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En Irak, la menace de la faim le long des marais assoiffés #JeudiPhoto

décembre 2nd, 2021 by

A l’occasion de notre campagne pour agir contre la faim climatique, notre regard se porte cette semaine, sur les populations du Sud de l’Irak vivant de l’écosystème unique des Marais Mésopotamiens, aujourd’hui menacés de disparaître.

IRAK. Long la route de Bagdad à Chibayish. © Roberta Valerio / CCFD-Terre Solidaire

Le long de la route de Bagdad à Chibayish, une femme de pêcheur accompagnée de ses deux enfants vend les quelques poissons fraîchement pêchés aux aurores. Une denrée qui se fait de plus en plus rare.

La photographe Roberta Valerio a sillonné le Sud de l’Irak à la rencontre des populations de pêcheurs et d’agriculteurs des Marais Mésopotamiens, qui subissent de plein fouet les dérèglements climatiques qui menacent leurs moyens de subsistance.

Les marais mésopotamiens, à l’écosystème unique et connus comme “le Jardin d’Eden”, est un trésor multimillénaire aujourd’hui menacé de disparaître au grand désespoir des populations et des espèces qui y vivent. En raison des fortes vagues de chaleur, pouvant atteindre jusqu’à 50°C l’été, l’eau s’évapore à vue d’œil. A cela, s’ajoutent les barrages construits en amont et les déchets rejetés en aval qui remontent en polluant les terres.

Se nourrir devient un défi du quotidien et contraints les familles qui y vivent à s’exiler et à abandonner leurs terres, leurs cultures et leurs habitats.

Contre la faim climatique, nous pouvons agir en changeant les prévisions
et empêcher que 600 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde d’ici 2080.

Chaque jeudi, nous vous proposons un arrêt sur image pour prendre conscience, autrement, d’une fracture de notre monde sur lequel, par l’action collective et le plaidoyer, nous agissons.

Le scandale des pesticides interdits en Europe et exportés en Afrique

novembre 30th, 2021 by

En Côte d’Ivoire, Sena Adessou est le secrétaire général d’Inades-Formation, un réseau présent dans 10 pays d’Afrique et soutenu par le CCFD-Terre Solidaire. Il dénonce l’importation de pesticides toxiques interdits en Europe.

Une grande partie des produits classés « extrêmement dangereux », le plus souvent interdits dans l’UE, reste commercialisée ailleurs dans le monde notamment en Afrique. Est-ce le cas en Côte d’Ivoire ?
Sena Adessou : Oui, ces pesticides chimiques de synthèse sont encore utilisés en Côte d’Ivoire, et plus largement en Afrique, alors qu’ils sont considérés comme toxiques pour la santé humaine, l’environnement et la biodiversité.
Interdits sur le marché européen, ces produits sont souvent fabriqués dans les pays du Nord, notamment dans l’Union européenne !

Comment ces pesticides se retrouvent-ils en vente sur vos marchés ?
De manière générale, pour vendre ces pesticides sur nos marchés, il faut obtenir des autorisations officielles. On s’interroge donc sur la réglementation en vigueur, sur ce que font nos autorités en matière de gestion des circuits de commercialisation, de distribution mais aussi d’importation.
Si certains décideurs ne connaissent pas suffisamment les impacts de ces produits et s’en tiennent à leur usage d’herbicide, insecticide ou fongicide, ceux, conscients de leurs effets, qui les laissent entrer sur le marché national mettent nos vies en danger.

Que propose Inades-Formation pour lutter contre leur utilisation ?
Nous venons de lancer la campagne « Conscience AlimenTerre » fondée sur le droit à une alimentation saine et durable. Son objectif est d’abord d’informer et de sensibiliser les acteurs issus du monde agricole sur les dangers et le caractère toxique des pesticides chimiques de synthèse.
Ils les utilisent souvent à tort et à travers par manque de connaissances. L’absence d’informations claires des étiquetages de ces produits est d’ailleurs un problème !

Cette campagne vise aussi les pouvoirs publics pour qu’ils prennent en compte leur dangerosité et toxicité afin de ne plus les importer.
Nous voulons aussi les encourager à mettre en œuvre la transition agroécologique de nos systèmes alimentaires.
Les premiers lancements de la campagne – pilotée dans les 10 pays d’Afrique de l’Ouest où agit Inades-Formation – ont déjà convaincu nombreuses organisations paysannes de rallier la cause !

