qualifiés d’extrêmement dangereux et sont donc interdits en Europe et aux États Unis. Cependant les pesticides jugés trop dangereux en Europe inondent les pays en développement et les pays émergents. Comme ces pays exportent leur production nous les retrouvons dans nos assiettes. L’UFC-Que Choisir a publié un article montrant que les pesticides à risques sont présents dans 50% des fruits et légumes vendus en France.
Les pays en développement très dépendants des pesticides
On retrouve deux fois plus les pesticides dangereux dans ces pays que dans les pays développés.
Certains pays en développement sont très dépendants des marchés internationaux pour exporter et pour se nourrir car on les a spécialisés dans certaines cultures. Cette spécialisation les oblige à importer une grande partie de leur alimentation.
Samuel Pommeret souligne qu’en Afrique, dans la région des Grands Lacs, les pesticides posent des problèmes dénoncés par les agriculteurs eux-mêmes : coût élevé, dépendance aux marchés internationaux, impact sur la qualité des sols, manque de résistance aux ravageurs…
La question de la régulation
En France et en Europe nous avons des objectifs de réduction de moins 50% des pesticides. Mais dans les faits leur usage augmente. Il se pose ainsi la question de la mise en œuvre des régulations et des dérogations. Les industriels cherchent de nouveaux marchés et se tournent donc vers l’Afrique.
Au niveau européen, le marché des pesticides est de 17 milliards d’euros. L’Europe en importe pour 1,4 milliard d’euros et en exporte pour 5,8 milliards d’euros. Depuis 2018, l’Union européenne a exporté 80 000 tonnes de pesticides interdits vers les autres continents. Comme pour les produits pharmaceutiques il existe des génériques de pesticides souvent produits par les pays émergents (surtout la Chine et l’Inde) qui ciblent en premier lieu le marché africain.
Selon Sena Adessou les législations en Afrique sont laxistes voire absentes. En Côte d’Ivoire son pays d’origine, la législation est vieille et vétuste mais le pays est en train de revoir son cadre législatif. Il souligne le poids des lobbys qui mettent en avant l’argument de la productivité agricole.
Sena explique qu’il y a aussi un problème de corruption. Certains produits interdits se retrouvent quand même dans les mains des paysans via des circuits informels. Samuel explique que ce non respect de la loi est possible car l’État n’a pas les moyens d’aller contrôler les champs. Mais il y a une prise de conscience des agriculteurs qui cherchent des alternatives.
Des alternatives existent
En tant que citoyen il y a des choses à faire souligne Maureen Jorand : nous pouvons signer des initiatives citoyennes demandant la sortie des pesticides et interpeller nos politiques en cette année électorale.
Sena est le secrétaire général d’Inades Formation. Son organisation a mené une campagne sur le droit à l’alimentation, la qualité des aliments et la durabilité des systèmes de production. Pour lui la solution c’est l’agroécologie car elle répond au fonctionnement des écosystèmes. L’agroécologie permet d’être certain de produire des aliments sains.
Samuel met en avant le travail d’Inades Formation au Burundi. L’organisation analyse les cadres légaux et réalise des diagnostics avec les paysans sur l’utilisation des pesticides. Elle mène également des recherches sur des alternatives de lutte biologique contre les maladies et les ravageurs (qui détruisent 30% des productions) en se servant des méthodes traditionnelles utilisant des végétaux. Selon Sena ces biopesticides représentent moins de danger et de toxicité même si il faut savoir les utiliser.
La sortie des pesticides doit se faire petit à petit explique Samuel. On évalue chaque biopesticide, chaque maladie, chaque culture, c’est un travail complexe. Les biopesticides sont de réelles alternatives aux pesticides de synthèse. Ils permettent aux paysans d’être plus autonomes et économes, plus résilient et plus respectueux de l’environnement.
Se mobiliser :
Marchons contre Monsanto-Bayer et l’agrochimie
Aller plus loin :
Salon de l’Agriculture : alerte sur les pesticides
Le scandale des pesticides interdits en Europe et exportés en Afrique
L’exposition aux pesticides dans le monde a des conséquences évidentes sur les droits de l’homme
Mali : quand pesticide rime avec agroécologie -
Retour sur le Forum Social Mondial de Mexico
Marcela Villalobos Cid, coordinatrice à la Pastorale des Migrants de la Conférence des Évêques de France, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, revient sur le Forum Social Mondial, un événement majeur pour la société civile, qui s’est tenu la semaine dernière à Mexico.
Un espace d’échange et de rencontre de la société civile
Le Forum Social Mondial est un événement international qui rassemble différents mouvements sociaux qui sont engagés auprès des femmes, des migrants, des indigènes, entre autres.
Cette édition a eu lieu dans la ville de México. Après deux ans de pandémie et de confinement, il était important que l’on puisse se rassembler en présentiel pour se voir et discuter de vive voix.
Cette année, une délégation du CCFD-Terre Solidaire a participé au Forum avec d’autres partenaires : par exemple le Réseau Sans Frontières (avec des personnes venant du Brésil et de l’Uruguay), le réseau Maghreb-Sahel et l’Association Nationale Partenaires Migrants (avec des personnes venant du Sénégal) et la Conférence des Évêques de France.
