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Écoutez notre live qui alerte sur l’exportation des pesticides
Des pesticides dont la toxicité est avérée sont interdits en Europe. Ils continuent pourtant d’être exportés massivement dans les pays en développement. Réécoutez notre émission spéciale, enregistrée le 30 mars 2022, avec nos invités Sena Adessou de Côte d’Ivoire, Samuel Pommeret, chargé de mission Afrique et Maureen Jorand, chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire et climat.
Le coût caché des pesticides
Le marché des pesticides représente 53 milliards d’euros en 2020. Leur utilisation a augmenté de 80% depuis 1990 et on compte 385 millions d’empoisonnement dans le monde par an.
Les impacts des pesticides sur l’environnement et la biodiversité, ainsi que sur la santé humaine pour agriculteurs et populations riveraines sont largement documentés. Ils peuvent causer entre autres : maladie de Parkinson, lymphomes, malformations du fœtus, cancers de la prostate etc. Les pesticides ont également un impact économique : les citoyens payent pour les conséquences néfastes de ces produits (pour dépolluer l’eau, les soins de santé etc). Dans l’UE, les coûts des pesticides s’élèvent à 2,3 milliards d’euros par an.
Lire aussi notre rapport : Pesticides : un modèle qui nous est cher
Des pesticides interdits dans nos assiettes
Certains pesticides sont qualifiés d’extrêmement dangereux et sont donc interdits en Europe et aux États Unis. Cependant les pesticides jugés trop dangereux en Europe inondent les pays en développement et les pays émergents. Comme ces pays exportent leur production nous les retrouvons dans nos assiettes. L’UFC-Que Choisir a publié un article montrant que les pesticides à risques sont présents dans 50% des fruits et légumes vendus en France.
Les pays en développement très dépendants des pesticides
On retrouve deux fois plus les pesticides dangereux dans ces pays que dans les pays développés.
Certains pays en développement sont très dépendants des marchés internationaux pour exporter et pour se nourrir car on les a spécialisés dans certaines cultures. Cette spécialisation les oblige à importer une grande partie de leur alimentation.
Samuel Pommeret souligne qu’en Afrique, dans la région des Grands Lacs, les pesticides posent des problèmes dénoncés par les agriculteurs eux-mêmes : coût élevé, dépendance aux marchés internationaux, impact sur la qualité des sols, manque de résistance aux ravageurs…
La question de la régulation
En France et en Europe nous avons des objectifs de réduction de moins 50% des pesticides. Mais dans les faits leur usage augmente. Il se pose ainsi la question de la mise en œuvre des régulations et des dérogations. Les industriels cherchent de nouveaux marchés et se tournent donc vers l’Afrique.
Au niveau européen, le marché des pesticides est de 17 milliards d’euros. L’Europe en importe pour 1,4 milliard d’euros et en exporte pour 5,8 milliards d’euros. Depuis 2018, l’Union européenne a exporté 80 000 tonnes de pesticides interdits vers les autres continents. Comme pour les produits pharmaceutiques il existe des génériques de pesticides souvent produits par les pays émergents (surtout la Chine et l’Inde) qui ciblent en premier lieu le marché africain.
Selon Sena Adessou les législations en Afrique sont laxistes voire absentes. En Côte d’Ivoire son pays d’origine, la législation est vieille et vétuste mais le pays est en train de revoir son cadre législatif. Il souligne le poids des lobbys qui mettent en avant l’argument de la productivité agricole.
Sena explique qu’il y a aussi un problème de corruption. Certains produits interdits se retrouvent quand même dans les mains des paysans via des circuits informels. Samuel explique que ce non respect de la loi est possible car l’État n’a pas les moyens d’aller contrôler les champs. Mais il y a une prise de conscience des agriculteurs qui cherchent des alternatives.
Des alternatives existent
En tant que citoyen il y a des choses à faire souligne Maureen Jorand : nous pouvons signer des initiatives citoyennes demandant la sortie des pesticides et interpeller nos politiques en cette année électorale.
Sena est le secrétaire général d’Inades Formation. Son organisation a mené une campagne sur le droit à l’alimentation, la qualité des aliments et la durabilité des systèmes de production. Pour lui la solution c’est l’agroécologie car elle répond au fonctionnement des écosystèmes. L’agroécologie permet d’être certain de produire des aliments sains.
Samuel met en avant le travail d’Inades Formation au Burundi. L’organisation analyse les cadres légaux et réalise des diagnostics avec les paysans sur l’utilisation des pesticides. Elle mène également des recherches sur des alternatives de lutte biologique contre les maladies et les ravageurs (qui détruisent 30% des productions) en se servant des méthodes traditionnelles utilisant des végétaux. Selon Sena ces biopesticides représentent moins de danger et de toxicité même si il faut savoir les utiliser.
La sortie des pesticides doit se faire petit à petit explique Samuel. On évalue chaque biopesticide, chaque maladie, chaque culture, c’est un travail complexe. Les biopesticides sont de réelles alternatives aux pesticides de synthèse. Ils permettent aux paysans d’être plus autonomes et économes, plus résilient et plus respectueux de l’environnement.
Se mobiliser :
Marchons contre Monsanto-Bayer et l’agrochimie
Aller plus loin :
Salon de l’Agriculture : alerte sur les pesticides
Le scandale des pesticides interdits en Europe et exportés en Afrique
L’exposition aux pesticides dans le monde a des conséquences évidentes sur les droits de l’homme
Mali : quand pesticide rime avec agroécologie -
Guerre en Ukraine : la souffrance de l’exil #JeudiPhoto
Depuis le début de l’agression russe, un quart de la population ukrainienne a été contrainte à l’exil pour fuir l’horreur de la guerre. Parmi elle, une majorité de femmes et d’enfants. Portons notre regard sur le courage de ces femmes exposées à la douleur du déracinement.
Pologne, Medyka, 26 février 2022. © Guillaume Herbaut / Agence VU Seule et désemparée, cette jeune mère ukrainienne est arrivée à Medyka, en Pologne, à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne. Avec ses deux enfants en bas-âge, elle a pris la route de l’exil pendant que son mari est resté au pays pour prendre les armes. Accueillie et dirigée par des volontaires, elle monte dans un bus pour rejoindre un centre d’accueil. Submergée par la peur et la souffrance, elle enlace fort ses deux enfants pour les rassurer. Ou se rassurer… Elle n’arrêtait pas de pleurer, témoigne le photojournaliste Guillaume Herbaut, qui se souvient encore du regard poignant de ces deux enfants laissant percevoir toute l’anxiété et l’incompréhension qu’ils pouvaient ressentir.
Comme elle, des milliers de personnes ont afflué au poste-frontière de Medyka pour fuir les bombes, contraintes de patienter parfois plusieurs jours du côté ukrainien. Guillaume Herbaut se souvient du silence, à la fois grave et digne, qui accompagnait l’arrivée des personnes exilées assommées par la fatigue et la réalité ultra-violente de la guerre. Aux abords de la gare de Przemysl, des volontaires venus de toute l’Europe se sont mobilisés pour tendre une main solidaire. Personne n’était préparé à un exode d’une telle ampleur.
Depuis le 24 février, la guerre en Ukraine a déjà déraciné plus de 12 millions d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes. Plus de 5 millions ont fui vers les pays voisins. Parmi les personnes déplacées, on compte 90% de femmes et d’enfants exposés du jour au lendemain à la souffrance, la violence et la précarité du parcours migratoire. La Pologne est devenue le principal refuge en accueillant près de 3 millions d’exilés.
Face à la tragédie ukrainienne, un immense élan de générosité s’est exprimé à travers l’Europe. Membre du Collectif Solidarité Ukraine, nous appelons toutes les organisations et les États européens à maintenir leurs efforts de solidarité, de manière durable et non discriminatoire, pour accueillir et protéger toutes les personnes contraintes de fuir l’Ukraine. En Roumanie, nous soutenons notre partenaire, ROMA JUST, mobilisé pour observer le traitement réservé aux personnes en exil à différents points de la frontière romano-ukrainienne.
Aux côtés de nos partenaires, nous restons mobilisés pour soutenir et défendre un accompagnement de long-terme et respectueux des droits humains pour les personnes exilées.
Source : UNCHR, 26 avril 2022.
Pour aller plus loin :
Ukraine : 5 questions autour de la directive de protection temporaire
Guerre en Ukraine : les bombes de la faim #JeudiPhoto
L’impact de la guerre en Ukraine sur la crise alimentaire (infographie)
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Élections : Appel à un sursaut citoyen au service du bien commun
Tribune co-signée par le CCFD-Terre Solidaire parue dans Ouest-France le 16 avril 2022.