Propos recueillis par Marion Chastain

Appel à la protection des défenseurs des droits humains palestiniens

novembre 26th, 2021 by

La CIDSE et de ACT Alliance EU condamnent la désignation de plusieurs organisations de défense des droits humains comme “terroristes” par le gouvernement israélien et invitent les pays d’Europe à réagir.

Le 19 octobre, le ministère israélien de la Défense a désigné six organisations palestiniennes de défense des droits humains et de la société civile comme des “organisations terroristes”, ce qui a été à son tour suivi d’un ordre militaire le 7 novembre par le commandant militaire israélien en Cisjordanie occupée, rendant les activités de ces six organisations illégales en Cisjordanie.

La CIDSE et ACT Alliance EU condamnent fermement cette désignation. Parmi les organisations visées figurent Al Haq et Defense for Children International-Palestine, partenaires de la CIDSE et de ACT Alliance EU, ainsi qu’Addameer, l’Union des comités de femmes palestiniennes, le Centre Bisan pour la recherche et le développement et l’Union des comités de travail agricole.

Nos partenaires palestiniens ont travaillé sans relâche en première ligne pour maintenir les Palestiniens sur leurs terres et protéger leurs droits humains en documentant les violations du droit humanitaire international et des droits humains. Leur travail vital est maintenant criminalisé, leur personnel risque d’être arrêté, leurs bureaux fermés, leurs fonds gelés et leurs biens confisqués.

Pendant des années, ces organisations ont fait l’objet de campagnes de diffamation et d’accusations sans preuves

La CIDSE et ACT Alliance EU sont également profondément troublées par les dernières informations selon lesquelles les téléphones de plusieurs membres du personnel des organisations ont été piratés par le logiciel espion Pegasus du groupe israélien NSO, une société de surveillance qui figure désormais sur la liste noire du gouvernement américain pour avoir ciblé des activistes de manière malveillante. Ce piratage constitue une violation du droit du personnel à la vie privée et à la sécurité personnelle, et porte atteinte à son droit à la liberté d’expression.

Pendant des années, ces organisations ont fait l’objet de campagnes de diffamation et d’accusations de liens avec des organisations terroristes afin de délégitimer leur travail, sans que des preuves substantielles ne viennent étayer leurs affirmations. Cette dernière décision, sans précédent, est le point culminant des efforts visant à saper, réduire au silence et effacer les défenseurs des droits des Palestiniens et la société civile en général. À plusieurs reprises, l’UE a publiquement réfuté ces accusations portées contre les organisations palestiniennes de défense des droits humains : la délégation de l’UE en Israël, la VP/HR Mogherini et récemment aussi la Commission européenne. Dans une déclaration commune, 16 rapporteurs spéciaux et experts de l’ONU nous rappellent que « ces organisations de la société civile sont les lanceurs d’alerte des droits humains, nous alertant sur les schémas de violations, rappelant à la communauté internationale ses obligations de garantir la responsabilité, et offrant une voix à ceux qui n’en ont pas. »

La CIDSE, ACT Alliance EU et ses membres continueront à soutenir et à défendre leur travail essentiel. Rappelant l’engagement de l’UE à soutenir et protéger les défenseurs des droits humains, la CIDSE et ACT Alliance EU exhortent l’UE et les États membres, en particulier ceux qui ont des partenariats de longue date avec ces organisations palestiniennes, à adopter une position de principe et à prendre des mesures urgentes au-delà des déclarations en :

  1. Dénonçant cette désignation et en demandant au gouvernement israélien de la révoquer immédiatement ;
  2. Exprimant leur solidarité et réaffirmant leurs partenariats et leur confiance dans les organisations palestiniennes ciblées ainsi que dans la communauté plus large des droits humains dans le territoire palestinien occupé ;
  3. Surveiller activement les abus et protéger les organisations et leur personnel des implications que cette décision peut avoir sur leur travail et leur sécurité.

Naufrage à Calais : des vies sacrifiées #JeudiPhoto

novembre 25th, 2021 by

Chaque jeudi, nous vous proposons un arrêt sur image pour prendre conscience, autrement, d’une fracture de notre monde sur lequel, par l’action collective et le plaidoyer, nous agissons.

Cette semaine, notre regard se tourne sur le drame de Calais où 27 vies ont été emportées par les flots.