Ce Forum permet que les organisations et mouvements sociaux du monde entier puissent se rencontrer, se découvrir, créer des alliances. C’est un véritable espace de dialogue et d’échanges.
Les migrations, sujet essentiel du Forum
Pendant le Forum nous avons animé divers ateliers et tables rondes sur les migrations et nous avons fait un un bilan des différents forums régionaux des dernières années.
Ensuite la société civile a pu rencontrer des représentants de la ville de México pour parler de possibles partenariats sur les migrations.
Nous avons aussi pu faire une visite sur le terrain à la Casa Mambré, une maison d’accueil et accompagnement des migrants en transit au Mexique, qui est soutenue par le CCFD-Terre Solidaire. Elle leur offre un accompagnement psychologique, social et juridique.
La suite, un forum africain sur les migrations?
Ce forum a rappelé que nous défendons la liberté de circulation des personnes, le droit humain de migrer et de migrer avec des droits. Il montre qu’un autre monde est possible et nécessaire. Nous souhaitons bâtir une société plus juste, plus solidaire, plus fraternelle, plus sororale.
Après la tenue des forums américains et européens sur les migrations et compte tenu de la spécificité de la question migratoire en Afrique, entre autres à cause de la politique répressive de l’Union Européenne, nous proposons, pour l’ année à venir, d’organiser un forum africain sur les migrations. Tenir un tel forum régional permettrait de revoir les politiques appliquées sur le continent et de porter d’une voix forte les mouvements sociaux africains sur les migrations.
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Tunisie : le trésor des semences paysannes
En Tunisie, comme dans le reste du monde, les semences paysannes tendent à disparaitre. Mais des partenaires du CCFD-Solidaire œuvrent pour faire revivre ces graines oubliées. Alice Champseix, chargée de mission Maghreb, nous éclaire sur les enjeux de l’utilisation de ces semences.
Des paysans échangent des semences lors d’une fête organisée par l’Association Tunisienne de Permaculture Des semences paysannes en voie de disparition
En Tunisie, comme dans de nombreux pays, les semences paysannes sont en voie de disparition. On appelle semences paysannes les graines qui sont sélectionnées et produites par les paysans. Le blé tunisien est un exemple typique.
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variétés de blé en Tunisie dans les années 405
variétés de blé en Tunisie aujourd’huiLa raison est malheureusement assez simple. Durant les dernières décennies, les politiques publiques ont encouragé l’utilisation des semences améliorées et hybrides, des graines sélectionnées industriellement pour produire plus, plus vite, sur de plus grandes surfaces. Mais ces semences ne sont pas reproductibles et elles nécessitent l’utilisation de pesticides et d’engrais.
Des semences industrielles problématiques
Les semences industrielles posent 3 problèmes principaux :
- Un problème d’endettement pour les agriculteurs, qui doivent acheter chaque année les semences mais également les pesticides et les engrais qui vont avec.
- Un problème environnemental car ce mode d’agriculture industrielle impacte les sols, la santé des producteurs et des consommateurs et la biodiversité.
- Les semences industrielles sont beaucoup moins résistantes aux sécheresses et aux crises climatiques que les semences traditionnelles.
L’Association Tunisienne de Permaculture encourage l’utilisation des semences paysannes
Notre partenaire l’Association Tunisienne de Permaculture a fait tout un travail d’identification de semences paysannes oubliées. En sillonnant le pays, elle a trouvé des trésors comme une tomate côtelée, sucrée et juteuse, ou une ancienne pastèque du sud de la Tunisie.
L’association distribue également ces semences auprès de paysans qui s’engagent à les cultiver sans pesticides.
Lors d’une forte sécheresse en 2019, les agriculteurs qui avaient cultivé les semences distribuées par l’association ont vu leur récolte résister à la sécheresse, contrairement à leurs voisins qui cultivaient du blé issu de semences industrielles.
Alice Champseix, chargée de mission MaghrebL’association mène aussi un travail de plaidoyer pour défendre auprès des décideurs le droit des paysans de cultiver et échanger leurs propres semences. Le ministre de l’agriculture tunisien a d’ailleurs annoncé, la semaine dernière, que l’échange de la majorité semences paysannes pourrait être interdit. Le combat de l’Association Tunisienne de Permaculture est donc essentiel et d’actualité.
Aller plus loin :
En Tunisie, une fête pour les semences paysannes et la permaculture
Semences paysannes : la fable du loup et de l’agneau revisitée
Au Liban, l’histoire d’un passionné qui réhabilite les semences locales -
Des ONG de plus en plus criminalisées
La criminalisation de la société civile est un phénomène très présent en Asie mais qui gangrène le monde entier. Dans de nombreux pays, les ONG sont menacées et attaquées par les autorités. Juliette Segard, responsable du Service Asie, nous éclaire sur les conséquences de cette répression sur nos partenaires.
