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Crise alimentaire au Guatemala #JeudiPhoto
Le Guatemala vit une crise alimentaire sans précédent. Celle-ci met en évidence un modèle de développement profondément inégalitaire. Portons notre regard sur les communautés paysannes et indigènes, particulièrement exposées à la faim et la pauvreté.
8 Octobre 2020, La Palmilla, Guatemala. ©Josue Decavele / Reuters Concepcion Ramirez allaite son fils Daniel, âgé de 18 mois, dans sa demeure à la Palmilla, à l’est du Guatemala. Le regard éprouvé, elle tient du bout des doigts le carnet du Ministère de la Santé publique pour l’enregistrement des actions de prévention pour les enfants. Son fils a été diagnostiqué atteint de malnutrition sévère.
Daniel est loin d’être un cas isolé. Au Guatemala, près d’un enfant sur deux, âgé de moins de 5 ans, souffre de malnutrition chronique et se retrouve davantage exposé à des risques de maladies et de retard de croissance. C’est l’un des taux les plus importants en Amérique Latine.
“L’insécurité alimentaire a énormément crû durant la pandémie de la COVID-19 et cela a continué depuis. Mais cette crise a surtout révélé les failles structurelles du modèle de développement du Guatemala où l’agriculture familiale est méprisée”, nous explique Jules Girardet, chargé de mission Amérique Latine.
La population du Guatemala est confrontée à la fois à une grande pauvreté, aux impacts du dérèglement climatique et à un climat de violence et de corruption politique. En 2021, près de 50% de la population souffrait d’insécurité alimentaire sévère ou modérée.
Le seuil de pauvreté du pays atteint 60% et touche principalement les communautés paysannes et indigènes, abandonnées des politiques publiques. Elles subissent de plein fouet l’expansion d’un modèle agro-industriel encouragé par le gouvernement. Celui-ci, basé sur les monocultures d’exportation, renforce l’accaparement de leurs terres nourricières et les violences à leur encontre. Il participe également à la dégradation de l’environnement et à la diminution des ressources en eau, affectant les rendements de l’agriculture familiale.
“Le Guatemala vit une grave crise démocratique, comme le témoigne la récente résolution du Parlement européen. Nos partenaires sur place parlent d’une “dictature légale“, d’un “pacte des corrompus“ qui ne bénéficie qu’à l’oligarchie et dont la société guatémaltèque est la grande perdante”, rapporte Jules Girardet.
Dans les départements du Nord-ouest, où se concentrent 40% des conflits agro-environnementaux, nous soutenons l’action de nos partenaires locaux qui luttent contre l’appauvrissement des communautés paysannes et indigènes. Mobilisés à leurs côtés, ils défendent leurs droits à la terre et promeuvent un modèle agricole familial basé sur le respect de l’environnement et des droits humains.
Sources : FAO, 2021 (Guatemala – 2021-2022 Humanitarian Response Plan – FAOSTAT)
Pour aller plus loin :
Covid-19 : la faim augmente au Guatemala
Regards croisés : des partenaires de Méso-Amérique en région Rhône-Alpes
Lire aussi :
Guatemala : le théâtre pour surmonter les violences sexuelles
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EDF Mexique : un défenseur des droits humains menacé de mort
Au Mexique, le mégaprojet éolien d’EDF continue de mettre en danger la communauté autochtone d’Union Hidalgo. Récemment, le défenseur des droits humains, Edgard Martin Regalado, a été menacé de mort. Son agression met en lumière l’insuffisance des réponses apportées par l’entreprise française pour répondre à l’escalade de violence.
Communauté d’Union Hidalgo © ProDESC Menacé pour défendre son territoire et ses droits
Jeudi 10 février 2022, Oaxaca, Mexique. Il est environ 22h. Edgar Martin Regalado, défenseur des droits humains de la communauté Zapotèque d’Union Hidalgo, rentre chez lui. Soudain, il est pris en embûche et menacé par des hommes armés qui tirent des coups de feu en l’air. Marqué par une attaque d’une violence inouïe, Edgar parvient à rentrer chez lui, sain et sauf.
Son agression est survenue alors qu’il revenait d’une conférence de presse portant sur l’affaire judiciaire en cours qui oppose les représentants de la communauté d’Union Hidalgo à EDF. Les plaignants1 accusent le géant de l’énergie française de poursuivre son mégaprojet éolien, Gunaa Sicaru, sur les terres de la communauté sans avoir respecté leur droit au consentement libre, préalable et éclairé.
Au cours de cette conférence de presse, les plaignants ont communiqué leur intention de faire appel de la décision du Tribunal de Paris, rendue le 1er décembre 2021. Celle-ci reconnaît la responsabilité d’EDF dans le cadre de ses activités à l’étranger, conformément à la loi sur le devoir de vigilance. Mais elle rejette la demande de suspension du projet en raison d’un point de procédure controversée.
Mégaprojet Gunaa Sicaru : le « vent » de la menace
L’agression d’Edgar Martin Regalado n’est pas un cas isolé. L’ingérence présumée d’EDF dans le processus de consultation aurait entraîné une polarisation importante et une escalade de la violence à l’encontre des défenseurs et défenseuses du territoire d’Union Hidalgo et des journalistes.
Le Business and Human Right Research Center a invité EDF à réagir. L’entreprise a fait part de ses préoccupations face à la récente attaque. Mais les réponses apportées par l’entreprise pour endiguer les risques de violences liées à son projet et garantir l’intégrité physique des membres de la communauté, restent insuffisantes et lacunaires.
Des voix s’élèvent pour exiger plus de vigilance
Une dizaine d’organisations de défense des droits de l’Homme ont appelé le gouvernement et les autorités mexicaines à réagir sans plus attendre. Elles demandent l’ouverture d’une enquête pour arrêter les auteurs de l’agression et assurer la protection des membres de la communauté d’Union Hidalgo.
De nombreux acteurs internationaux ont exprimé leurs préoccupations face aux dangers auxquels sont exposés les défenseurs et défenseuses des droits humains. Ils exhortent les gouvernements et EDF, dont l’État français est actionnaire majoritaire, à se conformer à leur obligation de vigilance.