Sur les dunes de la Slack, une réfugié irakienne rejoint le bord de mer, épuisée. Les autres passagers tentent de redémarrer le bateau, pressés par la police qui est proche. © Jeremy Paoloni

Aux alentours des dunes de la Slack, une migrante irakienne rejoint à pied, épuisée, le bord de mer. Pendant ce temps, les passeurs et les autres personnes migrantes tentent de faire démarrer, tant bien que mal, l’embarcation de fortune. On entend le bruit des drones dans le ciel : la police n’est pas loin.

Comme elle, ce sont des milliers de personnes qui tentent chaque jour de traverser la Manche au péril de leur vie.

Mercredi 24 novembre, 27 vies ont été emportés dans les mers suite au naufrage d’une embarcation de fortune. 27 vies qui auraient pu être épargnées sans l’indifférence coupable de l’Etat, trop préoccupé à protéger ses frontières plutôt que les droits humains.

Aujourd’hui est une journée de deuil et de colère. Le naufrage le plus meurtrier dans la Manche a eu lieu hier avec 27 morts, dont une femme enceinte. Malgré les alertes répétées des associations, l’Etat français n’a pas répondu à l’appel et se rend coupable

Sylvie Bukhari-de-Pontual, Présidente du CCFD-Terre Solidaire.

Bilan de la COP26 : six avancées insuffisantes

novembre 16th, 2021 by

Le pacte adopté par les 200 Etats participant à la COP 26 promet un réchauffement planétaire de 2,7°C à la fin du siècle. Bien loin de l’objectif de 1,5°C inscrit dans l’Accord de Paris. Éclairage avec Myrto Tilianaki qui représentait le CCFD-Terre Solidaire à Glasgow, pour défendre les intérêts des populations du Sud.

1- Réduction globale des émissions : le grand échec

Après l’Accord de Paris signé en 2015 à la COP21, les pays s’étaient donné jusqu’à la COP26 pour rehausser leurs engagements de réduction de gaz à effets de serre. Peine perdue. Les efforts supplémentaires annoncés n’atténueront qu’à la marge le réchauffement, qui pourrait atteindre 2,7°C à la fin du siècle.

A Glasgow, une cinquantaine de pays sur 196 n’avaient pas encore amélioré leur copie de 2015. Minuscule avancée : les pays se sont mis d’accord pour réviser leurs contributions plus fréquemment que tous les cinq ans, ce qu’avait décidé l’Accord de Paris.

2- Sortie des énergies fossiles : un début très timide

Pour la première fois, à Glasgow, une COP a envisagé la fin du pétrole et du charbon.
Mais à la dernière minute, l’Inde, soutenue par la Chine et l’Afrique du Sud, a obtenu un affaiblissement notable du pacte : au lieu d’une « disparition progressive » du charbon, l’accord n’appelle qu’à « intensifier les efforts vers sa diminution progressive » .

3- L’aide aux pays du Sud : l’égoïsme du Nord perdure

Après l’ouragan Mathew à Haiti

Les pays riches, émetteurs historiques du CO2 responsables du réchauffement climatique, ont encore calé sur le principe d’accorder des compensations aux pays du Sud.
Les populations des pays du Sud, historiquement non responsables des émissions, sont pourtant en première ligne face aux dégâts déjà constatés : canicules, ouragans, inondations, sécheresses…
Face à cette injustice climatique, les pays riches avaient accepté en 2009 d’aider les pays pauvres à affronter dans la durée la crise climatique, à raison de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Mais avec 83 milliards on n’y est toujours pas. [1]

4- Méthane, déforestation… : de nombreuses annonces en parallèle des négociations, mais pour quelle portée ?

La COP26 a été le théâtre d’une multitude d’engagements volontaires lancés par plusieurs coalitions dans différents secteurs :

  • Un groupe d’une trentaine de pays et d’institutions financières a déclaré qu’il ne financerait plus les énergies fossiles à l’international, à partir de 2022. La France s’y est ralliée in extremis, avant que Bercy ne précise dans les heures suivant l’annonce que cela ne changerait rien aux financements en cours…
  • Le méthane : 105 pays ont annoncé leur réduction d’émissions de 30 % d’ici à 2030. Ce gaz à effet de serre, dont l’élevage industriel est l’un des plus grands responsables, contribue au quart du dérèglement climatique. Malheureusement, des pays ayant un important secteur de l’élevage n’ont pas rallié cette coalition (comme le Canada, l’Argentine ou la Nouvelle Zélande) [2].