A l’occasion de l’élection présidentielle, nous, responsables d’organisations chrétiennes, protestantes et catholiques, et le représentant de la Métropole grec-orthodoxe de France, Patriarcat Œcuménique, appelions à un large débat démocratique. Nous insistions sur trois défis majeurs : le scandale des inégalités qui frappent en premier lieu les plus vulnérables, l’urgence écologique, et la paix et le vivre ensemble dans une société fracturée.
A l’issue du 1er tour de l’élection présidentielle, la France est profondément divisée. Pour le 2ème tour, deux visions de notre pays s’affrontent.
Une vision qui, sous un discours social, est fondée sur la préférence nationale, le rejet de l’étranger, menace les droits fondamentaux et contribuerait à aggraver les fractures. Cette vision dangereuse cache sous une pseudo défense de l’égalité son refus des libertés et de la fraternité et son attrait pour les régimes autoritaires. Elle nous enfermerait dans une France forteresse, aveugle aux enjeux écologiques. Or la liberté, l’égalité et la fraternité sont nos repères communs. La solidarité, l’hospitalité, le respect de l’autre et de la planète guident nos choix de citoyens.
Une autre vision promeut la démocratie et les valeurs républicaines, porte une ambition pour l’Europe et les enjeux internationaux, mais relativise l’urgence d’une véritable transition écologique et solidaire et traite avec brutalité les questions sociales.
Pourtant, toute la Bible nous rappelle que l’attention aux plus fragiles et l’accueil de l’étranger sont au cœur de notre foi.
Si la colère peut se comprendre au regard de certaines décisions politiques de ces dernières années, le vote à l’élection présidentielle doit être guidé par notre vision. Nous voulons une société ouverte, fraternelle, qui cherche à renforcer la justice, à combattre la pauvreté et les inégalités, à accélérer une transition écologique juste et solidaire. Nous aspirons à construire une Europe citoyenne, et à vivre une solidarité internationale renforcée, dans une société qui respecte les droits fondamentaux de tous, y compris ceux des étrangers.
Le pire doit être évité. Il ne peut pas l’être par l’abstention et le vote blanc.
Il n’est pas envisageable de choisir pour notre avenir un projet de société xénophobe, fondé sur le repli sur soi, la division de la société et l’atteinte aux droits humains. En conscience, nous ne pouvons qu’appeler à voter contre cette option mortifère.
Engagés aux côtés des personnes vulnérables, fragiles, nous connaissons leurs inquiétudes, leurs vies difficiles, mais aussi leur sens de la solidarité. Ce sont elles que nous accompagnons dans nos différents engagements pour leur permettre de devenir actrices de leur vie, de vivre dignement et d’exercer leur citoyenneté.
Pour l’avenir, notre pays a besoin de la participation de toutes les personnes qui y vivent, à commencer par celles qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas.
L’élection présidentielle n’est qu’une étape. Au-delà de ce second tour, il faudra rassembler tous les citoyens et les associer réellement à la construction d’une société accueillante, solidaire et respectueuse de l’environnement, combattre résolument les inégalités et la pauvreté, et favoriser le dialogue avec toutes les forces de la société civile.
Chrétiens engagés dans la vie économique et sociale, dans la solidarité en France et à l’international, nous continuerons notre action avec exigence et vigilance, confiance et espérance.
Signataires :
- Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France) – Bernadette Forhan, présidente
- Action catholique des enfants (ACE) – Patrick Raymond, président
- Action catholique des milieux indépendants (ACI) – Marc Deluzet, président, et Françoise Michaud, vice-présidente
- Action catholique ouvrière (ACO) – Danielle Beauchet et Lionel Lecerf, coprésidents
- Apprentis d’Auteuil – Jean-Marc Sauvé, président
- A Rocha France – Rachel Calvert, présidente
- Centre de recherche et d’action sociales (CERAS) – Marcel Rémon, directeur
- Chrétiens dans l’enseignement public (CdEP) – Chantal de la Ronde, présidente
- Chrétiens dans le monde rural (CMR) – Margot Chevalier, coprésidente ; Jean-Luc Bausson, coprésident
- Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre Solidaire (CCFD-Terre Solidaire) – Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente
- Communauté de vie chrétienne France (CVX) – Brigitte Jeanjean, responsable nationale
- Délégation catholique pour la coopération (La DCC) – Arnoult Boissau, président
- Fédération d’entraide protestante (FEP) – Isabelle Richard, présidente
- Instituts religieux et solidarité internationale (IRSI) – Sœur Bernadette Janura, présidente
- Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) – Louise Lécureur, présidente
- Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) – Chloé Corvée, présidente nationale
- JRS France (Jesuit Refugee Service) – Véronique Albanel, présidente
- Justice et Paix-France – Michel Roy, secrétaire général
- Les Semaines sociales de France (SSF) – Dominique Quinio, présidente
- Métropole grecque-orthodoxe de France, Patriarcat œcuménique – Mgr Dimitrios Ploumis, métropolite de France
- Mouvement chrétien des cadres et dirigeants (MCC) – Cécile et Martin Lesage, responsables nationaux
- Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) – Nelly Vallance, présidente
- Pax Christi France – Mgr Hubert Herbreteau, évêque d’Agen, président
- Secours catholique-Caritas France (SCCF) – Véronique Devise, présidente
- Scouts et guides de France (SGDF) – Marie Mullet, présidente
- Vivre ensemble l’évangile aujourd’hui (VEA) – Annick Faye, présidente
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Retour de mission – Un café avec… Saison 2
Les podcasts Retour de mission reviennent pour une deuxième saison ! Le temps d’un café, nos chargés de mission racontent leurs voyages sur le terrain à la rencontre de nos partenaires. Anecdotes, rencontres marquantes… écoutez leur récit !
Maroc : formation coiffure à Tanger
Solène Bedaux, chargée de mission partenariat migrations, était au Maroc à la rencontre de femmes migrantes. Ces femmes sont formées en coiffure par notre partenaire pour sortir de leur quotidien et leur donner des perspectives d’avenir. Elle a été marquée par la force de ces femmes dont la situation est extrêmement difficile.
Côte d’Ivoire : la détermination de Sekou
Émilie Leroux, chargée de mission Golfe de Guinée, était en Côte d’Ivoire pour rendre visite à nos partenaires qui travaillent sur les enjeux fonciers et l’accaparement de terres. Lors d’un atelier elle a rencontré Sekou qui est engagé auprès des populations déplacées de force par la construction d’un pont et du métro d’Abidjan. Elle a pu échanger avec ces personnes déplacées.
Tchad : un puits particulier
Bruno Angsthelm, chargé de mission Golfe de Guinée, Centre et Corne de l’Afrique, était au Tchad où un puits pastoral est utilisé pour abreuver les troupeaux de communautés nomades. Cela aide à réduire la mobilité de ces communautés qui doivent se déplacer davantage à cause des changements climatiques.
Briançon : protéger les personnes migrantes
Marianne Ibos-Augé, chargée de mission mobilisation citoyenne et migrations, est allée à la frontière franco-italienne pour rencontrer notre partenaire Tous Migrants. A l’occasion de la Grande Maraude, un événement de sensibilisation sur les exactions de la police aux frontières, l’ensemble des participants s’est mobilisé pour protéger des personnes migrantes qui allaient être arrêtées.
Réalisation : Sidonie Hadoux
Illustration : Fabienne Couderc Crédit photo : William Dupuy -
Francois Héran : “La migration fait partie de nos sociétés”
GRAND ENTRETIEN – François Héran est démographe et sociologue, titulaire de la chaire Migrations et sociétés au Collège de France depuis 2017. Sa longue expérience lui permet d’affirmer aujourd’hui que le débat franco-français sur les migrations est dépassé, la migration faisant partie de nos sociétés. Pour surmonter les fausses idées, il appelle à une rigueur scientifique concernant l’usage des données.
Échos du monde : Quel décentrement de regard vos expériences dans les champs de la sociologie, la démographie, la philosophie peuvent-elles apporter dans le débat public français autour de l’immigration ?
François Héran : Je travaille sur l’immigration depuis longtemps. Mon premier article date de 1976, lorsque, dans le sud de l’Espagne, j’étudiais les ressorts de la migration des Espagnols vers la France. C’était rare pour un chercheur d’étudier les migrations à partir du pays de départ. J’ai donc très tôt été amené à confronter les chiffres de la migration entre eux, les mœurs aux faits, les craintes aux réalités.