Le CCFD-Terre Solidaire soutient le combat judiciaire de la communauté d’Union Hidalgo. Il poursuit également son combat en faveur de l’application de la loi française sur le devoir de vigilance des entreprises. Une loi pionnière, fruit d’un long travail de plaidoyer mené par l’association et ses alliés.
Ophélie Chauvin.
[1] Le 13 octobre 2020, les représentants de la communauté d’Union Hidalgo, l’Organisation Mexicaine de défense des droits humains (ProDESC) et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains (ECCHR), avec le soutien du CCFD-Terre Solidaire, assignent EDF en justice en vertu de la loi française sur le devoir de vigilance.
Pour aller plus loin :
Retrouvez notre dossier : face à EDF, une communauté zapotèque se bat pour faire reconnaître ses droits
Devoir de vigilance : la loi française inspire l’Europe et le monde
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Journée de la Terre : les Wampis protègent leur Amazonie nourricière #JeudiPhoto
À l’occasion de la journée internationale de la Terre nourricière, portons notre regard sur la détermination du peuple Wampis à protéger leur forêt amazonienne. Au Nord du Pérou, ce peuple indigène s’est constitué en Nation pour se défendre face aux convoitises des industries extractives.
Un pêcheur Wampis le long du Santiago, Amazonie. © Jacob Balzani Lööv Nous sommes au Nord de l’Amazonie péruvienne, à 1 500 kilomètres de la capitale de Lima. Le soleil se couche sur la rivière Santiago et offre ses derniers rayons de lumière. Ce pêcheur en profite pour ramener du poisson avant que l’obscurité humide ne gagne l’épaisse forêt. En équilibre sur sa barque, il lance son filet d’une poigne maîtrisée. Une incroyable sensation de quiétude et de sérénité nous emporte.
Ce pêcheur est issu du peuple indigène Wampis. Comme lui, ils sont environ 15 000 indiens et indiennes à vivre au cœur d’une forêt primaire, impénétrable et nourricière. Leur territoire s’étend sur près d’1,3 million d’hectares, bordés par les rives idylliques du Santiago et du Morona. Depuis six millénaires, ce peuple vit en harmonie avec l’Amazonie et s’emploie à préserver leur berceau de nature. Les Wampis se nourrissent grâce à la pêche, la chasse et l’agriculture familiale et se soignent grâce aux vertus des plantes médicinales. Leurs traditions ancestrales et leur culture révèlent leur lien profond et spirituel à la nature.
Mais depuis quelques années, leurs terres “sacrées” sont menacées par le dérèglement climatique et la convoitise des politiciens et des industriels, obnubilés par les richesses en or ou en pétrole. Les activités extractives, bien souvent illégales, favorisent la déforestation et polluent leurs rivières.
Pas question pour les Wampis de laisser la quête du profit des multinationales détruire leurs moyens de subsistance et leurs traditions millénaires. Fruit d’un long processus, le peuple Wampis se constitue en un Gouvernement Territorial Autonome de la Nation Wampis (GTANW) pour défendre leurs droits et protéger leurs terres. Le 28 novembre 2015, Wrayz Pérez Ramirez, devient le premier Président Wampis. Au Pérou, nos partenaires locaux, dont Forum Solidaridad Péru et CooperAcción, se mobilisent pour les soutenir et leur apporter une aide juridique.
En 2021, la compagnie pétrolière nationale, Petroperu, a annoncé poursuivre ses activités extractives sur une parcelle de leur territoire. En cette journée de la Terre nourricière, nos pensées s’adressent à ce peuple qui poursuit sa lutte pour protéger “le poumon de la planète” : source de vie de tout un peuple, mais aussi de toute l’humanité. Soutenons-les.
Aidez les Wampis à sauver l’Amazonie ! Je signe la pétition
Pour aller plus loin :
Et vous, quelle est votre relation avec la forêt ? Je fait le quizz
Lire aussi :
Pour sauver l’Amazonie, le peuple Wampis se constitue en nation (vidéo)
Invasion au coeur des territoires indigènes Wampis (notes de voyages)
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Pétition : au Pérou aidez les Wampis à sauver l’Amazonie
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Au Chili, l’Assemblée constituante, une révolution démocratique !
Historien et directeur de l’ONG Éducation et Communication (ECO), partenaire du CCFD-Terre Solidaire, Mario Garcés estime que l’Assemblée constituante révèle le visage actuel d’une société chilienne en quête de démocratie.
Les 15 et 16 mai 2021 resteront des dates historiques pour le Chili. Ces jours-là, quelque 15 millions d’électeurs ont désigné, parmi 1 300 candidats, les 155 membres de l’Assemblée constituante, chargés de rédiger une nouvelle Constitution. L’Assemblée est composée pour sa majorité d’élus indépendants, qui n’ont pour la plupart jamais milité au sein de partis politiques.
Fruit d’un mouvement social initié en octobre 2019, cette élection permettra d’en finir avec la Constitution actuelle, écrite durant la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). Le nouveau texte doit répondre à des thèmes centraux de la société chilienne comme la santé, l’éducation, les retraites ou encore l’environnement.
Ses différents articles devront être acceptés à la majorité des deux tiers des élus avant d’être soumis au vote obligatoire de la population en septembre prochain. Toutefois alors que le président de gauche Gabriel Boric a pris ses fonctions en mars 2022, notre partenaire estime « que si le contenu de l’Assemblée constituante prend forme, les résistances seront nombreuses de la part des pouvoirs économiques et de certains médias »1.
« L’élection de l’Assemblée constituante a révélé le visage actuel de la société chilienne. Cette consultation populaire a contribué au renforcement des mouvements sociaux féministes, environnementalistes et indigènes. »
Échos du monde : D’où vient l’Assemblée constituante ?