A noter que seul l’espace de gouvernance onusien assure une participation de tous les Etats et le principe d’un partie/une voix.

5- Article 6 : Une prise de conscience du danger de la compensation carbone

Parmi les chantiers de la COP26, il y avait le recours à des « marchés de carbone », au sein de son article 6 [3].

À Glasgow, le CCFD-Terre solidaire, au sein d’une coalition d’ONG françaises et internationales, avait axé son plaidoyer sur l’encadrement de cet article 6.
Tout d’abord, regrette Myrto Tilianaki, « les terres n’ont pas été formellement exclues des opérations de compensation, comme nous le demandions ».
Ce point, entouré d’un flou important dans son interprétation, exigera une vigilance particulière de notre part.

Le pire a cependant été évité, car « les communautés du Sud lésées par une de ces opérations pourront saisir directement l’organe indépendant créé par la COP pour recueillir ce type de plaintes. » souligne Myrto Tilianaki.
Les conditions d’accès des entreprises aux marchés de compensation carbone ont également été un peu renforcées par rapport aux premières versions du texte.

Enfin, un progrès a été enregistré du côté des mécanismes non-marchands reposant sur une logique de contribution et non de compensation (transfert de technologie, de connaissance, etc.). « Alors qu’ils étaient jusque-là marginalisés, ils ont donné lieu à un groupe de travail post COP visant à les développer », souligne Myrto Tilianaki.

6. La société civile va devoir continuer à s’imposer

Si une mobilisation n’a pas déçu tout au long de cette COP, c’est celle de la société civile, qui a mis une réelle pression sur les représentants politiques, en particulier sur les enjeux de l’Article 6 et de la compensation carbone.
Notre campagne “Ne soyons pas dupes” pointant du doigt la neutralité carbone et le risque de greenwashing par les principaux pollueurs a permis d’exposer cet enjeu.

La tiédeur des engagements politiques montre la nécessité d’accroitre notre pression sur les dirigeants partout dans le monde et d’être vigilants sur la manière dont seront développées les politiques publiques au niveau national et régional.

La solidarité entre les peuples sera un ingrédient essentiel pour assurer le futur de notre planète !

Patrick Piro

Pour aller plus loin :

Ecouter l’émission spéciale de RCF avec Myrto Tilianaki

Lire la déclaration de l’Alliance pour le Climat, les Terres, l’Ambition et les droits, dont fait partie le CCFD-Terre Solidaire, à l’occasion de la clôture de la COP 26

[1] Et seule une part minoritaire de ces fonds va à des actions visant l’adaptation des pays du Sud, leur intérêt premier, alors que le gros est orienté vers des opérations de réduction des émissions, qui les concernent beaucoup moins. Le principe d’une répartition 50% pour l’adaptation et 50% pour l’atténuation n’a pas été acté lors de cette COP.

[2] Par ailleurs, est à noter que l’accent est mis sur des questions d’efficacité et non d’une réduction des cheptels ou le soutien à des régimes alimentaires plus riches en végétaux. Or de nombreux scénarios scientifiques ont démontré que cela était nécessaire.

[3] Ce mécanisme, autorise un pays ou une entreprise à financer ou échanger des crédits issus notamment de projets « de compensation » hors de son territoire (comme la plantation de forêts dans un pays du Sud) afin de remplir plus facilement ses engagements climat.

Évasion fiscale : 7 mythes autour de la taxation des multinationales

octobre 28th, 2021 by

A l’occasion du G20 du 31 au 31 octobre 2021 qui doit entériner l’accord sur la taxation des multinationales négocié à l’OCDE, le CCFD-Terre Solidaire publie une analyse pour démystifier cet accord. Présentée comme historique par certains chefs d’Etats, cette réforme présente pourtant des lacunes majeures.

Cet accord est loin de mettre un terme à l’évasion fiscale des multinationales, qui prive les États de centaines de milliards d’euros chaque année, en particulier les pays en développement. Les multinationales pourront continuer leurs tours de passe-passe entre leurs filiales pour échapper à l’impôt. Il est en plus particulièrement injuste pour les pays en développement, qui vont recevoir très peu de bénéfices, alors que les pays les plus riches sont avantagés. Parce qu’il est indispensable de comprendre ce que propose vraiment cet accord complexe, nous revenons sur 7 mythes.