Des ONG attaquées par les autorités
On assiste, depuis une dizaine d’années, à une montée des régimes autoritaires ou des populismes, en Asie comme dans le reste du monde. Ces régimes bafouent les droits humains, portent atteinte à la démocratie et attaquent les libertés fondamentales (notamment la liberté d’expression et d’association).
Les organisations de la société civile (ONG, syndicats, mouvements sociaux, collectifs de citoyens) sont particulièrement ciblées et empêchées de travailler. Elles font l’objet d’harcèlement administratif ou judiciaire de la part des autorités. Mais aussi de menaces et d’intimidations, sur les réseaux sociaux comme “hors ligne”.
Certaines personnes sont arrêtées ou subissent des violences physiques, et peuvent même être assassinées.
Juliette Segard, responsable du service AsieCela concerne aussi bien les avocats ou les journalistes, “traditionnellement” ciblés, que des leaders paysans ou des défenseurs de l’environnement. Selon l’organisation Global Witness en 2020 on comptait 227 assassinats de défenseurs des terres et de l’environnement dans le monde.
Globalement, la marge de manœuvre pour défendre les droits des populations, faire entendre leur voix, mobiliser et plaider pour des sociétés plus justes se réduit de plus en plus. Non seulement les organisations de la société civile doivent essayer de faire avancer leurs causes mais elles doivent aussi essayer de survivre, tout simplement.
Un appui à nos partenaires entravé
Il est toujours possible pour le CCFD-Terre Solidaire de soutenir ses partenaires. mais c’est devenu très difficile. Dans de plus en plus de pays de nouvelles lois entravent le financement des organisations de la société civile depuis l’étranger. Il est désormais compliqué de leur envoyer des fonds pour les soutenir.
Au-delà d’un appui financier, ce n’est pas évident de soutenir moralement et psychologiquement ces organisations. Il arrive que leurs salariés, militants ou bénévoles soient en état de forte anxiété, de dépression ou de burn out.
Un soutien indéfectible
Ces problématiques sont relativement nouvelles pour le CCFD-Terre Solidaire. Cependant nous nous formons et bien sûr nous demandons à nos partenaires ce dont ils et elles ont besoin. Nous venons d’ailleurs de lancer un chantier sur ce qu’on appelle en anglais le « care », c’est-à-dire le fait de prendre soin, pour réfléchir à ce que nous pouvons faire concrètement.
Cela peut être payer des séances avec un psychologue ou favoriser des retraites « stratégiques » pour réfléchir, se poser, prendre le temps etc.
C’est aussi déculpabiliser nos partenaires : leur dire que se préserver n’est pas un renoncement à la lutte ou à ses idéaux. Et que ce n’est pas un signe de faiblesse d’avoir besoin d’aide.
Enfin, notre soutien passe par leur assurer, quelle que soit la difficulté de la situation locale, que nous continuerons d’être à leurs côtés.
Aller plus loin :
- EDF Mexique : un défenseur des droits humains menacé de mort
- Appel à la protection des défenseurs des droits humains palestiniens
- Asie : les defenseures des droits humains, soeurs en résistance
- A mi-parcours de la présidence Bolsonaro, la société civile brésilienne souffre et lutte
- Paraguay : une démocratie à construire
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Émission sur la crise alimentaire : causes, conséquences et solutions
La crise alimentaire s’aggrave dans de nombreuses régions du monde depuis six ans. Pourquoi ? Comment faire en sorte que tout le monde puisse atteindre la souveraineté alimentaire ? Réécoutez notre émission spéciale, enregistrée le 16 mars 2022, avec nos invités Minyara Mejbri de Tunisie, Ibrahim Sarr du Mali, Valentin Brochard, chargé de plaidoyer souveraineté alimentaire et Juliette Segard, responsable du service Asie.
Une faim en hausse
Après des décennies de baisse de la faim dans le monde, celle-ci remonte depuis 6 ans. Aujourd’hui 2,4 milliards de personne, soit un tiers de l’humanité, sont en insécurité alimentaire. La faim n’épargne pas notre contient puis qu’en Europe 10% de la population est en insécurité alimentaire. La pandémie a bien sûr aggravé la situation. Les prix des aliments à l’échelle internationale sont exceptionnellement élevés depuis deux 2 ans.
Cette hausse de la faim est liée à 3 facteurs : la multiplication des crises climatiques, la multiplication des conflits et les chocs économiques.
La guerre en Ukraine amplifie cette crise alimentaire comme nous l’explique Valentin dans cet article.
Tour d’horizon
Minyara vient de Tunisie, elle travaille au Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux (FTDES). Elle explique que son pays fait face à un problème d’importation des semences et subit de plein fouet les effets du changement climatique. La Tunisie connait une sécheresse depuis 5 ans et l’eau vient à manquer. De plus, le secteur agricole est marginalisé par l’Etat. Conséquence de la guerre en Ukraine, on observe une pénurie de certains produits de base comme la semoule et la farine.