Mario Garcés : L’Assemblée constituante a surgi après une série de protestations sociales, à partir du 18 octobre 2019, baptisées Estallido Social (explosion sociale). Mais la société chilienne souhaitait depuis longtemps le remplacement de l’actuelle Constitution, approuvée en pleine dictature d’Augusto Pinochet et qui consacrait le modèle néolibéral du pays.
Ces protestations ont considérablement ébranlé Sebastián Piñera, l’ancien président de la République, et les parlementaires. Elles ont surtout signifié le rejet de la classe politique dans son ensemble.
La grève générale du 13 au 15 novembre 2019 a-t-elle accéléré le processus de création d’une Assemblée constituante ?
Oui, car après cette grève, un accord pour la paix et pour une nouvelle Constitution a été signé. La classe politique a cherché à avoir le contrôle sur la future Assemblée constituante, notamment à travers le mode d’élection des prochains membres. Elle a aussi tenté d’empêcher la dénonciation les accords internationaux, en particulier les accords de commerce. Sans succès.
Sous la pression populaire, la classe politique a dû accepter deux points fondamentaux : l’existence d’une parité parfaite entre les élus de la future assemblée et la nécessité de réserver des sièges aux peuples natifs, parmi lesquels les Indiens Mapuches.
Le 25 octobre 2020, le résultat du plébiscite ouvrant la porte à la rédaction d’une nouvelle Constitution a été sans appel. 80 % des votants ont rejeté l’actuelle Constitution. Ce fut une véritable révolution démocratique !
Comment la classe politique a-t-elle réagi face à ces résultats ?
Cela a été un choc pour la classe politique, mais aussi pour les médias proches des milieux d’affaires. Et ce, d’autant plus que les représentants des partis politiques n’ont obtenu que 20 % des sièges. Ce qui ne leur permettra même pas d’exercer un droit de veto durant la rédaction de la future Constitution.
En fait, la grande gagnante de ce référendum a été la « Liste du Peuple », regroupant des femmes et des hommes venus des principaux mouvements sociaux. En premier lieu figurent les mouvements féministes, ce qui a constitué en soi une révolution des mentalités au sein de la société chilienne machiste. Les militants pour l’environnement, souvent assez jeunes, représentent le deuxième groupe le plus important. Sans oublier bien sûr les mouvements défendant les droits des peuples natifs, en particulier les Indiens Mapuches. Quelques représentants du monde étudiant et des travailleurs ont également été élus.
Durant les protestations sociales d’autres mouvements sociaux se sont-ils affirmés ?
On a assisté au développement des Assemblées territoriales, dont sept regroupent différents quartiers populaires de Santiago, la capitale. On note aussi la présence d’une importante classe moyenne populaire, jeune et très éduquée qui partage plusieurs revendications avec les couches plus modestes de la population comme l’accès à l’éducation, la santé, le logement digne, les retraites…
La communication existe entre ces divers mouvements, même s’il reste à construire des mécanismes de fonctionnement et d’échanges.
Que vous inspire la diversité de cette Assemblée constituante ?
En Amérique latine, il y a toujours eu une vision assez uniforme des mouvements sociaux. On a ainsi longtemps pensé que, comme entre les années 1960 et 1980, les principaux mouvements sociaux chiliens étaient ceux des travailleurs et ouvriers et des paysans dans lesquels étaient d’ailleurs inclus les peuples natifs.
Or, cette élection de l’Assemblée constituante a révélé le visage actuel de la société chilienne. Et cela a pu être fait grâce à cet effort démocratique unique dans l’histoire du pays. Cette consultation populaire a même contribué au renforcement de ces mouvements sociaux féministes, environnementalistes et indigènes.
Et symboliquement, l’élection d’Elisa Loncón, une femme mapuche, à la présidence de l’Assemblée constituante, est un signal fort !
Si la gauche revient aux affaires en Amérique latine, quel contenu politique va-t-elle proposer ? Dans cette optique, le dialogue avec les mouvements sociaux sera le défi majeur.
En quoi l’élection de Gabriel Boric à la tête du pays est-elle importante pour l’application de la future Constitution, et quelles sont les difficultés qu’il pourrait rencontrer ?
La victoire de Gabriel Goric est emblématique parce qu’elle confirme l’élan démocratique du pays et le prolongement des luttes des mouvements sociaux pour l’Assemblée constituante. Elle est aussi significative parce qu’elle a été acquise face à l’ultradroite, dont le candidat se posait comme le garant des valeurs de l’an cienne constitution (voir EDM 319).
Le nouveau président, démocratique et progressiste, va appuyer ce chemin vers une nouvelle Constitution. Son rôle sera important, car si le contenu de l’Assemblée constituante prend forme, les résistances seront nombreuses, en particulier de la part des pouvoirs économiques et des médias.
Toute réforme va sûrement donner lieu à des négociations difficiles et complexes. C’est donc à la fois un défi et une préoccupation.
La victoire de Boric préfigure-t-elle un retour au pouvoir de la gauche et des progressistes en Amérique latine ?
C’est difficile de l’affirmer catégoriquement, mais il semble effectivement exister une tendance pour le retour de la gauche au pouvoir sur le continent. La question n’est pas tant de savoir si la gauche va revenir aux affaires, mais de savoir quel contenu politique elle va proposer. Et dans cette optique, le dialogue avec les mouvements sociaux sera le défi majeur.
Propos recueillis par Jean-Claude Gerez
1- Comme le montre les récentes manifestations contre le projet de nouvelle Constitution
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Au Pérou, protéger l’Amazonie
L’Amazonie couvre la plus grande partie du territoire péruvien. Elle est l’objet de convoitises pour ses nombreuses ressources naturelles. Martin Willaume, chargé de mission Amérique latine au CCFD-Terre Solidaire, nous détaille les menaces qui pèsent sur l’Amazonie au Pérou.
©Martin WILLAUME/CCFD-Terre Solidaire Un immense territoire menacé
L’Amazonie, moins connue que les montagnes des Andes, représente plus de 60% du territoire péruvien. Ce territoire immense, plus grand que la France, attise depuis longtemps la convoitise des entreprises pour l’exploitation de ses ressources naturelles : bois, pétrole, or, eau… La situation est critique pour l’ensemble de l’Amazonie et on approche du point de bascule.
