La faim à Gaza, une stratégie israélienne

Publié le 24.04.2024| Mis à jour le 29.04.2024

Il y a les chiffres, froids, objectifs et terribles. 1, 1 million de personnes dans la bande de Gaza, soit près de la moitié de la population sont en risque imminent de famine à Gaza.

Crédit photo : Nour Arafa/CCFD-Terre Solidaire

Il y a les images, insoutenables. Des visages émaciés, des membres squelettiques, des yeux immenses et vides de joie, des corps, enfin, qu’on devine trop légers, dans des linceuls blancs.

Il y a le constat : cette famine qui menace, qui est peut-être déjà là, est provoquée. Sciemment organisée.

Les autorités israéliennes se servent de la faim à Gaza comme d’une monnaie d’échange : les otages, enlevés le 7 octobre lors de l’attaque meurtrière du Hamas, contre l’assistance humanitaire.

Des familles piégées par la faim

Il y a les témoignages. Comme celui d’une famille bloquée au nord de la bande de Gaza recueillis par notre partenaire CDMC (Community development and media center), ONG palestinienne partenaire du CCFD-Terre solidaire dans la bande de Gaza.

Les témoignages de la vidéo ont été recueillis par notre partenaire CDMC dans le Nord de la Bande de Gaza

Andaleeb a recueilli un autre témoignage

Andaleeb, écrivaine et journaliste membre du CDMC, est réfugiée en Egypte. Elle est en contact fréquent avec sa collègue Hanane qui, elle, est restée dans le nord de la bande de Gaza.

C’est par Andaleeb, que nous suivons la quête quotidienne de Hanane, restée dans le nord de la bande de Gaza, pour nourrir sa famille. Hanane a été déplacée trois fois par les opérations militaires.

Un blocus délibéré

De maison en maison, de semaines en semaines, le stock de nourriture a fondu. « Ils ont d’abord fait le plein de boîtes de conserve, de riz, de pâtes, de légumes, qu’ils ont achetés au marché. C’était au tout début. Ils pensaient tenir », raconte Andaleeb. Mais la guerre a duré. Il fallait nourrir huit personnes : Hanane elle-même, son mari, ses deux fils, sa fille, son gendre et ses enfants, de 9 et 7 ans. Rapidement, il n’est plus resté que du riz. Et puis le riz lui-même a été fini.

« Alors ils sont allés cueillir de la mauve, reprend Andaleeb. C’est une herbe que nous mangions avant la guerre en salade. Elle pousse partout, surtout après la pluie. » Mais d’autres affamés ont eu la même idée, et la mauve est devenue rare.

Ils réussissent, parfois, à trouver de la farine. Soit grâce à un des rares camions autorisés à entrer dans le nord de la bande de Gaza, soit dans les semblants d’épicerie, quelques aliments vendus sur un morceau de trottoir.

Dans ce cas, la farine est au prix de l’or. 150 shekels le kilo, soit 37 €. « Avant la guerre, un kilo de la farine très haute qualité coûtait 1,5 € », compare Andaleeb. Un temps, ils ont mélangé cette si précieuse farine à de la farine pour animaux, à base de foin, pour faire du pain. Les enfants n’en voulaient pas. Ils préféraient le mets de choix que leur réservaient les adultes : un peu de maïzena dans de l’eau avec du sucre. Mais ils n’ont pas eu le choix. La maïzena elle aussi est venue à manquer.

Avant Ramadan, Hanane a réussi à atteindre les locaux du CDMC. Les militaires israéliens s’étaient retirés de la zone. Elle savait pouvoir y récolter un peu de sucre, du café, des boissons, tout ce qui, avant, servait à la vie de bureau. Pour la fin du mois sacré, Hanane a acheté, une fois, des fèves fraîches. Une seule fois : elles étaient à 20€ le kilo. Elles venaient de Gaza, d’une de ces parcelles que les paysans s’obstinent à cultiver, malgré le danger. Et dont ils vendent très cher la toute petite production.