Diriger des études démographiques de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) et puis de l’Ined (Institut national d’études démographiques) m’a permis ensuite d’aborder les données migratoires à travers des données démographiques. Au sein de l’Institut Convergences Migrations, créé en 20171 , que je dirige, je constate que beaucoup de jeunes chercheurs, eux-mêmes issus de l’immigration, contribuent à renouveler les perspectives sur les migrations, en appliquant les méthodes scientifiques les plus rigoureuses : l’analyse, la méthode et le doute.
Vous prônez en effet une approche scientifique des migrations : « mesurer, débattre, agir »2 . C’est loin d’être la règle dans le débat politique actuel…
La production de chiffres sur l’immigration s’est considérablement améliorée en quinze ans, permettant d’opérer des comparaisons internationales : l’OCDE (l’Organisation internationale de développement et de coopération économique) rassemble des données précises et harmonisées sur tous les pays occidentaux, et Eurostat, chargé des statistiques européennes, détient de nombreuses données sur la demande d’asile. Ce qui me frappe dans le débat politique actuel sur l’immigration est qu’il est très franco-français. Les comparaisons internationales se font très peu, ou très mal.
Il y a un espoir puisque l’épidémie nous a donné une formidable initiation à la statistique ! On sait maintenant que l’indicateur fondamental pour réaliser des comparaisons dans le temps et dans l’espace, entre des départements ou des pays, est la prévalence pour 100 000 habitants. J’aimerais bien que la même rigueur statistique s’applique à la comparaison des migrations, et qu’on regarde ce que
représente la demande d’asile ou les décisions positives de protection pour un million d’habitants par exemple. Il faut examiner les chiffres en proportion de la population, de la richesse du pays…La France n’est pas le plus grand pays de l’immigration en Europe, loin de là.
En réalité, notre place est relativement modeste par rapport aux pays scandinaves, à l’Allemagne, même à la Belgique, et surtout par rapport aux pays sur lesquels nous reportons la charge. Je pense à la Grèce, à Chypre, à Malte, qui sont en première ligne proportionnellement à leur population, et subissent, de loin, la pression migratoire la plus forte. Donc mon idée est de rétablir les ordres de grandeur, d’effectuer de véritables comparaisons, de ne pas surestimer, ou sous-estimer, nos problèmes ; en tout cas, de ne pas nous imaginer plus attractifs que nous le sommes.
En décembre dernier, lors d’un voyage à Chypre, le pape François a permis à une douzaine de demandeurs d’asile de rejoindre Rome, à la suite d’un accord entre le Vatican, l’association Sant’Egidio, Chypre et l’Italie. Adresse-t-il un message politique aux pays qui ferment leurs frontières ?
En effet, à Chypre, le pape a fait alliance avec Sant’Egidio3, qui joue un rôle important dans la prise en charge des immigrés. C’est un bon choix, car c’est le pays qui supporte le poids le plus lourd en matière d’enregistrement des demandes d’asile, mais aussi de protections octroyées aux demandeurs. Il y a quelque chose de symbolique dans cet acte. Je pense que le pape François a parfaitement conscience que nos règlements européens, notamment le règlement de Dublin4 , reportent lourdement la charge de l’accueil sur les pays qui sont en première ligne quant aux migrations provenant d’Orient, du Proche-Orient ou de la Corne de l’Afrique. Théoriquement, il faudrait une répartition égale entre tous les pays européens.
Or, on sait que cela ne marche pas, de nombreux plans européens ont échoué, et la France n’a pas été proactive dans ce domaine. Le Parlement européen a essayé de voter des résolutions pour répartir les personnes migrantes proportionnellement à la population, à la richesse du pays, de façon inversement proportionnelle au taux de chômage… Il faudrait appliquer partout la clé que les Allemands utilisent entre les Länder et dont la France fait usage de manière similaire depuis seulement deux ans : les personnes mises à l’abri depuis les campements sont maintenant réparties en fonction d’un schéma régional de répartition et de la demande d’asile.
Le 20 janvier, les statistiques provisoires sur l’immigration 2021 ont été rendues publiques par le ministère de l’Intérieur : 272 000 titres de séjour attribués, 103 000 demandes d’asile. Comment certains pourraient-ils instrumentaliser ces chiffres ?
Une façon toute bête serait de dire que le nombre de titres de séjour délivrés est « énorme ». Or, il faut considérer ce chiffre du point de vue des 67 millions d’habitants, ce qui représente 0,4 % de la population française. Ce n’est pas une invasion ni un tsunami. L’OCDE insiste, et on le voit très peu dans le débat public, sur le fait que, depuis une dizaine d’années, nous sommes sous la moyenne européenne concernant les « flux », comme disent les démographes.
Et il n’y a pas que les populations du Sud ! Il y a aussi les personnes migrantes qui viennent d’autres pays de l’Union européenne. Là-dessus, l’Allemagne est, en proportion, deux fois plus attractive que la France ; les deux tiers des étrangers qui vivent en Allemagne sont des européens : Polonais, Slovaques, Tchèques… En France, seulement un tiers des personnes étrangères sont européens. Pourquoi ? Nous n’avons pas la même prospérité économique, nous ne sommes pas aussi accueillants, nous n’avons pas des programmes d’intégration aussi bien faits.
L’Allemagne a mené, depuis 2015, une véritable politique d’intégration. Deux jeunes filles se renseignent sur les formations aux métiers de la santé durant une journée consacrée à l’intégration à Hambourg. Photo © Markus Sdholz/ AFP
Vous dites que la grande majorité des flux migratoires en France est liée aux droits et non pas au marché. Que voulez-vous dire ?
C’est la conséquence de la décision prise en 1974 d’interrompre la migration économique ; on ne pouvait faire venir directement des travailleurs, sauf par des dérogations, très rares. En 2006, Nicolas Sarkozy a réintroduit une petite immigration de travail, la fameuse « immigration choisie », hautement qualifiée, qui a assez peu progressé. Elle était au début réservée à des chefs d’entreprises innovants, et, en 2018, elle s’est étendue aux salariés.
Forcément, les autres types de migrations ont évolué, notamment la migration familiale ; dès 1978, le Conseil d’État a reconnu que le droit de vivre en famille était une liberté fondamentale. Ce droit a été repris et interprété dans l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, à savoir que l’État ne peut pas interférer dans la vie familiale. Mais le droit européen au nom de la souveraineté des pays n’a jamais déclaré que le droit de vivre en famille était un droit absolu et ne l’accorde pas systématiquement. Le libre choix du conjoint déclenche donc des migrations, on peut y ajouter le droit d’asile, et celui de faire des études à l’étranger dans une université, qui n’est pas vraiment un droit, mais un quasi-droit. De tous les flux migratoires au monde, ceux des étudiants internationaux sont ceux qui ont le plus progressé. En France, ils sont aujourd’hui aussi nombreux que l’ensemble de la migration familiale. Donc, la plupart des personnes qui entrent sur le territoire le font parce qu’elles en ont le droit.
Certains candidats à l’élection présidentielle française proposent de supprimer le regroupement familial. Or, il me paraît totalement impossible de viser certaines origines ! On ne peut pas imaginer avoir des mesures légales, un système juridique, qui accorderaient des droits à certains et non à d’autres en fonction du continent d’origine. Une distinction entre Européens et non-Européens est déjà inscrite dans le droit…
Le CCFD-Terre Solidaire appelle à « placer le respect des droits humains au cœur de la politique migratoire de la France et de l’Union européenne ». La fermeture des frontières imposée pour lutter contre la crise sanitaire a-t-elle joué implicitement dans l’approche sécuritaire des politiques migratoires ?
Certains régimes ont profité du Covid pour justifier leur idée de se protéger des étrangers. Le problème, dans l’économie française, est que le nombre de voyageurs internationaux est 200, voire 400 fois, supérieur au nombre de personnes qui migrent chez nous. Avant la crise sanitaire, les voyages internationaux, donc de non-résidents en France, représentaient 90 millions de personnes. La France est le pays du monde qui accueille le plus grand nombre de voyageurs internationaux ; elle souhaitait atteindre les 100 millions, mais le Covid en a décidé autrement. En parallèle, même si c’est un comptage un peu difficile – car il y a les migrations clandestines –, on estime que, chaque année, 450 000 personnes viennent s’établir en France. C’est très peu. Donc l’idée de fermer les portes spécifiquement aux personnes migrantes n’a aucun sens, car pour le virus cette différence n’existe pas.