La forêt amazonienne n’aura bientôt plus les capacités de se renouveler et pourrait devenir une savane sous la pression des dérèglements climatiques et de la déforestation.
Martin Willaume, chargé de mission Amérique latineL’agro-industrie contribue largement à cette dégradation de l’environnement. L’huile de palme s’est par exemple répandue de façon exponentielle ces dernières années car c’est un élément essentiel pour l’industrie agroalimentaire. Cette monoculture intensive a des conséquences très graves : elle appauvrit les sols, assèche les sources d’eau, pollue les fleuves et tue les poissons avec le rejet de pesticides.
La Pastorale de la Terre de Yurimaguas protège l’Amazonie
Pour faire face aux menaces qui pèsent sur l’Amazonie péruvienne, notre partenaire la Pastorale de la Terre de Yurimaguas agit sur 3 volets :
- Accompagner les communautés indigènes pour qu’elles connaissent leurs droits et puissent se défendre. Le Pérou bénéficie de plusieurs lois et a signé des conventions internationales qui l’engagent à défendre les peuples indigènes, mais ces textes sont peu appliqués.
- Constater les impacts des plantations de palmiers à huile et documenter, avec des photos, les cas de pollution et de dégradation des cours d’eau. C’est un travail très minutieux qui permet de faire pression sur les entreprises et surtout sur les autorités locales et l’État.
- Promouvoir une vision durable de l’Amazonie et apporter des propositions concrètes : agroforesterie, agroécologie, écotourisme… Au-delà d’un soutien ponctuel à plusieurs projets, notre partenaire accompagne les communautés pour faire du plaidoyer, afin de modifier les politiques locales et d’obtenir des changements de plus grande ampleur.
Aller plus loin :
Quiz : Quelle est votre relation avec la forêt?
Journée Internationale des Forêts : les indiens Huni Kuin défendent l’Amazonie -
Journée Internationale des Forêts : les indiens Huni Kuin défendent l’Amazonie #JeudiPhoto
À l’occasion de la Journée Internationale des forêts, portons notre regard sur la déforestation de l’Amazonie qui s’accélère. Au Brésil, les peuples indigènes Huni Kuin se mobilisent pour protéger leurs traditions et leur source de vie.
Indien Huni Kuin. Village Formiga, Amazonie brésilienne. © Jean-Claude Gérez Nous sommes dans l’État de l’Acre, à l’extrême nord-ouest de l’Amazonie brésilienne. Au cœur de la dense et verdoyante forêt tropicale, les peuples Huni Kuin vivent en harmonie avec la nature. L’Amazonie est leur source de nourriture, leur pharmacie et l’habitat de leurs traditions millénaires.
Juba est l’un d’entre eux. Il vit dans le village de Formiga bordé par la rivière Envira. Orné de sa coiffe traditionnelle en plumes colorés, il pose devant la caméra de Jean-Claude Gérez. Son air grave traduit ses inquiétudes face aux menaces pour la survie de son peuple. Aux abords de son village, les “fazendeiros” (grands propriétaires terriens) s’accaparent leurs terres et déboisent sans scrupules la forêt pour y élever du bétail. À cause de la déforestation, le gibier est de plus en plus difficile à chasser ; les plantes médicinales de plus en plus difficiles à cueillir.
Mais la résistance s’installe. Tous les soirs, anciens et jeunes du village se réunissent pour chanter les légendes de leur peuple et l’ode à la nature. Les peuples Huni Kuin de l’État de l’Acre peuvent compter sur la CIMI, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, qui se mobilise pour régulariser les terres indigènes et protéger les traditions de ce peuple millénaire.
La déforestation de l’Amazonie brésilienne s’est terriblement accrue avec la présidence de Jair Bolsonaro. Derrière ses fausses promesses, la politique qu’il mène favorise l’expansion de l’agro-industrie et des activités extractives au détriment de la protection des écosystèmes et des peuples qui y habitent. En à peine un an, le “poumon vert” de la planète a perdu près de 13 000km2 de sa surface boisées. Soit, l’équivalent du Liban.
À l’occasion de la Journée Internationale des Forêts, nos pensées s’adressent à toutes les personnes qui se mobilisent, malgré les violences auxquels elles s’exposent, pour protéger nos écosystèmes forestiers : source de vie.
Pour aller plus loin :
Brésil : les indiens Huni Kuin face à leur destin
Évasion au coeur des territoires indigènes wampis
Et pour vous, que symbolise la forêt ? Faites le quizz
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Le marrainage pour accompagner les femmes en Haïti
Haïti a connu de multiples crises ces dernières années, qui ont rendu les femmes et les filles plus vulnérables que jamais. Kathia Cardenas, chargée de mission Amérique latine et Caraïbes, nous présente NÈGÈS MAWON, cette organisation propose une méthode d’accompagnement des femmes survivantes de violences : le marrainage.
©Floriane LOUVET/CCFD-Terre SolidaireUn pays en proie à une succession de crises
Haïti a connu de multiples crises ces dernières années, aussi bien politiques, qu’économiques, climatiques et humanitaires. L’année dernière, des affrontements entre gangs d’un niveau inédit ont eu lieu et le Président Jovenel Moïse a été assassiné. Puis en août dernier, Haïti a subi un nouveau tremblement de terre, qui a eu des conséquences dramatiques dans le sud du pays.
Ces crises successives rendent les femmes et filles plus vulnérables que jamais : augmentation des violences sexuelles, de la pauvreté et un accès inégal à l’aide humanitaire. Elles sont aussi victimes de violences dans des quartiers sous contrôle des gangs.
NÈGÈS MAWON lutte pour les droits des femmes et des filles en Haïti
Notre partenaire NÈGÈS MAWON mène un travail de promotion des droits des femmes et des filles. Une de ses actions est la prise en charge de survivantes de violences. Cela est très important car en Haïti seulement un quart des femmes ayant subi des violences physiques ou sexuelles recherchent de l’aide. De plus, pour de multiples raisons, de nombreuses femmes abandonnent leur prise en charge et les poursuites judiciaires.