Rafika vient puiser de l’eau à la source du village de Ouled Naceur pour leur besoin quotidien. Certaines femmes peuvent faire jusqu’à 10 kilomètres. ©Augustin Le Gall/CCFD-Terre Solidaire Ibrahim, lui, vient du Mali et travaille au Réseau d’Horticulteurs de la Région de Kayes (RHK). Il raconte que son pays a vécu une année particulièrement difficile avec une importante sécheresse. Cette dernière a conduit à une perte de 60% des récoltes. Le Mali connait également une forte crise sécuritaire qui a empêché les agriculteurs d’avoir accès à leur champ. A cela s’ajoute une crise politique puisque le Mali est sous embargo de la CEDEAO.
En Asie aussi, comme l’explique Juliette, le changement climatique se fait sentir : multiplication des cyclones en Indonésie et aux Philippines, sécheresse… La sécurité est également un élément important puisqu’en Birmanie le coup d’État a empêché les paysans de semer les récoltes.
Une perte des savoir-faire locaux
On assiste depuis des décennies, à cause de la mondialisation, à une perte des savoir-faire traditionnels que ce soit en Asie ou en Afrique. Cette perte des savoir-faire locaux engendre une perte de résilience pour des populations.
Au Mali, selon Ibrahim, depuis les années 70 et les politiques d’ajustement structurels, un nouveau système de production agricole a été imposé aux habitants. Les paysans se sont mis à utiliser des pesticides et intrants chimiques. Cela a un impact sur la qualité des produits cultivés mais surtout cela dégrade les sols. Or les sols sont le facteur de production le plus important. De plus, la plupart des semences sont importées et hybrides, les agriculteurs sont donc très dépendants des marchés internationaux. Alors qu’en utilisant des semences traditionnelles, le paysan contrôle sa semence. La situation est similaire en Tunisie.
En Asie, les populations qui utilisaient les forêts pour se nourrir ont dû partir. Car elles ne peuvent plus les nourrir à cause des grandes monocultures et du développement de mines. On assiste également à un accaparement des océans en Asie où l’accès physique au littoral est impossible pour de nombreux pêcheurs. Or cet accès à la mer est crucial pour la souveraineté alimentaire du continent, notamment pour l’apport en protéine.
L’impact de la pandémie
Les mesures pour lutter contre le Covid-19 ont eu de nombreuses conséquences économiques dans les pays du Sud. Elles ont limité les capacités de production et de mise en marché des produits alimentaires. Des millions d’emplois informels dans le secteur agricole ont été perdus. 320 millions de personnes supplémentaires sont tombées en insécurité alimentaire. Ainsi les populations sont encore plus vulnérables aux chocs économiques et donc aux flambées des prix.
En Asie, le Covid-19 a déstructuré les économies et de nombreuses personnes sont retombées dans la pauvreté. C’est une région du monde où il y a beaucoup de migrations internes et de travail informel. Les gens se sont retrouvés bloqués et démunis de tout. Ils ont dû s’endetter pour survivre, or beaucoup de personnes n’ont toujours pas de travail.
Au Mali la pandémie a empêché la commercialisation de produits avec les pays frontaliers, notamment des fruits et légumes avec la Mauritanie. En Tunisie les paysans ont pu continuer à travailler dans les champs pendant la pandémie.
Des solutions existent
Notre système alimentaire mondialisé n’est pas résilient aux chocs sociaux, économiques et climatiques, explique Valentin. Les denrées agricoles ne sont pas une marchandise comme une autre et doivent être sorties des traités de libre-échange. Il faut aussi limiter les risques de spéculation sur les denrées agricoles et alimentaires. Mais toutes ces décisions doivent de prendre au sein du Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale des Nations Unies, un espace de dialogue entre tous les acteurs impliqués dans le domaine de la sécurité alimentaire.
Des solutions concrètes pour lutter contre la faim existent et sont mises en œuvre par nos partenaires :
Au Mali il faut repenser les politiques agricoles pour qu’elles appuient les agriculteurs des petites exploitations. Selon Ibrahim il y a une prise de conscience des gouvernants notamment sur les questions foncières. Pour lui, les semences locales sont reconnues mais ne sont pas assez développées et devraient être sur un pied d’égalité avec les semences conventionnelles. Pour aider les agriculteurs à se défaire des pesticides et engrais chimiques le RHK leur apprend à fabriquer eux même leurs intrants.
Agriculteurs préparant un “pesticide bio” à partir de noix de neem pilées, un arbre que l’on trouve partout dans la région. ©William DUPUY/CCFD-Terre Solidaire/picturetank En Tunisie où la gestion de l’eau est cruciale, il faut éviter les plantes consommant beaucoup d’eau. Avoir des cartes agricoles adaptées au pays est donc primordial. Mais Minyara déplore une lenteur politique sur le sujet.
En Asie, le développement économique est basé sur l’accaparement des ressources. Mais des lois, comme celle en Inde sur les droits forestiers, protègent les populations. Si en Asie la société civile est dans une phase de défense des acquis il y a tout de même des initiatives locales de transition agroécologique.