Il y a eu effectivement un renforcement de la xénophobie avec le virus ; on se souvient des comportements à l’égard des Asiatiques début 2020.
Quels seraient, selon vous, les enjeux à relever autour des migrations et de la politique d’intégration dans les prochaines années ?
J’ai deux messages à lancer. Le premier est qu’il faut reconnaître que la migration, dans toute l’Europe de l’Ouest, est un phénomène banal, ordinaire, qui fait partie de nos sociétés. Il faut vivre avec. Je dis parfois qu’être pour ou contre les migrations n’a plus aucun sens. Certes, il y a des contrôles à effectuer, des sécurités à opérer, mais dans un cadre juridique bien établi. Actuellement, les contrôles sont très sévères, et tout a déjà été fait pour endiguer la migration familiale ; la demande d’asile est devenue extrêmement difficile et est sous-traitée et externalisée à l’étranger.
Deuxièmement, je pense que nous ne sommes pas à la hauteur de notre histoire de la construction des droits de l’homme. Il y a cette idée ancrée que la République française est immunisée contre les discriminations, que nous ne sommes pas l’Afrique du Sud et n’avons pas son apartheid, pas les États-Unis, car nous n’avons pas de ségrégation raciale.
Or, toutes les mesures, extrêmement scientifiques, qui sont faites sur les discriminations, montrent très bien que si vous avez le malheur d’avoir un signe d’appartenance visible ou un nom maghrébin ou subsaharien, vos chances d’obtenir un entretien d’embauche, accès au crédit, au logement social, sont divisées par deux ou trois. Les politiciens n’en parlent pas, ou très peu, il n’y a pas de pédagogie là-dessus. Le discours est très pédagogique quand il s’agit de la réforme des retraites, mais j’aimerais bien qu’à la place de cette démagogie actuelle nous soyons sur une pédagogie sur l’émigration. Expliquer ce qu’elle nous apporte, ce qu’elle représente vraiment par rapport aux autres pays et comme elle doit évoluer au niveau juridique.
Propos recueillis par Clémentine Méténier
1 – Dans le cadre du deuxième Programme des investissements d’avenir, dix instituts ont été créés .« Leur objectif est avant tout de fédérer les chercheuses et chercheurs de plusieurs institutions autour d’une question clé en croisant les disciplines afin de bâtir une formation originale. »
2 – Avec l’immigration. Mesurer, débattre, agir, La Découverte, 2017.
3 – Sant’Egidio est une communauté chrétienne née en 1968, au lendemain du concile Vatican II. Devenue un réseau dans plus de 70 pays, elle porte une attention particulière aux migrants et aux pauvres.
4 – Conformément au règlement de Dublin, les réfugiés doivent déposer leur demande d’asile dans le premier pays d’Europe où ils sont entrés.
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En Bosnie-Herzégovine la Republika Srpska joue avec le feu
En décembre dernier, le président de l’entité serbe de la Bosnie-Herzégovine, Milorad Dodik a fait un pas vers la sécession. Au risque d’exacerber les tensions entre communautés et de susciter l’éclatement du pays, 26 ans après la signature des accords de Dayton qui avaient permis de mettre fin à la guerre civile [avril 1992-décembre 1995].
Aeksandar Zolja, directeur de l’Assemblée des citoyens Helsinki, une ONG de défense des droits humains partenaire du CCFD-Terre Solidaire, ne mâche pas ses mots. « Depuis les accords de paix, les années électorales en Bosnie-Herzégovine ont toujours été propices à la rhétorique nationaliste, mais cette fois-ci, nous avons dépassé les limites. »
En témoignent les incidents au sud de la Républika Srpska entre communautés avec le retour de Bosniaques de confession musulmane dans leur région d’origine ; ou, à l’Est, avec de jeunes nationalistes terrorisant la population. Et le coup de force de Milorad Dodik, président de l’entité serbe (voir encadré), qui, après avoir fait adopter un processus de retrait des institutions de l’État fédéral par son Parlement le 10 décembre dernier, a fait voter, deux mois plus tard, les textes permettant leur mise en œuvre, notamment dans les domaines de la défense, de la justice et de la fiscalité. Un pas vers une prochaine sécession aux conséquences imprévisibles si la procédure engagée allait jusqu’à son terme…
Comment imaginer en effet que l’équilibre plus que précaire entre Serbes, Croates et Bosniaques résisterait à un tel tremblement de terre, ravivant des plaies toujours pas cicatrisées ? D’autant que l’élément déclenchant de ce nouvel accès de fièvre est le refus de l’homme fort de Banja Luka de reconnaître le génocide de Srebrenica où 8 000 Bosniaques ont été massacrés. Quatre jours avant le vote, le haut représentant international en Bosnie-Herzégovine, garant de la paix, avait interdit par décret la glorification des criminels de guerre, qui devait être un des temps forts du 30e anniversaire de la Republika Srpska.
Le pays se vide de ses forces vives
Aujourd’hui – même si le président de la Republika Srpska fait de la surenchère en exigeant la suppression de toutes les lois adoptées depuis les accords de Dayton –, l’angoisse d’entendre à nouveau des bruits de bottes semble s’éloigner…
« Les dernières déclarations de Dodik ne sont pas vraiment prises au sérieux : à huit mois des élections, c’est de l’agitation destinée à détourner les électeurs, du marasme économique, à mobiliser son camp et à se sauver lui-même, car il pourrait bien finir devant la justice », indique Aleksandar.
Signe de la relative indifférence de la population : celle-ci n’est pas descendue dans la rue. « L’échec en 2015 des rassemblements massifs de la société civile qui dénonçaient la corruption, le blocage des institutions, ont renforcé l’idée qu’on ne pouvait pas transformer le pays », poursuit le défenseur des droits de l’Homme. L’espoir né il y a quatre ans, quand la population s’était mobilisée à la suite des violences commises contre un jeune Bosniaque dans des circonstances jamais élucidées, a lui aussi été de courte durée. « La situation est de pis en pis et la pression s’accroît sur les ONG qui, en Republika Srpska, doivent maintenant déclarer les fonds qu’elles reçoivent de donateurs internationaux, soupire le responsable. La seule solution que les gens entrevoient est de fuir le pays. Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à passer à l’acte. »
Alors que le pays se vide de ses forces vives et que la dérive autoritaire du régime de la Republika Srpska s’accentue, la communauté internationale est aux abonnés absents. Les hauts représentants internationaux censés aider le pays pendant une période de transition se succèdent sans avoir le moindre impact sur son évolution. Si bien qu’ils font l’objet d’un rejet unanime chez les partisans de Dodik s’offusquant « du pouvoir colonial », comme chez ses opposants. « Le véritable problème c’est la mollesse de l’Union européenne qui devrait davantage hausser le ton », lâche Aleksandar. Pas sûr que l’annonce par le président Macron d’un sommet entre les 27 et les Balkans occidentaux, dans le cadre de la présidence française de l’UE, soit de nature à apaiser sa colère…
Laurence Estival
Bosnie-Herzégovine : Une gouvernance complexe
Née des accords de Dayton (décembre 1995) qui avaient mis fin à la guerre intercommunautaire, l’organisation institutionnelle extrêmement complexe de la Bosnie-Herzégovine favorise les nationalismes et une forme de paralysie. Le pays est divisé en deux entités, la Republika Srpska, serbe, et la Fédération de Bosnie-Herzégovine, croato-bosniaque. L’État central fonctionne au moyen d’une présidence collégiale qui représente les trois populations. Milorad Dodik en est le représentant serbe depuis 2018. -
Témoignages : être bénévole au CCFD-Terre Solidaire
Richard, Anne-Marie et Antonin sont bénévoles au CCFD-Terre Solidaire à Bordeaux. Ils nous partagent leur regard et ce qui les a poussé à s’engager à nos côtés.
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Elections : l’appel au débat démocratique de 36 organisations chrétiennes
Tribune co-signée par le CCFD-Terre Solidaire parue dans La Croix le 10 mars 2022.
A l’approche des prochaines élections présidentielle et législatives, notre pays entre dans une période d’intenses débats politiques au cours desquels les citoyennes et citoyens auront à discerner les grands enjeux de ces élections et à se prononcer sur la pertinence des options proposées.