Pour surmonter ces difficultés, NÈGÈS MAWON propose une méthode d’accompagnement pour permettre aux victimes d’aller jusqu’au bout du processus, le marrainage. Cela consiste à jumeler une femme victime de violence avec une autre femme « la marraine » elle-même survivante de violences.
Une méthode singulière
L’approche du marrainage permet de tisser un lien plus intime entre les deux femmes. Elles apprennent à se connaitre, partagent leurs histoires, leurs vécus, leurs expériences. Cela permet de transformer la femme de victime en actrice. Elles se renforcent, s’entraident et se reconstruisent ensemble.
NÈGÈS MAWON propose aussi des actions de sensibilisation. Par exemple dans le cadre de la Journée des droits des femmes, elle organise des conférences et des formations, tout au long du mois de mars, pour parvenir à une prise de conscience et un changement de mentalité de la société haïtienne.
Aller plus loin :
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Marée noire au Pérou pour la pêche artisanale #JeudiPhoto
Depuis plus de deux semaines, le Pérou fait face à une véritable tragédie environnementale. Sur des centaines de kilomètres carrés au nord du pays, une importante marée noire a enseveli tout un écosystème protégé. Portons notre regard sur le désarroi et la résilience des communautés qui vivent de la pêche artisanale, désormais privées de leurs moyens de subsistance.
Ancon, Peru, 21 janvier 20222. © Olivia Pilares/Reuters Dimanche 16 janvier 2022. Aux premières heures du matin, les habitants de Ventanilla, au nord du Pérou sont interpellés par une forte odeur de carburant, qui propulsée par les brises du vent s’imprègne jusque dans les foyers. En arrivant sur les côtes, les pêcheurs découvrent un panorama effroyable : des centaines de poissons et d’oiseaux ensevelis sous d’épaisses nappes de pétrole jonchent les rivages.
“La tâche noire”
La lumière du soleil ne parvient plus à traverser l’épais film noir qui recouvre l’eau, asphyxiant toute la flore marine. La zone côtière est devenue la “Mancha Negra”, (la “tâche noire”), comme l’appellent désormais les locaux.
La veille, près de 12 000 barils de pétrole se sont déversés dans la mer lors du déchargement d’un pétrolier vers la raffinerie de La Pampilla, du groupe espagnol REPSOL. L’entreprise rejette la cause de l’accident sur la forte houle causée par l’éruption volcanique aux îles Tonga.
Emportée par les courants, la marée noire s’est propagée sur près de 140 km au nord de la raffinerie, contaminant deux réserves protégées, 24 plages et 3 districts.
600 familles de pêcheurs touchées
À Ancon, à une vingtaine de kilomètres de Ventanilla, la photographe Pilar Oliviares a été témoin du désespoir des pêcheurs locaux. Embarqués le long des eaux noircies, quelques jours après la catastrophe, deux pêcheurs inspectent les poissons qu’ils ont pêchés : les risques qu’ils soient contaminés sont majeurs…
Ce n’est pas moins de 600 familles de pêcheurs artisans qui voient, la peur au ventre, leur activité et leur économie paralysées par la marée noire qui a laissé leurs îlots de pêche en “zone morte”.
La catastrophe impose l’épreuve du temps : l’assainissement et la régénération des zones maritimes prendront des années.
Agir pour que la responsabilité de l’entreprise soit engagée
La société civile, dont quatre de nos partenaires (CAAP, Forum Solidaridad Perú, CooperAcción et CEAS), se mobilise aux côtés des communautés affectées. Elle pointe la responsabilité de l’entreprise, qui a minimisé l’ampleur de la catastrophe, et demande au gouvernement d’approuver de toute urgence l’Accord Escazú.
Les dispositions prévues par ce traité environnemental latino-américain visent à garantir le droit d’accès à l’information et à la justice environnementale, et à renforcer la participation des citoyens aux processus décisionnels en matière d’environnement. Sa ratification permettrait la mise en place d’un cadre règlementaire nécessaire pour répondre de manière structurelle à ces crises environnementales.
« Nous espérons que les membres du Congrès, qui ont condamné la marée noire, seront cohérents avec leurs déclarations et voteront en faveur de l’approbation de l’Accord d’Escazu ».
CooperAcción, partenaire du CCFD-Terre Solidaire.Pour en savoir plus sur l’Accord Escazú : Journée de la terre 2021 : un espoir pour la défense de l’environnement en Amérique Latine.
À lire aussi : Pollution de Chevron en Équateur : obtenir justice face aux multinationales
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Au Chili, mobilisations citoyennes pour des changements sociaux
Le Chili, connu comme le « laboratoire du néolibéralisme » vit depuis deux ans de grands changements sur le plan social et politique. Floriane Louvet, chargée de mission Amérique Latine, décrypte la mobilisation citoyenne et les transformations porteuses d’espoir en cours dans le pays.
©ECO L’élection d’un nouveau président : une nouvelle ère ?
Pour comprendre ce qui se passe au Chili, il faut remonter dans le temps. Tout a commencé en octobre 2019, avec des mobilisations sociales qui ont secoué le pays pendant plusieurs semaines. Le peuple chilien est sorti dans la rue pour dénoncer les inégalités criantes et la privatisation à l’extrême de certains secteurs comme l’éducation ou la santé. Ces mobilisations ont été d’une telle ampleur qu’elles ont provoqué deux grands changements :
- La réécriture de la constitution héritée de la dictature, avec l’élection d’une assemblée constituante largement issue de la société civile.
- L’élection en décembre dernier de Gabriel Boric en tant que Président de la République. Cet homme de 35 ans est issu du mouvement étudiant et a été élu à la tête d’une large coalition de gauche.