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Retour de mission – Un café avec… Saison 2
Les podcasts Retour de mission reviennent pour une deuxième saison ! Le temps d’un café, nos chargés de mission racontent leurs voyages sur le terrain à la rencontre de nos partenaires. Anecdotes, rencontres marquantes… écoutez leur récit !
Maroc : formation coiffure à Tanger
Solène Bedaux, chargée de mission partenariat migrations, était au Maroc à la rencontre de femmes migrantes. Ces femmes sont formées en coiffure par notre partenaire pour sortir de leur quotidien et leur donner des perspectives d’avenir. Elle a été marquée par la force de ces femmes dont la situation est extrêmement difficile.
Côte d’Ivoire : la détermination de Sekou
Émilie Leroux, chargée de mission Golfe de Guinée, était en Côte d’Ivoire pour rendre visite à nos partenaires qui travaillent sur les enjeux fonciers et l’accaparement de terres. Lors d’un atelier elle a rencontré Sekou qui est engagé auprès des populations déplacées de force par la construction d’un pont et du métro d’Abidjan. Elle a pu échanger avec ces personnes déplacées.
Tchad : un puits particulier
Bruno Angsthelm, chargé de mission Golfe de Guinée, Centre et Corne de l’Afrique, était au Tchad où un puits pastoral est utilisé pour abreuver les troupeaux de communautés nomades. Cela aide à réduire la mobilité de ces communautés qui doivent se déplacer davantage à cause des changements climatiques.
Briançon : protéger les personnes migrantes
Marianne Ibos-Augé, chargée de mission mobilisation citoyenne et migrations, est allée à la frontière franco-italienne pour rencontrer notre partenaire Tous Migrants. A l’occasion de la Grande Maraude, un événement de sensibilisation sur les exactions de la police aux frontières, l’ensemble des participants s’est mobilisé pour protéger des personnes migrantes qui allaient être arrêtées.
Réalisation : Sidonie Hadoux
Illustration : Fabienne Couderc Crédit photo : William Dupuy -
Côte d’Ivoire : le cacao de la discorde
Alors que les traditionnels chocolats de Pâques sont dans les rayons Emilie Leroux, chargée de mission Afrique, nous emmène en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao. Dans ce pays où la terre se fait rare la culture du cacao alimente de nombreux conflits fonciers.
©Clémentine Méténier/CCFD-Terre Solidaire Le cacao, fleuron de l’économie ivoirienne
La Côte d’Ivoire a basé son développement économique sur l’agriculture et notamment sur des cultures d’exportation. Cette stratégie semble avoir porté ses fruits puisque la Côte d’Ivoire est le premier producteur avec 40% de la production mondiale de cacao. Beaucoup de Français risquent donc d’en consommer très prochainement.
Si la Côte d’Ivoire a réussi à atteindre cette performance, c’est aussi au détriment de son environnement : 90% des forêts ont été détruites en 50 ans et remplacées par du cacao.
40%
de la production mondiale de cacao90%
des forêts remplacées par des cacaoyersUne culture à l’origine de conflits fonciers
Aujourd’hui, les plantations ont vieilli et les sols se sont dégradés. Une solution serait de replanter ailleurs, mais il n’y a plus de nouvelles terres à défricher. En plus, la démographie est galopante donc la pression sur le foncier est forte. En quelques décennies, la terre est devenue l’objet de toutes les convoitises et de très nombreux conflits.
Le cacao s’est développé grâce à l’arrivée de nombreux migrants, notamment du Burkina Faso et du Mali qui, à l’époque, se sont vu confier des terres de façon orale. Plusieurs générations après ces contrats oraux sont remis en question par des autochtones. Mais qui peut savoir ce que les anciens se sont dit il y a 50 ou 60 ans ! La situation est donc très complexe.
Par ailleurs, au niveau local les communautés continuent d’appliquer des règles coutumières elles aussi orales.ASAPSU accompagne les communautés pour régler ces conflits
Notre partenaire ASAPSU expérimente une approche innovante : il accompagne les communautés villageoises dans la clarification et la renégociation des règles de gestion des terres.
Les populations se réunissent et redéfinissent collectivement les conditions d’accès à la terre. Ces nouvelles règles sont ensuite formalisées à l’écrit. Ainsi, chacun sait à quoi s’en tenir et cela permet de prévenir et d’anticiper les frustrations et les conflits.
Ce travail d’ASAPSU est une très belle réussite puisque les autorités locales comme les populations voisines réclament son accompagnement. On voit donc que si on se donne le temps d’impliquer les communautés et de les écouter, il est possible de transformer le foncier en un levier de cohésion sociale.
Aller plus loin :
Côte d’Ivoire : un travail de terrain pour désamorcer les conflits autour du foncier
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Déclic, le podcast de la mobilisation citoyenne
Pour ce premier épisode de Déclic, nous sommes au lycée saint Francois d’Assise à Saint-Quentin en Yvelines, avec des élèves de seconde. Deux bénévoles proposent aux adolescents de jouer au fameux jeu du loup garou, décliné dans une version amazonienne où protecteurs et destructeurs de la forêt s’affrontent.
