Loi d’orientation agricole : comprendre les enjeux en 3 minutes 

Publié le 03.04.2024| Mis à jour le 24.04.2024

Découvrez notre décryptage de la future loi d’orientation agricole (LOA) : ses objectifs, ses lacunes et ses conséquences sur notre modèle agricole français mais aussi pour les pays du Sud. 

Les manifestations des agriculteurs et agricultrices depuis le début de l’année 2024 ont mis en évidence le profond malaise qui gronde dans le monde agricole. Le gouvernement a donc remis en avant sa promesse d’une nouvelle loi d’orientation agricole.

Les objectifs affichés de cette loi ? Répondre aux défis du secteur agricole, renouveler les générations d’agriculteurs et d’agricultrices et répondre aux enjeux climatiques et environnementaux.  

Au cœur du projet de loi, une nouveauté : la notion de souveraineté alimentaire, définie dès l’article 1er comme un objectif prioritaire du secteur agricole français. 

Mais, derrière les ambitions affichées, plusieurs questions se posent : les mesures proposées répondent-elles réellement à l’urgence climatique, à la nécessaire transition agroécologique et à la question du renouvellement générationnel les prochaines années ? Et que met le gouvernement derrière cette notion “à la française” de la souveraineté alimentaire ?  

La loi d’orientation agricole : qu’est-ce que c’est ? 

Les lois d’avenir et d’orientation agricoles sont des initiatives législatives visant à définir les grandes orientations de la politique agricole de la France.  

Ces lois sont élaborées pour répondre aux défis et aux enjeux spécifiques rencontrés par le secteur agricole, tout en prenant en compte les besoins des agriculteurs, des consommateurs, de l’environnement et de l’économie dans son ensemble. 

Une loi d’orientation agricole voit le jour en moyenne tous les 10 à 15 ans. Le contenu qui ressortira des négociations orienterait donc notre modèle agricole français sur les dix prochaines années. 

Quel est le calendrier de la loi d’orientation agricole ? 

Le texte fera l’objet d’une adoption en Conseil des ministres le 3 avril et d’un examen par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 30 avril. Une séance publique est prévue le 13 mai, avant de passer au Sénat la deuxième quinzaine de juin. 

Que contient le projet de loi d’orientation agricole ? 

Le renouvellement des générations agricoles au cœur des enjeux de la loi d’orientation agricole 

L’un des objectifs du texte de loi est d’assurer le renouvellement des générations agricoles face à la disparition massive des agriculteurs et agricultrices en France. 

Depuis cinquante ans, leur nombre en France est en chute libre et nos campagnes se vident. Entre 1970 et 2020, nous sommes passés de 1,6 millions d’agriculteurs et d’agricultrices à moins de 500 000. C’est le résultat d’une politique agricole qui pousse les fermes à s’agrandir et à s’industrialiser, ou à disparaître. D’ici dix ans, la moitié des agriculteurs actuellement en activité auront atteint l’âge de la retraite, et le taux actuel d’installation en agriculture est insuffisant pour compenser ces départs : on compte 13 000 installations agricoles par an contre 21 000 arrêts annuels d’activité.

Pourtant les jeunes ou les personnes en reconversion qui souhaitent se lancer dans l’agriculture peinent à trouver des terres, tandis que les plus grandes exploitations continuent de s’agrandir. 

La loi ne fixe pourtant aucun cap sur le nombre d’installations agricoles visées chaque année, ce qui devrait être la pierre angulaire de la stratégie de renouvellement des générations.  

Par ailleurs, la réforme proposée pour l’installation agricole et à la transmission des fermes, manque de mesures concrètes pour soutenir les nouveaux agriculteurs porteurs de projets, et les orienter vers l’agroécologie et l’agriculture biologique.

Pourtant, d’après le collectif Nourrir, entre 1 personne candidate sur 4, et 1 candidate sur 2 suivant les régions, souhaite faire son installation en bio.  

Un projet de loi censé répondre aux enjeux de la crise environnementale et climatique

62%

des agriculteurs estiment que la transition écologique est une nécessité

23%

des agriculteurs estiment que la transition écologique est opportunité

Enquête réalisée auprès de 607 agriculteurs par BVA Xsight en partenariat avec le Collectif Nourrir et Terra Nova.