ECO se mobilise pour raconter la mobilisation sociale
Pour notre partenaire chilien ECO, la période que traverse le pays est historique et il faut en tirer les leçons dès maintenant. Une de ces leçons est le rôle joué par les mouvements sociaux et les acteurs populaires. Pendant les mobilisations, un peu partout sur les territoires on a vu apparaître des cabildos, c’est-à-dire des assemblées territoriales citoyennes, qui se réunissaient sur les places ou dans la rue, pour rêver le Chili de demain.
ECO est allé interviewer ces acteurs populaires en les invitant à se poser des questions comme :
- Pourquoi on s’est mobilisé ?
- Qu’est-ce qu’on ne supporte plus ?
- Quels sont les minimums acceptables pour la construction d’une société différente ?
Avec ce matériel récolté, ECO entend alimenter les réflexions des mouvements sociaux et leurs revendications auprès du nouveau gouvernement.
Les défis du nouveau président chilien
En trois ans, le nombre de familles dites « sans-maisons » et qui vivent dans des campements est passé de 20 000 à 81 000 et le secteur des métiers informels atteint aujourd’hui 28 % de la population.
Pour le président Boric il y a donc un premier gros enjeu autour de la réduction de la pauvreté et des inégalités. Concrètement, cela veut dire répondre aux besoins criants en matière de travail, logement, éducation et santé.81 000
familles «sans-maisons»28%
de métiers informelsIl y a également un deuxième enjeu qui est politique : dans un pays ultra-polarisé et où la méfiance vis-à-vis de la classe politique est élevée, le nouveau président va devoir recréer des liens de confiance et des canaux de participation pour la société civile. Il va aussi falloir accompagner l’écriture de la nouvelle constitution.
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Au Nicaragua, le combat des mères “Madres de Abril”
En mai 2018, une réforme de la sécurité sociale pousse la population nicaraguayenne à manifester. La répression est sanglante, plus de 200 morts sont à déplorer. Parmi ces morts : les fils de Lizeth et Josefa membres du collectif Madres de Abril. Leur témoignage montre la dérive d’un Etat de plus en plus policier.
Au printemps 2018, le Nicaragua a été le témoin d’un soulèvement de la jeunesse qui manifestait son refus d’un Etat policier. La répression a été violente. Plus de cent morts sont à déplorer, parmi eux beaucoup d’étudiants, dont Jonatan et Alvaro les fils de Liseth et Josefa.
Les deux femmes ont rejoint le collectif Madres de Abril qui regroupe les mères des enfants assassinés par les forces armées en 2018. Elles militent pour que justice soit faite et que les auteurs des crimes soient punis.Le collectif a notamment créé un musée virtuel afin de rétablir la vérité sur leurs enfants et honorer leur mémoire avec un objectif : ne pas oublier.
3 ans après les manifestations de 2018, les « Madres de Abril » continuent le combat pour que la mort de leurs fils ne reste pas impunie.
La lutte pour le respect des droits humains dans le pays est encore loin d’être gagnée comme en témoigne notre partenaire du CENIDH Juan Carlos Arce.C’est le pire moment de l’histoire du Nicaragua pour les défenseurs des droits humains.
Juan Carlos Arce, CENIDHAller plus loin avec Echos du Monde :
Face à la répression du mouvement de contestation par le régime d’Ortega, des centaines de milliers de Nicaraguayens se sont réfugiés au Costa Rica. Retrouvez l’article Nicaragua, La résistance en exil dans notre Magazine Echos du monde.
108 000
Nicaraguayens exilés au Costa Rica35 000
demandes de statut de réfugié recensées cette année -
Haïti, après le séisme
Le 14 août 2021, un séisme d’une magnitude de 7,2 sur l’échelle de Richter a frappé le sud d’Haïti, causant la mort de plus de 2 000 personnes et en blessant plus de 12 000. Le nombre d’habitations détruites par le tremblement de terre est estimé à 54 000 et celles qui sont endommagées à 83 000[1] . À ce terrible bilan s’ajoutent un nombre important de personnes disparues ainsi que des dégâts matériels considérables sur les infrastructures.
Ce n’est pas la première fois que l’île est touchée par une catastrophe de ce type. Elle avait déjà payé un lourd tribut lors du séisme qui avait touché la capitale, Port-au-Prince, en 2010. Puis, en 2016, l’ouragan Matthew s’était abattu sur ces régions du Sud qui viennent de subir le séisme. « À peine voit-on le bout du tunnel, qu’un autre s’ouvre devant nous », nous confie un de nos hôtes (voir encadré).
Cette nouvelle catastrophe naturelle survient à un moment critique de l’histoire politique d’Haïti. Jovenel Moïse, le président de la République, a été assassiné dans des circonstances pour le moins troubles au mois de juillet dernier. Sa disparition a fini de plonger la perle des Caraïbes dans une crise politique, sociale et, par ricochet, économique. L’État sans leader tâtonne, piétine, s’enlise alors que ses services sont largement déficitaires dans de nombreux départements de l’île et que la guerre des gangs fait rage, amplifiant considérablement les difficultés logistiques.
Mi-septembre, un mois après le séisme, la ville des Cayes a repris vie entre les gravats. Mais les plaies sont omniprésentes : tentes dressées sur les chaussées à la place des maisons détruites, camps de fortune sur le bord des voies, amas de décombres et ouvriers qui déblaient comme ils peuvent.
C’est dans ce contexte compliqué qu’Iteca (Institut de technologie et d’animation, organisation partenaire du CCFD-Terre Solidaire) poursuit son action dans les départements du Sud.
Au point de vue national, l’ONG haïtienne soutient depuis plus de 40 ans les organisations paysannes par le biais de formations autour de l’agronomie et du renforcement des compétences. Elle a dû s’adapter à ce contexte de crise, en s’appuyant sur l’expérience acquise lors du séisme de 2010. « Nous travaillons en partenariat avec les communautés : si elles traversent une crise, nous devons la traverser avec elles et adapter notre programme à la situation d’urgence », explique Elifaite Saint Pierre, coordinateur de programmes d’Iteca dans la région.