Cette nouvelle version du jeu du loup garou décliné dans une version amazonienne connait depuis son lancement un joli succès auprès des lycéens.Jeu du loup garou version Amazonie. Illustration : Charlotte Cornudet Au lieu de se réveiller dans un village européen, les participants du jeu se retrouvent dans un village au cœur de la forêt amazonienne. Protecteurs et destructeurs de la forêt s’affrontent, sans que l’issue ne soit prévisible au début de la partie.
Ce nouveau podcast Déclic nous immerge au cœur de l’action des bénévoles du CCFD-Terre Solidaire.Retrouvez toutes les informations sur le jeu du loup garou, version Amazonie
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Flambée des prix : l’impact de la guerre en Ukraine
Dans la suite de l’agression russe de l’Ukraine, on entend de plus en plus parler de crise alimentaire, de pénurie ou de flambée des prix. Valentin Brochard, chargé de plaidoyer souveraineté alimentaire, décrypte les impacts de la guerre en Ukraine sur une crise alimentaire qui dure depuis six ans.
©Émilie LEROUX/CCFD-Terre Solidaire L’impact de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire mondiale
L’agression russe va avoir deux types d’impacts :
- Une flambée des prix alimentaires internationaux.
La Russie et L’Ukraine sont deux exportateurs importants de céréales et la guerre a éclaté à la fin de la saison agricole. Ce qui veut dire qu’actuellement les greniers sont pleins, mais à cause du conflit et des sanctions, ces états ne peuvent pas exporter. Cela a des répercussions majeures sur un grand nombre de pays dépendants des marchés internationaux pour se nourrir et cela facilite des phénomènes de spéculation. A ce jour, cette spéculation est la principale raison de la flambée des prix. - Une forte hausse des coûts de production.
Cette guerre s’accompagne d’une flambée des prix du pétrole et du gaz. Or produire, transformer, et acheminer la nourriture demande de l’énergie. Les coûts de production ont par exemple toujours été corrélés aux évolutions des cours mondiaux du pétrole.
Hausse des coûts de production, flambée des prix alimentaires, troubles sociaux, le spectre des émeutes de la faim de 2009 n’est malheureusement pas loin.
Valentin Brochard, chargé de plaidoyer souveraineté alimentaireIl y a urgence à agir : nous n’avons que quelques mois avant que cette crise ne révèle son plein potentiel. Sa gravité va dépendre des actions que nous mettons maintenant en œuvre.
Ce qu’il faut faire pour limiter la crise alimentaire
L’urgence sur le sujet est triple :
- Limiter la hausse des prix. Cela passe notamment par des régulations internationales sur les agro-carburants ou encore sur la spéculation.
- Renforcer la capacité des États à faire face à la crise à donc à investir. Les États les plus touchés par la flambée des prix à venir sont des pays en développement déjà très endettés.
- Limiter les impacts de la crise alimentaire sur les populations. Cela passe par la mise en œuvre de couloirs humanitaires, notamment pour les Ukrainiens bien sûr, mais aussi par la promotion de filets de protection sociale pour les populations les plus vulnérables.
Pour mettre en œuvre ces solutions, il est impératif d’avoir une coordination internationale. Donc nous demandons que le Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale de l’ONU se réunisse en urgence pour traiter de la question de la flambée des prix. Il faut vraiment que la France soutienne cette demande et en face une priorité diplomatique.
Aller plus loin :
Nos propositions de mesures pour faire face cette crise
Guerre en Ukraine et agriculture : notre lettre ouverte
Guerre en Ukraine : les bombes de la faim - Une flambée des prix alimentaires internationaux.
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L’histoire de Minyara qui se bat pour l’accès à l’eau en Tunisie
A Kairouan en Tunisie Minyara se bat pour un accès une eau propre pour tous et toutes. Elle travaille au Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux, partenaire du CCFD-Terre Solidaire.
Minyara referme doucement la porte de chez elle. Ses sœurs et son père dorment encore. Il fait déjà chaud.
La fenêtre est ouverte et l’odeur du café qu’elle vient de préparer se répand encore dehors.
D’ici quelques minutes, le village tunisien où Minyara habite se réveillera. Mais pour le moment, la rue est calme.Par la fenêtre du bus, elle observe les immeubles qui défilent. Les maisons blanches aux portes bleues. Et puis, à l’entrée de la ville de Kairouan, les marchands ambulants qui installent leurs stands. Une longue journée de travail s’annonce pour eux comme pour Minyara. Voilà cinq ans qu’elle travaille au FTDES, le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux, créé dans l’élan de la mobilisation du printemps arabe.
Avec ses collègues, elle organise un événement pour dénoncer la pollution par des entreprises privées des eaux marines tunisiennes. Certaines plages sont fermées car les eaux usées sont déversées dans la mer. Mais Minyara regrette que les autorités ne soient pas plus sévères avec ces entreprises.
Elle déplore la corruption car elle diminue l’action du gouvernement et les conséquences qui vont avec sont terribles destruction du littoral, difficultés d’accès à l’eau courante, mise en péril de la santé des travailleurs et travailleuses. La quête du profit semble passer avant la santé des habitants. Et ça, Minyara ne le tolère pas.