L’assassinat des sept employés de l’ONG World central kitchen le 1er avril par des tirs de missiles israéliens, suivie de la grosse colère américaine, a obligé les autorités israéliennes à desserrer un tout petit peu le blocus. Le Cogat, l’administration militaire israélienne chargée des affaires civiles dans les territoires occupés palestiniens, affirme que trois boulangeries ont ouvert dans le nord de la bande de Gaza. Mais c’est d’un flot d’aide dont les Gazaouis ont besoin.

Ce ne sont pas les parachutages qui vont satisfaire les besoins, même les plus urgents. « Beaucoup de palettes ont atterris sur le territoire israélien, dans la mer, ou près de check points israéliens. Les gens se faisaient tuer en cherchant à récupérer des caisses, ou alors se sont noyés », déplore Andaleeb.

Un appel à l’aide contre la faim à Gaza

Hanane et ses proches souffrent de maux de ventre, de diarrhée chronique dus à une nourriture en quantité et en qualité insuffisante. « Ils ont les visages tout gris. Il n’y a plus de sang sous la peau. Ils sont faibles », se désole notre interlocutrice.

Au sud de l’enclave, où s’entassent 1,3 million de Gazaouis, l’insécurité alimentaire est un peu moins aiguë. Personne n’y mange à sa faim cependant. Tous les moyens de production de nourriture ont été détruits. La population dépend entièrement de l’assistance humanitaire, qui entre par camions, et donc des autorisations délivrées par l’administration israélienne.

Face à la rareté des produits, à leurs prix astronomiques, face à la difficulté, pour les personnes réfugiées sous des abris précaires et des tentes, de cuisiner, des organisations locales et des familles riches ont organisé des cantines communautaires. L’argent vient de la diaspora et des donateurs privés, surtout arabes. Les produits sont achetés en gros, et les prix négociés. Des repas sont fabriqués chaque jour, du riz, des pâtes, agrémentés de volaille ou de viande. « Nous avons commencé dès le premier mois de la guerre, avec 7 jeunes, raconte Ahmed Ramzi, joint à Rafah grâce à Andaleeb. Nous avons réussi à stocker des aliments de base, du riz, des lentilles, des pâtes, des haricots verts. Le premier problème auquel nous sommes sommes heurtés, ça a été la pénurie de bouteilles de gaz. Il a fallu cuisiner au bois, ce qui n’est pas non plus facile à trouver. Nous avons aussi un problème de soutien financier. Tout est très cher. ».

A leurs débuts, Ahmed Ramzi et ses camarades donnaient à manger à 200 personnes. Ils en nourrissent aujourd’hui 2000. Mais c’est plus difficile depuis le retrait de World Central kitchen de la bande de Gaza, décidé après la mort de leur personnel : l’ONG américaine était un de leurs fournisseurs. « Il faut un cessez-le-feu et de l’aide massive. Maintenant », conclut Andaleeb.

Propos recueillis par Gwenaëlle Lenoir

Pour que l’Union européenne suspende son accord d’association avec Israël et ne participe pas à une économie de guerre, signez et partagez cette pétition : 

Lire aussi :

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

J'agis

J'ai 1 minute

Partagez et relayez nos informations et nos combats. S’informer, c’est déjà agir.

Je m'informe

J’ai 5 minutes

Contribuez directement à nos actions de solidarité internationale grâce à un don.

Je donne

J’ai plus de temps

S'engager au CCFD-Terre Solidaire, c'est agir pour un monde plus juste ! Devenez bénévole.

Je m'engage

Vous n'avez qu'une minute ?

Vous pouvez participer à la vie du CCFD-Terre Solidaire

Rejoignez-nous

Restez au plus près de l'action

Restez informés

Abonnez-vous à notre newsletter

Je m'abonne
Pour une terre sans faim, cultivez l'action du CCFD-Terre Solidaire
Je donne chaque mois