La sécurité alimentaire est aujourd’hui au cœur des préoccupations en Haïti alors que OCHA [2] estime qu’environ 980 000 personnes sur les 2 millions que compte la région du Grand Sud (départements des Nippes, de Grand’Anse, Sud et Sud-Est) connaîtront des niveaux aigus d’insécurité alimentaire d’ici à février 2022 et que 320 000 personnes ont un besoin urgent en nutrition.
Depuis le séisme, Elifaite, accompagné d’un de ses collaborateurs, se rend une fois par semaine dans les communautés partenaires d’Iteca pour les assister dans la gestion de la catastrophe et mettre en place des comités locaux de protection civile. Composés du maire ou du chef de section et de figures sociales fortes, comme le pasteur ou le prêtre et les instituteurs, ils prennent en charge la coordination et le pilotage des actions au plan local.
« Les premiers impliqués dans l’aide d’urgence, ce sont les locaux. C’est pourquoi ces comités sont importants et doivent être formés pour parer aux prochaines catastrophes ,souligne Elifaite. En effet, la majorité des personnes sorties des décombres l’ont été par les habitants, avant l’arrivée des secours. »
L’aide ne parvient jamais jusqu’à nous. Ici, nous sommes pauvres, et le séisme nous plonge plus encore dans la précarité.
Trodeth Clermicile – Auxiliaire infirmière du comité de protection civileDepuis les Cayes, Elifaite se rend à Port-à-Piment, aux Chardonnières, puis aux Anglais. Si l’intérêt de ces comités dans la gestion des crises est reconnu, leur manque de moyens est criant : « Il nous faut au moins des outils, des pelles, des casques… », pointe un des membres du comité de Port-à-Piment. Elifaite note les doléances en espérant pouvoir y répondre en partie. Dans le village des Anglais, la mairesse, Rosemarie Pointdujour, dresse un sombre tableau. La plupart des infrastructures de la commune, située sur la côte Sud, ont été détruites.
L’église catholique des Cayes, entièrement dévastée par le séisme.
© Julien Masson / hans Lucas
« C’était la veille de la fête de l’Assomption, l’église de la ville s’est écroulée alors que deux cents baptêmes se préparaient et que de nombreuses personnes étaient présentes, notamment des parents avec leurs enfants. 18 personnes sont décédées dans les décombres et 45 ont perdu la vie sur l’ensemble de la commune. Les blessés graves ont été transférés à l’hôpital des Cayes. Des personnes ont disparu dans des éboulements et des glissements de terrain. 876 maisons et 19 écoles ont été détruites. »
Dans cette commune très agricole, l’inquiétude est grande, explique Rosemarie : « On se demande comment on va subsister dans les mois qui viennent. Des champs, des jardins et du bétail ont été perdus. Heureusement, la solidarité entre voisins a été importante. Nous avons reçu des visites des représentants de l’État, mais aucune aide concrète. Ils ont noté nos doléances, mais n’ont rien fait. L’aide des ONG n’arrive pas non plus, la zone de la côte est très éloignée du centre du département, nous sommes les derniers à être pris en compte. Le seul appui que nous avons eu est celui de l’entreprise qui construit le pont à l’entrée de la ville. Elle nous a aidés à déblayer des décombres pour essayer de retrouver des survivants. J’en appelle à la solidarité internationale, notamment pour reconstruire les églises et les écoles détruites. »
980 000
personnes connaîtront des niveaux aigus d’insécurité alimentaire d’ici à février 2022320 000
personnes ont un besoin urgent en nutritionPrès de 80 % des habitations détruites
La commune des Anglais n’est pourtant pas une des plus atteintes, et certaines zones, dans les communes de Camp-Perrin et de Maniche, comptabilisent près de 80 % d’habitations réduites à néant, ainsi que tous leurs circuits d’approvisionnement routier et en eau. Wilphana Rousseau est ingénieure agronome. Depuis plusieurs années, elle travaille pour Iteca comme personne-ressource sur la gestion des risques et des désastres.
Aujourd’hui, elle se rend à la section communale numéro deux de Maniche, où elle doit rencontrer les membres du groupe de protection civile. La zone est particulièrement touchée par le séisme avec 52 décès recensés et 1 657 maisons détruites. « L’aide ne parvient jamais jusqu’à nous », se plaint Trodeth Clermicile, auxiliaire infirmière du comité local, avant de préciser : « La vulnérabilité augmente de jour en jour. Beaucoup d’enfants n’ont pas à manger, n’ont plus de logement, il n’y a même plus d’écoles ni même de l’argent pour les fournitures scolaires. Ici, nous sommes pauvres, et le séisme nous plonge plus encore dans la précarité. »
Wilphana pointe : « Dans l’ensemble, les secours sont mieux organisés qu’en 2010, mais il y a encore beaucoup de
manques et d’inégalités entre les territoires. Un mois après la catastrophe, il reste des zones dans lesquelles personne ne s’est rendu. Les élections arrivent (les élections prévues en novembre ont été reportées sin edie, fin
septembre), et chacun veut satisfaire ses électeurs, surtout en ville… Dans de nombreuses zones, nous sommes les
seuls interlocuteurs des communautés, c’est une grosse responsabilité. » Alors qu’elle sillonne les sentiers de
Maniche, Wilphana s’arrête pour discuter avec des habitants ayant perdu leur maison qui viennent s’enquérir des possibilités d’action d’Iteca pour les aider. Wilphana repart de Maniche avec un lourd poids sur les épaules, sans savoir si elle pourra répondre aux doléances.Une jeune fille se coiffe devant sa maison détruite par le séisme © Julien Masson / Hans Lucas. Un mois après le tremblement de terre, alors que l’État brille toujours par son absence, Les camps de fortune se multiplient sur le bord des voies. Les populations se sentent lésées, seules et abandonnées. Les victimes espèrent un soutien, mais ne l’attendent pas. La vie a repris son cours « parce qu’on ne peut pas faire autrement, il faut bien que l’on avance ».