C’est pour cette raison que, sitôt ses études d’informatique terminées, elle s’engage avec la société civile tunisienne. Elle deviendra bénévole, trésorière au FTDES, puis chargée de projet environnemental. Plus jeune, Minyara n’avait pourtant rien d’une militante pour le climat ou pour les droits sociaux. Elle n’a pas conscience des inégalités qui jalonnent les parcours de vie. Quand elle réalise plus tard que 60 000 personnes n’ont pas accès à l’eau courante à Kairouan, elle bondit de sa chaise. Ces personnes, les femmes surtout, font face à une grande précarité. Elles doivent aller au puits quand il y en a, ou récupérer les eaux de pluie , malgré les risques de maladies. Alors sur sa liste des choses à faire, Minyara l’a écrit en lettres capitales : Refonder la politique hydraulique tunisienne.
Il y a beaucoup de choses à faire et encore trop peu de travail concret sur le terrain à travers les actions qu’elle met en place. Elle cherche à faire pression sur le gouvernement pour que ce dernier revoie le code des eaux. Même si rien n’est encore joué, elle sait qu’il lit les rapports que rédige le FTDES. Et c’est déjà un début de victoire.
Alors dans le bus qui la ramène chez elle. Le soir, alors que la nuit tombe sur Kairouan, elle fait le bilan de sa journée. Elle réalise que, malgré les difficultés, chacune des tâches qu’elle exerce lui procure une immense fierté. Le combat est loin d’être terminé !
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Au Pérou, protéger l’Amazonie
L’Amazonie couvre la plus grande partie du territoire péruvien. Elle est l’objet de convoitises pour ses nombreuses ressources naturelles. Martin Willaume, chargé de mission Amérique latine au CCFD-Terre Solidaire, nous détaille les menaces qui pèsent sur l’Amazonie au Pérou.
©Martin WILLAUME/CCFD-Terre Solidaire Un immense territoire menacé
L’Amazonie, moins connue que les montagnes des Andes, représente plus de 60% du territoire péruvien. Ce territoire immense, plus grand que la France, attise depuis longtemps la convoitise des entreprises pour l’exploitation de ses ressources naturelles : bois, pétrole, or, eau… La situation est critique pour l’ensemble de l’Amazonie et on approche du point de bascule.
La forêt amazonienne n’aura bientôt plus les capacités de se renouveler et pourrait devenir une savane sous la pression des dérèglements climatiques et de la déforestation.
Martin Willaume, chargé de mission Amérique latineL’agro-industrie contribue largement à cette dégradation de l’environnement. L’huile de palme s’est par exemple répandue de façon exponentielle ces dernières années car c’est un élément essentiel pour l’industrie agroalimentaire. Cette monoculture intensive a des conséquences très graves : elle appauvrit les sols, assèche les sources d’eau, pollue les fleuves et tue les poissons avec le rejet de pesticides.
La Pastorale de la Terre de Yurimaguas protège l’Amazonie
Pour faire face aux menaces qui pèsent sur l’Amazonie péruvienne, notre partenaire la Pastorale de la Terre de Yurimaguas agit sur 3 volets :
- Accompagner les communautés indigènes pour qu’elles connaissent leurs droits et puissent se défendre. Le Pérou bénéficie de plusieurs lois et a signé des conventions internationales qui l’engagent à défendre les peuples indigènes, mais ces textes sont peu appliqués.
- Constater les impacts des plantations de palmiers à huile et documenter, avec des photos, les cas de pollution et de dégradation des cours d’eau. C’est un travail très minutieux qui permet de faire pression sur les entreprises et surtout sur les autorités locales et l’État.
- Promouvoir une vision durable de l’Amazonie et apporter des propositions concrètes : agroforesterie, agroécologie, écotourisme… Au-delà d’un soutien ponctuel à plusieurs projets, notre partenaire accompagne les communautés pour faire du plaidoyer, afin de modifier les politiques locales et d’obtenir des changements de plus grande ampleur.
Aller plus loin :
Quiz : Quelle est votre relation avec la forêt?
Journée Internationale des Forêts : les indiens Huni Kuin défendent l’Amazonie -
En Bosnie, l’histoire de Milica qui protège la nature
Milica est une jeune militante engagée pour le climat et la préservation de l’environnement en Bosnie. Elle a rejoint le Centre pour l’environnement bosnien soutenu par le CCFD-Terre Solidaire
Vous y croyez, vous, qu’un paysage puisse orienter le cours d’une vie ?
Milica a grandi dans les montagnes de Prijedor, au nord de la Bosnie-Herzégovine. Petite dernière d’une famille de quatre enfants, elle passe ses journées dehors. Elle brave la neige l’hiver, les coups de soleil l’été et dès qu’elle le peut, elle fonce vers le cours d’eau le plus proche pour observer la vie qui s’y déroule. Parfois c’est plutôt les rochers qui l’intéressent, pour y grimper et contempler d’en haut, ces étendues vertes qu’offre à voir la Bosnie.