Dans ce contexte, et au regard des valeurs qui nous rassemblent, nous, responsables d’organisations chrétiennes, protestantes et catholiques, et représentant du patriarcat orthodoxe de Constantinople, engagées dans la vie et l’action sociale, la préservation de l’environnement, le respect des droits humains, la paix, l’éducation, l’engagement citoyen et la solidarité internationale, nous souhaitons que le débat porte sur les grands défis que nous aurons à relever tous ensemble dans les années à venir.
Les choix politiques que nous ferons auront un impact sur le reste de notre monde confronté à une grave crise écologique, sociale, économique, sanitaire et politique, et à des atteintes à la paix et au droit international, en particulier au cœur même de l’Europe. Notre approche ne peut donc se limiter aux seules questions françaises.
Pour affronter ces défis, nous lançons un appel à un profond changement de nos pratiques du débat public. Saisissons l’opportunité de ce temps d’élections pour favoriser de véritables débats citoyens qui prennent en compte la complexité des sujets, acceptent la contradiction et sachent étudier la pertinence de toutes les propositions.
L’enjeu est de construire collectivement des cadres de société qui permettent le débat et la confrontation des idées sans intransigeance et sans recours à l’invective et à la violence verbale. Pour y parvenir, nous devons mobiliser notre capacité à nous écouter, à nous respecter, à nous comprendre et rechercher des convergences qui nous permettent de construire des solutions qui respectent la dignité humaine de chacune et chacun.
Dans cet esprit nous appelons à un large débat des candidats et des citoyens sur trois défis majeurs, chacun étant aussi important que les autres : l’attention aux plus vulnérables, l’urgence écologique et notre capacité à vivre ensemble.
Pour que la démocratie puisse correctement s’exercer, l’attention aux plus vulnérables doit constituer un axe central de la vie politique. La justice exige que chacun – homme, femme, enfant, jeune, aîné – soit respecté dans sa dignité inaliénable d’être humain, puisse exercer ses droits les plus fondamentaux (travail, alimentation, habitat décent, éducation, santé, culture) et participer à la vie sociale. L’augmentation constante des inégalités, que ce soit en France, en Europe ou au niveau international, constitue pour nous une préoccupation majeure et requiert des choix courageux à partir des besoins des plus fragiles.
Pour garantir l’avenir des générations futures, l’urgence écologique implique des changements immédiats. Les décisions prises aujourd’hui seront déterminantes pour maintenir la vie sur terre. Certains effets du changement climatique et de la destruction de la biodiversité sont d’ailleurs déjà sans retour et nous devons trouver des solutions pour nous y adapter. La raréfaction des terres cultivables, le déracinement auquel sont contraints les personnes déplacées pour des raisons environnementales, la gestion de l’eau, les risques de nouvelles pandémies, la nécessaire réduction des énergies fossiles sont autant d’éléments qui nécessitent de revoir nos modes de vies. Tout est lié : il nous faut favoriser une transition à la fois écologique, sociale et économique, c’est-à-dire mettre en œuvre une politique qui prenne en compte l’avenir de notre planète.
Dans notre société marquée par la diversité des cultures, des traditions, des croyances et des religions, la peur de l’autre ne doit pas dicter nos choix aux dépens des droits humains. Cette peur ne peut être surmontée ni par des recherches identitaires ni par le repli sur nos frontières mais par la rencontre fraternelle et le dialogue. Les personnes migrantes ne doivent plus être considérées comme un danger et un risque mais comme des individus dont la rencontre est source d’enrichissement et de progrès. L’altérité prime sur l’uniformité pour construire l’unité et la fraternité.
Ces défis majeurs pour notre avenir, notre société et notre planète exigent une politique claire et résolue au service du bien commun, mais aussi la participation de toutes et tous, dans les débats comme dans les urnes.
Signataires :
- Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-France) – Bernadette Forhan, présidente
- Action Catholique des Enfants (ACE) – Patrick Raymond, président
- Action Catholique des Femmes (ACF) – Chantal Nguyen, présidente
- Action Catholique des Milieux Indépendants (ACI) – Marc Deluzet, président
- Action Catholique Ouvrière (ACO) – Danielle Beauchet et Lionel Lecerf, coprésidents
- Apprentis d’Auteuil – Nicolas Truelle, directeur général
- A Rocha France – Rachel Calvert, présidente
- Association au Service de l’Action Humanitaire (ASAH) – Jean-Marc Semoulin, président
- Association chrétienne de solidarité – La Gerbe – Philippe Fournier, président
- Centre de recherche et d’action sociales (CERAS) – Marcel Rémon, directeur
- Chrétiens dans l’Enseignement Public (CdEP) – Chantal de la Ronde, présidente
- Chrétiens dans le monde rural (CMR) – Margot Chevalier, coprésidente ; Jean-Luc Bausson – coprésident
- Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement – Terre Solidaire (CCFD-Terre Solidaire) – Sylvie Bukhari – de Pontual, présidente
- Communauté de Vie Chrétienne France (CVX) – Brigitte Jeanjean, responsable nationale
- Délégation Catholique pour la Coopération (La DCC) – Arnoult Boissau, président
- Fédération d’Entraide Protestante (FEP) – Isabelle Richard, présidente
- Instituts Religieux et Solidarité Internationale (IRSI) – Sœur Bernadette Janura, présidente
- Jeunesse Etudiante Chrétienne (JEC) – Louise Lécureur, présidente
- Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) – Chloé Corvée, présidente nationale
- Justice et Paix France – Mgr Jacques Blaquart, président
- La Pierre d’Angle- Fraternité Quart Monde – Claude Cosnard, président
- Les Semaines Sociales de France (SSF) – Dominique Quinio, présidente
- Medair – Fabienne Ray, présidente
- Métropole grec-orthodoxe de France, Patriarcat Œcuménique – Mgr Dimitrios Ploumis, métropolite de France
- Mouvement Chrétien des Cadres et Dirigeants (MCC) – Cécile et Martin Lesage – responsables nationaux
- Mouvement Eucharistique des Jeunes (MEJ) – Sophie Lassagne, directrice
- Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne (MRJC) – Nelly Vallance, présidente
- Office Chrétien des personnes Handicapées (OCH) – Emmanuel Belluteau, président
- Pax Christi France – Mgr Hubert Herbreteau, évêque d’Agen, président
- Secours Catholique – Caritas France (SCCF) – Véronique Devise, présidente
- Scouts et Guides de France (SGDF) – Marie Mullet, présidente
- Service d’Entraide et de Liaison (SEL) – Patrick Guiborat, directeur général
- Service National Mission et Migrations (SNMM), Conférence des Evêques de France (CEF) – P. Carlos Caetano, cs, directeur
- Service National pour l’Evangélisation des Jeunes et pour les Vocations (SNEJV), Conférence des Evêques de France (CEF) – P. Vincent Breynaert, directeur
- Société de Saint-Vincent-de-Paul (SSVP) – Michel Lanternier, président national
- Vivre Ensemble L’Evangile Aujourd’hui (VEA) – Annick Faye, présidente
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L’Agence française de développement (AFD) et le CCFD-Terre Solidaire s’engagent pour le droits des femmes et l’égalité de genre face aux causes et impacts du changement climatique avec un projet de renforcement des capacités des OSC féministes de 5M€
A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, L’Agence française de développement (AFD) et le CCFD-Terre Solidaire ont signé la convention d’un projet de soutien aux organisations féministes engagées dans la lutte pour le respect des droits des femmes et l’égalité de genre face aux causes et impacts du changement climatique, dans le financement d’alternatives pour la transition écologique, la préservation de la biodiversité et la gestion durable des ressources naturelles. Ce projet ‘’Féministes pour des Alternatives Climat et Environnement’’ (FACE), s’inscrit dans le cadre du Fonds de soutien aux Organisations Féministes (FSOF).
Genre et adaptation au changement climatique
Porté cette année par la Commission pour le Statut des Femmes (CSW) et souligné dans le rapport du GIEC sur l’adaptation publié fin février 2022, le lien entre le genre et le changement climatique est un axe de travail prioritaire pour l’AFD et les banques de développement partenaires de la coalition genre du Sommet Finance en Commun (FICS).
Dans la plupart des géographies d’intervention de l’AFD, les femmes jouent un rôle primordial dans l’agriculture et le développement rural. Du fait des construits sociaux, des tâches qu’elles se voient attribuées, des discriminations structurelles qu’elles subissent et de la pauvreté, les femmes particulièrement sont affectées différemment et plus sévèrement que les hommes par les dérèglements climatiques et leurs impacts sur la santé humaine, animale et les écosystèmes, et donc nécessairement sur les ressources naturelles et l’agriculture. Cet impact genré de l’adaptation au changement climatique est particulièrement marqué en milieu rural et dans les Suds.