Wilphana et les membres d’Iteca vont poursuivre leur travail de fond, en intégrant la gestion systémique desrisques naturels, avec l’espoir que la crise politique finisse et laisse le pays respirer à nouveau.
Jérémie Lusseau et Julien Masson
UN RISQUE SISMIQUE ÉLEVÉ
Le séisme qui a secoué le sud d’Haïti en août rappelle la tragédie survenue en janvier 2010, lorsqu’un tremblement de terre a dévasté Port-au-Prince, faisant plus de 200 000 morts. La répétition de ces séismes s’explique par la situation d’Haïti encastrée dans un vaste système de failles géologiques, résultant du mouvement de la plaque caraïbe et de la plaque nord-américaine. Ce sont leurs déplacements qui entraînent les secousses dévastatrices.
Mais alors que dans les zones sismiques des pays industrialisés, les bâtiments sont construits sur des systèmes d’amortissement qui leur permettent de résister aux secousses, les structures en béton des constructions haïtiennes s’effondrent lorsqu’elles elles sont soumises à de telles pressions.
DES DONS POUR LES PARTENAIRES
Grâce aux 130 000 euros de dons reçus par le CCFD-Terre Solidaire, nos trois partenaires Iteca, la Commission épiscopale Justice et Paix (Jilap) et Tèt Kolé vont pouvoir poursuivre leur travail auprès des sinistrés : les aider à reconstruire leurs maisons, à réhabiliter leurs terres à reconstituer leurs cultures vivrières ou leurs cheptels…[1] Source Handicap International
[2] Source Ocha : Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU
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Un programme mondial pour soutenir l’agroécologie paysanne
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Réinventer l’accueil des personnes migrantes dans les villes
S’appuyant sur l’exemple de la politique migratoire de São Paulo au Brésil, qu’il a participé à construire, le réseau Red Sin Fronteras, partenaire du CCFD-Terre Solidaire depuis 2012, agit auprès des villes pour développer un modèle fondé sur le respect des droits et la participation politique des exilés.
Arrivées d’Europe et d’Asie à la fin du XIXe siècle puis des pays voisins d’Amérique latine, des personnes migrantes de trente nationalités résident aujourd’hui à Catamarca, région andine prospère et point de passage en Argentine avec le Chili, le Paraguay et la Bolivie. Mais ni la ville ni même l’État ne proposent de politique d’intégration pour les personnes étrangères, dont d’importantes communautés venues – par l’Espagne du temps de Franco- ou plus récemment du Pérou et de Bolivie pour travailler. Elles étaient alors souvent privées de droits ou contraintes de se rendre dans la province de la Rioja pour effectuer leurs démarches administratives.
Face à l’absence de politique de protection des plus vulnérables, et notamment des exilés durant la pandémie, les acteurs locaux ont continué à porter des alternatives, jouant un rôle essentiel.Originaire de la capitale, San Fernando del Valle de Catamarca, Adriana Fadel, chercheuse au Brésil et militante au sein du réseau Red Sin Fronteras, connaît bien la politique inclusive de São Paulo. Elle suit aussi de près le travail du réseau sur les villes accueillantes. En 2019, de retour de Paris où elle a participé au lancement de l’Alliance autorités locales/société civile pour une autre gouvernance des migrations que soutient le CCFD-Terre Solidaire , elle a organisé des ateliers auprès des communautés étrangères pour qu’elles comprennent la force de l’alliance entre municipalité et associations afin de faire progresser les droits des personnes migrantes (voir encadré). Elle a également engagé sur ce sujet un dialogue avec la ville.
Le premier conseil municipal de migrants d’Argentine
Après plusieurs mois de travail avec les communautés migrantes, la ville de Catamarca, dont Adriana est depuis devenue conseillère municipale, met en place, en septembre 2020, un conseil municipal des migrants. La première expérience de ce type dans le nord-ouest de l’Argentine ! Son objectif : être un espace de consultation des exilés et des associations pour la construction de politiques d’accueil et d’intégration. Il se veut enfin un lieu de formation à la protection et à la défense des droits des migrants, notamment pour les élus et les différents fonctionnaires de la ville. La création de ce conseil souligne la volonté de la municipalité de promouvoir une vision interculturelle. Pour que ces orientations soient appliquées par les différents services de la ville, le Conseil des migrants crée un groupe de travail dont les membres sont élus parmi les différentes communautés, résidant à Catamarca ; son bureau est composé d’un Japonais, d’un Colombien, d’un Cubain et d’un Brésilien. Par ailleurs, le premier recensement des personnes immigrées a permis que cette population, jusqu’alors quasi invisible, soit prise en compte dans les politiques publiques.
Lorsque le dialogue s’ouvre entre collectivités, associations solidaires et exilés, l’accueil est un moteur de changement social qui bénéficie à tous.
Le Conseil a également lancé des actions de sensibilisation et des événements culturels, comme la fête des communautés, qui a donné plus de visibilité aux questions de la migration à Catamarca. Depuis son échelon local, le Conseil des migrants a ainsi permis une réelle prise en considération de l’enjeu de l’intégration. Un an après son lancement, en septembre 2021, le gouverneur de la Province, Raúl Jalil, a annoncé l’ouverture de l’Office national des migrations à Catamarca, autorisant les personnes migrantes à effectuer leurs démarches administratives dans la ville.
Un laboratoire de pratiques nouvelles
L’initiative de Catamarca est une expérience modèle pour le réseau Red Sin Fronteras et un véritable laboratoire de pratiques nouvelles riches d’enseignement. Elle traduit concrètement les principes fondateurs de l’Alliance pour une autre gouvernance des migrations : son engagement en faveur de l’interculturalité, l’approche transversale des politiques publiques, l’importance des actions de formation et de sensibilisa- tion. Accompagné par le réseau, Catamarca est un exemple de plus pour montrer, et même démontrer, que lorsque le dialogue s’ouvre entre collectivités, associations solidaires et exilés, l’accueil est non seulement possible mais est un moteur de changement social qui bénéficie à tous.
Justine Festjens, responsable de l’équipe migrations internationales
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