Dans son village, tout le monde possède un potager. Ses voisins ont leur propre élevage et bien souvent, on peut voir chèvres et poules se balader dans les jardins entre les meules de foin.
Ce mode de vie, en lien avec la nature, développe l’intérêt de Milica pour l’environnement. Malheureusement, au fil des années, elle réalise amèrement, que pour que la nature révèle sa beauté, il faut encore savoir la regarder. Hélas, l’avidité de certains leur brouille la vue. Comme partout dans le monde, cette nature si sacrée devient menacée. Les rivières de Bosnie deviennent prisées par les compagnies d’électricité.
A 12 ans, premier acte : Milica décide de ne plus manger de viande. Une décision qui étonne ses parents. Être végétarienne n’est pas encore compris dans son pays, encore moins dans les zones rurales, mais peu importe, c’est pour elle le premier pas dans sa lutte contre l’agro-industrie. De toute façon, il n’y a pas que la viande dans la vie ! Milica cuisine des plats végétariens comme le Sataras, un ragout de poivrons, tomates, oignons…puis elle raffole des champignons.
A 17 ans, direction Banja Luka pour les études. Milica rejoint ce qu’elle appellera plus tard sa bulle : des groupes de personnes, engagées comme elle pour le climat. Rapidement elle s’engage avec le CZZS : le centre pour l’environnement bosnien. Elle finit par y travailler en 2020. C’est l’aboutissement de ses années d’étude et la concrétisation de son engagement ! Ses journées sont variées, à l’image de ses missions. Un jour elle va sur le terrain, discuter avec des agriculteurs de l’emploi de pesticides, un autre jour elle sensibilise les habitant.e.s au tri des déchets.
Mais il faut bien l’avouer, certains jours sont plus durs que d’autres. Tous ses interlocuteurs ne comprennent pas la nécessité de changer leurs pratiques. Comment admettre que ce que l’on fait depuis 50 ans n’est finalement pas bien ? Milica arrive à les comprendre et elle s’impose justement de continuer à dialoguer, surtout avec celles et ceux qui ne sont pas d’accord.
Et puis, il y a des jours plus lumineux ! Comme ce jour où, avec les habitant.e.s de la ville de Bosanski Petrovac, ont réussi à faire fermer un incinérateur à déchet. Un sourire franc se dessine sur le visage de Milica quand elle y pense.
Un beau souvenir…qui lui rappelle au quotidien que c’est à plusieurs que s’obtiennent les plus belles victoires !
Pour aller plus loin :
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Un manifeste pour refonder la politique de la France au Sahel
Le Sahel connait depuis plusieurs années une crise sécuritaire, politique, sociale, humanitaire et climatique. Jessica Pascal, chargée de mission partenariat Sahel explique pourquoi il est urgent pour la France de revoir sa stratégie dans cette région.
©Roberta VALERIO/CCFD-Terre Solidaire Une région en crise
D’un point de vue géographique, le Sahel fait référence à l’espace sahélo-saharien qui s’étend du Sénégal au Soudan. Mais plus communément, on parle de la région du Sahel pour parler de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad.
Le Sahel connaît depuis 2011 un regain d’insurrections armées, de violences, et de conflits intercommunautaires. Ceci a des conséquences graves sur les populations : déplacées de force, privées d’accès aux services de base et menacées par la faim. S’ajoute à cette situation l’instabilité politique, puisque le Mali, le Burkina et le Tchad ont tous connu un coup d’État ces deux dernières années.
Ainsi ce n’est pas seulement une crise sécuritaire que connaît la région, mais aussi une crise politique, sociale, humanitaire et climatique.
La France doit revoir sa stratégie
La stratégie de la France, militairement impliquée au Sahel, repose principalement sur les défis sécuritaires. Notre gouvernement doit revoir ses priorités.
- Être plus à l’écoute des revendications des populations sahéliennes, qui souhaitent reconstruire le lien avec leurs gouvernants, ont soif de justice et de transparence politique et économique.
- Mettre au cœur de sa politique au Sahel la protection des civils, la défense des droits humains, et la réduction des inégalités sociales.
Un manifeste pour alerter nos élus
Avec CARE France, Oxfam, Le Secours Catholique et Tournons la Page, le CCFD-Terre Solidaire a animé pendant cinq mois un cycle de conférences pour débattre – avec les chercheurs, les autorités françaises, la diaspora, les sociétés civiles sahéliennes et françaises – de l’action militaire, diplomatique, humanitaire et de l’aide au développement de la France au Sahel.
Aujourd’hui, nous sortons un manifeste que nous défendons auprès des principaux candidats à la présidentielle. Parce que nous voulons des engagements. L’engagement de nos futurs élus d’organiser un processus de consultation, à l’image de la Convention citoyenne pour le climat, devant déboucher sur une feuille de route pour refonder sa politique au Sahel.
C’est l’avenir de nos relations avec les pays de cette région, et plus largement avec l’Afrique, qui est en jeu.
Notre manifeste :
Aller plus loin :