Le programme FACE
L’AFD soutient l’égalité entre les femmes et les hommes comme premier facteur de ce changement, en prenant en compte les besoins spécifiques et les intérêts stratégiques des femmes et des hommes afin de contribuer efficacement à l’adaptation au changement climatique et à son atténuation. –
Le programme « Féministes pour des Alternatives Climat et Environnement (FACE) » du Fonds de soutien aux organisations féministes contribue au développement des associations féministes sur la promotion des droits des femmes face aux enjeux climatiques et environnementaux. Il s’agit d’un fonds intermédié sur 4 ans doté de 5 M€ qui se déroulera sur les pays suivants : Rwanda, Burundi, République Démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Sierra Léone, Zimbabwe, Mozambique, Namibie, Zambie, Lesotho, Eswatini, Afrique du Sud, Madagascar. Le projet est mis en œuvre par un consortium de 4 OSC dont le CCFD-Terre Solidaire est chef de file avec trois autres partenaires, à savoir Adéquations et deux organisations du Sud, WoMin et Acord Rwanda. FACE propose du renforcer les capacités des OSC féministes, de mettre à disposition des financements flexibles, de sensibiliser au plaidoyer et de produire des connaissances sur le lien genre et climat.
A propos du Fonds de Soutien aux organisations féministes (FSOF) :
Opérationnalisation de l’engagement présidentiel annoncé lors du G7 de 2019, le FSOF a pour objectif de soutenir les organisations féministes des Suds à hauteur de 120M€ entre 2020 et 2022. Il est une déclinaison emblématique de la diplomatie féministe de la France et de sa stratégie internationale en faveur de l’égalité femmes-hommes.
Le FSOF a été lancé en juillet 2020 par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et l’Agence française de développement (AFD) qui en assurent le co-pilotage. Vidéo
Contact Presse :
Gabrielle Vallières – vallieresg@afd.fr – 06 17 93 69 97
Sophie Rebours – s.rebours@ccfd-terresolidaire.org – 07 61 37 38 65
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Entrée en Carême 2022 pour le CCFD-Terre Solidaire
Ce mercredi commence le Carême qui est, comme chaque année, l’occasion pour le CCFD-Terre Solidaire de lancer sa campagne de collecte. Stéphane Duclos, responsable du Service Campagnes et Mobilisations, nous éclaire sur les origines de cette campagne historique et sur les événements de cette édition 2022.
©Catalina MARTÍN-CHICO/CCFD-Terre Solidaire Une campagne historique du CCFD-Terre Solidaire
Tout commence en 1961 quand de nombreux catholiques se rassemblent avec la volonté d’éradiquer la faim dans le monde. Les évêques de France créent alors le CCFD qui organise une grande collecte nationale au moment du Carême pour répondre à ce défi.
Or, pour éliminer les causes de la faim, il faut transformer les choses en profondeur, agir à plusieurs niveaux (social, économique, politique) et s’inscrire dans la durée. C’est la façon d’agir du CCFD-Terre Solidaire.
Cette année le thème de notre campagne est l’écologie intégrale. Comme le dit le Pape François, les questions écologiques et les questions sociales sont indissociables et ne peuvent pas être traitées séparément.
Stéphane Duclos, responsable du Service Campagnes et MobilisationsCette campagne a pour but de mettre en avant les actions concrètes de nos partenaires, tout en appelant les chrétiens à donner davantage pour la Solidarité internationale.
Un vaste réseau de bénévoles
Des milliers de bénévoles du CCFD-Terre Solidaire se mobilisent, auprès des paroisses, des aumôneries, des établissements scolaires au moment du Carême. Ils organisent, entre autres, des conférences, des temps de prières, une balade éco-spirituelle ou encore un apéro solidarité après la messe.
Mais le plus important pour le CCFD-Terre Solidaire à Carême est la venue en France d’hommes et de femmes représentants d’organisations locales, dont nous soutenons les projets à travers le monde : nos partenaires.
Une quinzaine de partenaires viennent en France
Nos partenaires viennent du Mali, d’Indonésie, de Tunisie ou encore du Brésil et se rendront partout en France, pour témoigner des actions qu’ils mènent dans leurs pays.
Voici deux exemples:
- Gregorious Afioma de Sunspirit for Justice and Peace, une organisation indonésienne qui lutte contre les conséquences de certains projets touristiques ou miniers sur les populations locales et sur l’environnement. Gregrorious va notamment se rendre au Mans, alors que l’installation d’un entrepôt d’Amazon crée des tensions dans la région et il apportera son témoignage sur une situation similaire en Indonésie.
- Ibrahima Sarr du Réseau d’horticulteurs de la région de Kayes, dans le sud-ouest du Mali. Ibrahima va se rendre, entre autres, en Corrèze où il participera à des ateliers d’échange de savoir-faire avec des groupes de jeunes – rempotage, arrosage, maraichage, etc. – au cours desquels il leur parlera des pratiques agroécologiques au Mali.
Aller plus loin :
- Plus d’informations sur la campagne Carême 2022.
- Une méditation pour ce Mercredi des cendres.
- La webradio évènementielle du CCFD-Terre Solidaire lancée pour le Carême 2022.
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Directive sur le devoir de vigilance des entreprises : la proposition enfin dévoilée par la Commission doit impérativement être améliorée
Paris, le 23 février 2022 – Après de nombreux reports, la Commission européenne vient de publier sa proposition de directive imposant aux entreprises un devoir de vigilance en matière d’atteintes aux droits humains et à l’environnement. Si elle marque une première étape attendue de longue date par la société civile, cette proposition présente en l’état une série de lacunes qui menacent sérieusement sa portée. Il revient désormais au Parlement et au Conseil d’améliorer le texte.
Cinq ans après l’adoption de la loi pionnière sur le devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre, la proposition de la Commission était attendue de toute part depuis l’annonce, en avril 2020, d’une directive sur le sujet par le Commissaire européen à la justice, Didier Reynders. Le Parlement européen avait lui-même, en mars 2021, adopté à une forte majorité une résolution appelant la Commission à légiférer.
Comme la loi française, la proposition de la Commission prévoit de contraindre les entreprises à mettre en place des mesures de prévention des atteintes aux droits humains et à l’environnement commises par leurs filiales, leurs fournisseurs et leurs sous-traitants directs et indirects [1]. En cas de manquement, leur responsabilité pourrait être engagée, et elles pourraient être tenues d’indemniser les personnes affectées.
Si nous saluons la publication de ce texte, il comporte en l’état de nombreuses failles qui pourraient remettre en question l’effectivité du devoir de vigilance. Le lobbying intense des organisations patronales européennes semble avoir laissé sa marque. [2]
En particulier, la proposition repose largement sur l’adoption de codes de conduite par les entreprises, l’insertion de clauses dans les contrats avec leurs fournisseurs et le recours à des audits privés et à des initiatives sectorielles. Or c’est précisément l’inefficacité de ces mesures qui a mené nos organisations, il y a plus de dix ans, à plaider pour un devoir de vigilance contraignant. Ces dispositions sont autant de failles dans lesquelles les entreprises pourraient s’engouffrer pour échapper à toute responsabilité.
Les demandes de la société civile visant à garantir l’accès à la justice et à la réparation pour les personnes affectées n’ont été qu’en partie entendues. Même si les entreprises pourront être tenues responsables en cas de dommage, en l’état actuel du texte, la charge de la preuve repose encore sur les victimes, à qui il revient de démontrer que l’entreprise a manqué à ses obligations. De plus, la possibilité aujourd’hui prévue par loi française de saisir le juge, avant tout dommage, afin qu’il enjoigne à une entreprise de respecter ses obligations de prévention, n’est pas explicitement envisagée dans la proposition de la Commission.
La Commission propose en outre une approche très restrictive en matière environnementale, qui pourrait exclure du champ de la directive certaines atteintes à l’environnement aujourd’hui couvertes par la loi française [3]. Elle se limite à imposer aux entreprises d’établir un plan en matière climatique, et passe donc complètement à côté de l’urgence à réguler les trajectoires climaticides des grandes entreprises.
Enfin, contrairement aux ambitions initiales de la Commission européenne, cette proposition ne prévoit pas non plus de réforme en profondeur de la gouvernance des grandes entreprises.