En effet, les impacts du changement climatique sur l’agriculture, déjà visibles aujourd’hui, sont nombreux et ne cessent de s’intensifier : raréfaction des ressources en eau, augmentation de la fréquence et de l’intensité des aléas climatiques tels que des sécheresses, des canicules, ou des crues, prolifération des maladies et ravageurs, baisse des rendements… Entre autres. 

© Canva

Mais loin de faire de ce projet de loi un véritable levier de la transition agroécologique, le texte présenté ce jour se caractérise au contraire par des reculs environnementaux importants, notamment en facilitant l’arrachage de haies, l’industrialisation de l’élevage et les méga-bassines, des méthodes incompatibles avec les ambitions initialement affichées, un recul en arrière qui se détourne de ce que nous dit la science.  

L’introduction de la notion “d’intérêt général majeur”, une menace pour les normes environnementales 

L’article 1 stipule également que “L’agriculture, la pêche, l’aquaculture et l’alimentation sont d’intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire, qui contribue à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation”.

Cette notion d’intérêt général majeur mérite d’être précisée : en l’état, elle pourrait constituer une base pour déroger à la législation environnementale. Elle pourrait par exemple faire passer les intérêts de l’agro-industrie devant les obligations de l’Etat en matière de protection des espèces ou de gestion des ressources en eau en cas de sécheresse. C’est déjà le cas pour l’éolien où la notion de “raison impérative d’intérêt général public majeur” permet de déroger à l’obligation de protection des espèces et favorise la mise en place de projets à l’impact environnemental majeur.

Une agriculture sans sols vivants, sans écosystèmes alliés et in fine, sans agriculteurs serait non seulement extrêmement coûteuse et dystopique, mais surtout impossible à tenir sur le long terme. Ce n’est pas à ce modèle qu’aspirent les citoyens et citoyennes.

Lorine Azoulai, chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire au CCFD-Terre Solidaire

Le grand retour de la souveraineté alimentaire

Le projet de loi propose d’inscrire, dans son article 1er, une définition de la souveraineté alimentaire dans le code rural. Nous pourrions nous réjouir car la souveraineté alimentaire est l’un des principaux combats du CCFD-Terre Solidaire, pour parvenir à lutter contre la faim dans le monde.

Historiquement, ce combat est porté par de nombreuses organisations paysannes. La souveraineté alimentaire a en effet été portée par la Via Campesina en 1996.

[La souveraineté alimentaire est] le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée produite avec des méthodes durables, et surtout le droit des peuples de définir eux-mêmes leurs propres systèmes agricoles et alimentaires.

Déclaration de la Via Campesina en marge du Sommet mondial de l’alimentation de 1996

Plus récemment, une définition de la souveraineté a été adoptée par l’ONU, dans la La Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP).

Pourtant, le projet de loi propose une définition « à la française » de la souveraineté alimentaire qui omet des points caractéristiques de la souveraineté alimentaire telle que prévue au niveau international, notamment :

  • Le développement d’une alimentation locale
  • La prise en compte de l’impact de nos exportations sur les pays tiers (comme l’exemple du poulet français qui a déstabilisé la production aviaire au Sénégal)
  • Le développement de l’agroécologie
  • La réduction des pesticides et des engrais importés

En négligeant ces aspects clés de la souveraineté alimentaire, le projet de loi risque de précipiter dans le mur un modèle agro-industriel déjà à bout de souffle, plutôt qu’accompagner une transition agroécologique indispensable au maintien de nos emplois paysans, de la qualité de notre alimentation et de la préservation de notre environnement.

Pire, le projet de loi encourage un modèle agro-exportateur, qui déstabilise les filières locales dans les pays du Sud, sans pour autant rémunérer nos producteurs en France.

Quels intérêt cette LOA va-t-elle réellement servir : ceux de la population ou ceux de l’agro-industrie ?

Défendre la souveraineté alimentaire, c’est reprendre le contrôle de nos assiettes. C’est partir des besoins des populations : de la fourchette à la fourche, plutôt que l’inverse

Lorine Azoulai, chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire au CCFD-Terre Solidaire

Pour aller plus loin :

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