Après de longs mois d’attente, il revient désormais au Parlement européen et aux Etats membres d’amender la proposition de la Commission et de négocier le texte. Nos organisations continueront de se mobiliser pour que les dispositions finales de la directive permettent de mettre fin à l’impunité des multinationales et facilitent l’accès à la justice pour les personnes affectées.
Notes
[1] La directive proposée s’appliquerait aux entreprises comptant plus de 500 salariés et un chiffre d’affaires annuel supérieur à 150 millions d’euros. Dans certains secteurs à risques (textile, agriculture, extractif), ce seuil serait abaissé. Son champ d’application serait donc bien plus large que celui de la loi française, qui ne concerne actuellement que les grandes entreprises de plus de 5000 salariés en France, ou 10 000 dans le monde.
[2] Voir le rapport “Tirées d’affaire ? Le lobbying des multinationales contre une législation européenne sur le devoir de vigilance”, juin 2021
[3] Les atteintes à l’environnement se limitent, d’une part, à des violations de certaines normes de droit international limitativement énumérées dans une annexe. D’autre part, la Commission retient une approche anthropocentrique du dommage environnemental conditionnée à ce que la dégradation de l’environnement ait des répercussions sur certains droits humains (droit à l’eau, à la santé etc.).
Contacts presse :
- ActionAid France – Maelys Orellana – maelys.orellana@actionaid.org – 06 34 26 54 17
- Amis de la Terre France – Léa Kulinowski – lea.kulinowski@amisdelaterre.org – 07.57.18.68.71
- Amnesty international France – Véronique Tardivel – vtardivel@amnesty.fr – 06 76 94 37 05
- CCFD-Terre Solidaire – Sophie Rebours – s.rebours@ccfd-terresolidaire.org – 07 61 37 38 65
- Collectif Ethique sur l’étiquette – Nayla Ajaltouni – n.ajaltouni@ethique-sur-etiquette.org – 06 62 53 34 56
- Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll – justine.ripoll@notreaffaireatous.org – 06 42 21 37 36
- Oxfam France – Stanislas Hannoun – shannoun@oxfamfrance.org – 07 69 17 49 63
- Sherpa – Lucie Chatelain – lucie.chatelain@asso-sherpa.org – 07 80 90 37 97
Note aux rédactions :
- Recommandations de nos organisations ayant porté la loi française sur le devoir de vigilance
Les associations et syndicats membres du Forum citoyen pour la RSE ayant défendu l’adoption de la loi française sur le devoir de vigilance ont publié en décembre 2020 une série de recommandations pour que le législateur européen puisse s’inspirer des forces et corriger les faiblesses du dispositif français.
- Rappel du processus européen en cours sur le devoir de vigilance
Mars 2017 : La loi sur le devoir de vigilance est promulguée en France
Avril 2020 : Didier Reynders, commissaire européen à la justice, annonce une législation européenne sur le sujet
Mars 2021 : Le Parlement européen adopte à 504 voix une résolution qui indique à la Commission la voie à suivre
Juin 2021 : Après la désignation de Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, en tant que co-responsable du texte, la Commission européenne annonce un report de la publication de la proposition de directive à l’automne 2021
Septembre 2021 : La Commission européenne repousse la publication à décembre 2021
Décembre 2021 : Après un nouvel avis négatif du Comité d’examen de la réglementation, la Commission reporte à nouveau la publication en février 2022- Affaires en cours en France
Les plans de vigilance publiés par les entreprises et les différents contentieux engagés sur le fondement de la loi française sur le devoir de vigilance sont compilés sur le site www.plan-vigilance.org.
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Sommet UE-Afrique : stop à une gestion sécuritaire des migrations
Aujourd’hui s’ouvre à Bruxelles le sixième Sommet entre l’Union africaine et l’Union européenne. Sophie Duval, chargée de plaidoyer sur les migrations internationales au CCFD-Terre Solidaire, nous décrypte les enjeux migratoires qui seront discutés lors de cet événement.
©Roberta VALERIO/CCFD-Terre Solidaire Un sommet rapprochant Union européenne et Union africaine
La première édition du Sommet UE-Afrique a eu lieu au Caire en 2000. Il rassemble les chefs d’État et de Gouvernement de l’Union européenne et de l’Union africaine, qui compte aujourd’hui 55 États africains. Cette conférence organise le dialogue et les relations de coopération entre ces deux organisations et aborde des sujets aussi divers que la paix et la sécurité, la dette, la démocratie ou les migrations.
Les migrations : un sujet central
Dès le premier Sommet Afrique-Europe, les migrations ont été une thématique importante. En 2008 Nicolas Sarkozy organise, sous présidence française du Conseil de l’Union européenne, un sommet uniquement centrée sur les migrations et le développement.
Aujourd’hui, quatorze ans plus tard Emmanuel Macron propose un agenda très similaire à celui de Sarkozy. Il prône notamment une immigration dite choisie, c’est à dire de travailleurs qualifiés. Il force également les États africains à accepter leurs ressortissants expulsés et le déploiement de gardes-frontières européens via Frontex, tout en utilisant l’aide au développement comme un levier de négociation.
Un entêtement sécuritaire vain et dramatique
Avec le collectif Des Ponts pas des murs nous dénonçons dans une tribune un « entêtement sécuritaire vain et dramatique » de la coopération euro-africaine en matière de migrations. En effet, le but de l’Union européenne dans ces négociations est clair : il s’agit d’empêcher les arrivées de personnes africaines en Europe. Nos partenaires en sont les premiers témoins : au Niger par exemple, ils nous disent que ce pays est devenu en quelques années un véritable « garde-frontière » de l’Union européenne. Le pays a modifié ses lois pour criminaliser les personnes migrantes et celles leur venant en aide, et imposer des contrôles aux frontières qui n’existaient pas auparavant.
Le but de l’Union européenne dans ces négociations est clair : il s’agit d’empêcher les arrivées de personnes africaines en Europe.
Sophie Duval, chargée de plaidoyer sur les migrations internationalesCette politique a de graves conséquences : détentions arbitraires, tortures, refoulements, et donc une augmentation des disparitions et décès de personnes migrantes.
De plus, l’Union africaine souhaite mettre en œuvre la libre-circulation des personnes au sein de son espace mais cela est totalement remis en cause par les politiques imposées par l’Europe.Nous en appelons donc à refonder la coopération entre l’Afrique et l’Europe sur la base de la défense des droits humains et de la dignité des personnes migrantes. La France, actuellement présidente du Conseil de l’Union européenne, a une responsabilité majeure dans ce rééquilibrage.
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Sommet Afrique-Europe : osons une approche solidaire des migrations
Tribune co-signée par le CCFD-Terre Solidaire parue dans Médiapart et Politis le 16 février 2022.
Quatorze ans après sa précédente présidence du Conseil de l’Union européenne, la France fait de nouveau du contrôle des migrations l’une des priorités de la coopération euro-africaine. À l’occasion du sommet Union européenne-Union africaine, institutions actuellement présidées par le Président sénégalais Macky Sall et par le Président français Emmanuel Macron, nous, associations de solidarité internationale, réitérons notre opposition à cette orientation, ancrée de longue date dans l’agenda politique et produisant des résultats toujours plus délétères.
Présidence française et migrations, un sentiment de déjà-vu
En 2008, la France assumait une présidence du Conseil de l’Union européenne avec un agenda migratoire précis: faire adopter un nouveau pacte européen sur l’immigration et l’asile et organiser la deuxième conférence interministérielle euro-africaine en matière de migration et développement.
Avec les négociations sur le Pacte européen sur la migration et l’asile et l’organisation du Sommet Union européenne et Union africaine, Emmanuel Macron prévoit un programme sensiblement similaire pour cette nouvelle présidence : renforcer la coopération avec les pays africains pour favoriser une immigration choisie, prévenir les départs vers l’Europe, augmenter les expulsions et lutter contre les trafics.
Un entêtement sécuritaire vain et dramatique
Loin de les considérer comme un facteur inéluctable et structurant de nos sociétés globalisées qu’il convient d’accompagner, l’Union européenne s’enlise dans une gestion essentiellement sécuritaire des migrations. Elle s’entête, via le financement de la coopération des États africains, à vouloir les contrôler et les contraindre.
Les pays européens dévoient ainsi des instruments de coopération censés bénéficier aux populations, sur la base de leurs besoins. L’aide publique au développement ou la délivrance des visas deviennent des leviers de la politique migratoire européenne, et sont utilisés comme une forme de marchandage. L’Union européenne a ainsi, sur des fonds d’aide au développement, soutenu les retours dit « volontaires » de personnes directement depuis le continent africain. L’Organisation internationale des migrations (OIM) a ainsi bénéficié de 638 millions d’euros de l’UE dans le cadre du Fonds Fiduciaire d’Urgence de l’UE pour l’Afrique (FFU). En 2019, les retours organisés par l’OIM en Afrique représentaient un quart des retours mondiaux réalisés par l’organisation.
Via ces moyens de pression diplomatique, l’Union européenne et ses États membres consolident leur politique d’externalisation des frontières. Ils confient chaque jour davantage le contrôle des migrations vers l’Europe aux pays africains notamment, se défaussant ainsi de leurs responsabilités quant aux conséquences de cette sous-traitance.
Celles-ci sont pourtant sans appel : augmentation significative des décès ou disparitions sur les routes de l’exil, généralisation des violations des droits fondamentaux des personnes migrantes le long du parcours migratoire, systématisation des centres de détention, criminalisation des personnes exilées et des solidaires leur venant en aide.
Pour une approche centrée sur les droits fondamentaux et la dignité des personnes migrantes
De rencontre en rencontre, depuis le premier Sommet Afrique–UE au Caire en avril 2000, une poignée de dirigeant·e·s continue de perpétuer ces partenariats en trompe l’œil à travers des politiques, des programmes et des projets sans consultation préalable des populations, qui contribuent à creuser les inégalités et à mettre en danger des populations migrantes.
Ce délitement des droits fondamentaux n’est pourtant pas inéluctable. Malgré l’approfondissement des discours politiques de fermeture et de sécurité, des organisations de la société civile, associations de migrant·e·s, syndicats, personnes migrantes et réfugiées, militant·e·s et citoyen·ne·s d’Afrique et d’Europe ne cessent de se mobiliser en faveur des droits des personnes migrantes.
Des mobilisations à Calais pour dénoncer les morts dans la Manche, aux maraudes à la Vallée de la Roya ou à Briançon, en passant par les caravanes des migrant·e·s et des familles des disparu·e·s en France, en Italie ou encore les mobilisations euro-africaines, « commémor’actions » du 6 février en mémoire des personnes décédées et disparues, les grèves des sans-papiers dans plusieurs pays du continent, les multiples manifestations dans les rues des principales villes européennes ces dernières années ou encore les États Généraux des Migrations, initiative regroupant 500 organisations françaises sur tout le territoire, toutes ces mobilisations s’élèvent contre ces pactes et traités inter-étatiques qui déshumanisent et excluent systématiquement les personnes migrantes.
Ces initiatives citoyennes en Europe et en Afrique disent haut et fort qu’une refonte de la coopération avec les pays africains doit se faire sur la base des droits fondamentaux des personnes migrantes, tout au long de leur parcours, qu’il est temps d’aborder les migrations avant tout sous l’angle de la protection des droits des personnes et, in fine, de rééquilibrer les partenariats avec l’Union européenne.
C’est cette voie que nous prônons. En 2008, nos organisations lançaient le Sommet citoyen sur les migrations en marge de la présidence française du Conseil de l’Union européenne et créaient le réseau Des Ponts pas des Murs, réunissant plus de 300 associations et syndicats.
Depuis, Des Ponts pas des Murs n’a eu de cesse de dénoncer l’instauration d’une Europe forteresse et de défendre une approche des migrations, centrée sur la dignité humaine, la sécurité des personnes et l’universalité des droits.
Non aux fausses solutions : place à la Solidarité Internationale
Alors que se tient un nouveau Sommet Union africaine-Union européenne à Bruxelles, nous nous mobilisons collectivement contre la fermeture continue des frontières européennes, l’externalisation des politiques migratoires, les restrictions à la liberté de circulation qui entraînent des violations systématiques des droits fondamentaux des personnes tout au long de leur parcours migratoire, la pénalisation des migrations et la criminalisation croissante des citoyens solidaires.
Nous demandons également de réelles et ambitieuses politiques multilatérales de coopération, fondées sur le respect de la dignité de toutes et tous et sur le dialogue régulier avec les organisations des sociétés civiles, aussi bien européennes qu’africaines.
Nous revendiquons une Europe engagée dans la promotion des droits fondamentaux de toutes et tous, insufflée par l’espoir d’autres politiques migratoires et de développement, réellement solidaires.
Signataires :
- Des Ponts Pas Des Murs – DPPDM
- Bizi !
- CCFD – Terre Solidaire
- Cimade
- CRID
- Emmaüs Europe
- Emmaüs International
- Groupe d’information et de soutien des immigrés – Gisti
- Immigration, Développement, Démocratie – IDD
- Initiative Pour Un Autre Monde – IPAM
- Ligue des Droits Humains – LdH
- Ritimo
- Survie
En savoir plus sur notre combat pour des politiques migratoires respectueuses des droits des personnes migrantes et la liberté de circulation.
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Nathan : s’engager pour apprendre
Nathan, lycéen et bénévole de l’équipe locale du CCFD-Terre Solidaire de Tours, vit son engagement comme le moyen de mieux comprendre les problématiques de notre monde. Avide de connaissances et entreprenant, il nous parle des actions de plaidoyer qu’il mène pour défendre la justice climatique.
© Léna Bousquet La découverte du plaidoyer
Du haut de ses 17 ans, Nathan, lycéen originaire de Tours, a déjà la tête bien sur les épaules et l’esprit forgé d’ambitions.
Nathan a toujours eu un vif intérêt pour la politique. Convaincu de vouloir poursuivre dans cette voie, il décide de devenir bénévole auprès d’une association qui se bat pour des causes qui l’importent –soit la lutte contre la fraude fiscale, le dérèglement climatique et la faim dans le monde.
“Je vois qu’il y a quelques problèmes dans nos sociétés et j’aimerais bien les résoudre” dit-il en riant timidement.
C’est ainsi qu’il découvre le plaidoyer en rejoignant, en septembre dernier, la commission pour la Justice Climatique de notre réseau local. Une modalité d’action qui l’a immédiatement séduit.
“Je me suis rendu compte, qu’en terme d’actions, cela correspondait à ce que je voulais faire depuis longtemps”.
De nature curieux, dynamique et surtout humble, Nathan a trouvé avec le CCFD-Terre Solidaire ce qu’il cherchait : le moyen de mieux comprendre le monde qui nous entoure, pour mieux répondre aux maux qui traversent nos sociétés.
“Je suis très jeune. Je pars du principe que je ne connais rien et que j’ai tout à apprendre. Et au CCFD-Terre Solidaire, j’apprends énormément de choses et ça c’est quelque chose auquel j’accorde beaucoup d’importance. Apprendre.”
NathanEntre deux cours : défendre la justice climatique
Lorsqu’il n’a pas la tête plongée dans ses cours de terminal, Nathan s’investit avec beaucoup d’entrain aux côtés des autres bénévoles à la conduite d’actions pour sensibiliser les décideurs et le grand public à nos combats.
À l’occasion de la COP26, qui s’est déroulée en novembre dernier, Nathan s’est mobilisé pour porter les couleurs de notre campagne contre la compensation carbone. Il a par exemple participé à l’organisation de trois soirées-débats.
Mais comme les autres bénévoles, il s’aperçoit que ces événements touchent un public déjà proche de l’association. En réaction à cela, Nathan décide d’ouvrir une page Instagram, qu’il alimente toutes les semaines, pour créer une dynamique nouvelle en vue de sensibiliser plus de monde à leurs actions.
compte : CCFD_37 Avec d’autres bénévoles et un chargé de plaidoyer, Nathan participe actuellement à la préparation d’une rencontre, prévue prochainement, avec un député sensible aux problématiques de la faim dans le monde.
“L’enjeu de cette rencontre ? Le sensibiliser à notre cause pour lutter contre la faim climatique, lui exposer comment on agit, ce que l’on veut faire et ce que l’on a déjà fait”.
Vers la poursuite de son engagement ?
Nathan est l’un des plus jeune bénévole du CCFD-Terre Solidaire et il se réjouit de la diversité générationnelle qu’il côtoie. Celle-ci lui permet de travailler en équipe, d’échanger et d’apprendre auprès d’autres personnes aux profils variés.
“Pour moi le CCFD-Terre Solidaire, c’est avant tout la sympathie”, conclut-il.
Si l’année prochaine Nathan ne sait pas encore où ses projets d’études le mèneront, il compte bien poursuivre son engagement à nos côtés en rejoignant une autre commission locale.
Moi aussi, je m’engage
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