Mythe 1 : La réforme va permettre de mettre un terme aux pratiques d’évasion fiscale des multinationales

Réalité : Le système fiscal défaillant reste en place et les multinationales pourront continuer leurs pratiques d’évasion fiscale.

Mythe 2 : Les multinationales vont enfin payer des impôts là où elles ont une vraie activité

Réalité : La réforme instaure un système où c’est le pays qui abrite le siège de la multinationale qui récupère les bénéfices, plutôt que celui où il y a une réelle activité. Les pays du sud seront donc désavantagés

Mythe 3 : Avec le taux minimum d’imposition à 15%, les multinationales vont enfin payer « leur juste part d’impôt ». Il n’y aura plus de décalage avec les PME

Réalité : Les multinationales auront la possibilité de payer seulement 15% d’impôts en continuant leurs pratiques d’évasion fiscale, alors que les PME paieront plus près des taux nominaux. Les exemptions incluses dans les règles vont baisser le taux d’imposition effectif en dessous de 15%.

Mythe 4 : Le taux minimum d’imposition à 15% va mettre un terme à la course au moins disant fiscal

Réalité : Les États risquent d’accélérer une course à la baisse des taux jusqu’à atteindre le minimum de 15%.

Mythe 5 : Désormais les GAFA et autres géants du numérique vont enfin payer leur juste part d’impôt

Réalité : Certains géants du numérique vont payer un peu plus d’impôts mais ils pourront continuer leurs pratiques d’évasion fiscale puisque l’essentiel des règles ne changent pas. Les grands pays de sièges de multinationales, et notamment les États-Unis, vont récupérer la majeure partie des recettes. L’accord obligera les États à retirer leurs « taxes GAFA » alors qu’elles pourront leur rapporter davantage.

Mythe 6 : Cet accord est équilibré et juste pour tous les Etats du monde. Les pays en développement vont même récupérer plus de recettes que les pays développés

Réalité : Les pays riches vont récupérer la majeure partie des bénéfices de la réforme. L’accord renforce le déséquilibre du système fiscal, déjà construit à l’avantage des pays riches.

Mythe 7 : Cet accord est un accord mondial, négocié par tous les États « sur un pied d’égalité » au sein du Cadre Inclusif de l’OCDE

Réalité : Un tiers des pays du monde ne participe pas aux négociations : 119 États ont signé la déclaration de l’OCDE du 8 octobre, alors que l’ONU comprend 193 États et 2 observateurs permanents. De plus, les négociations à l’OCDE sont biaisées dans l’intérêt des pays membres de l’OCDE, et notamment du G7 et du G20.

Lutter contre l’évasion fiscale des multinationales est indispensable pour permettre aux États de financer les politiques et services publics nécessaires à la réalisation des droits humains, et on ne peut pas se satisfaire d’un accord défaillant. Pour le CCFD-Terre Solidaire, il est urgent de se mobiliser pour :
– La création d’un organisme fiscal à l’ONU où tous les États seront représentés sur un pied d’égalité, et d’une convention fiscale.
– La mise en place d’un système de taxation unitaire pour imposer les multinationales en fonction de leurs activités réelles, accompagné d’un taux minimum d’au moins 25%.

Aller plus loin :

COP26 : appel à mobilisation le 6 novembre pour la justice climatique

octobre 22nd, 2021 by

Nous vous invitons à répondre à cet appel en organisant des initiatives, manifestations, rassemblements, actions ou débats publics partout en France autour du 6 novembre. Pour la justice climatique, pour les droits des peuples, pour un autre futur.

Chaque année bat un record de hausse de la température mondiale. Chaque année, les catastrophes climatiques se multiplient partout dans le monde. L’été 2021 en est la triste confirmation : incendies, inondations, ouragans, sécheresses, canicules… Les plus pauvres en subissent toujours plus dramatiquement les conséquences, en particulier dans les pays du Sud. La pandémie de la Covid 19 a par ailleurs mis en lumière les impacts irréversibles, y compris sur la santé, des attaques contre la biodiversité.

Le dérèglement climatique, c’est notre présent à toutes et tous, partout dans le monde. Phénomène global, il appelle des réponses mondiales : baisse massive des émissions de gaz à effet de serre, lutte contre les pollueurs et le système productiviste qu’ils nourrissent, solidarité internationale entre les pays riches et le Sud global, justice sociale et protection des droits humains doivent être les principes directeurs de l’action pour la justice climatique.

Six ans après l’accord de Paris, c’est ce qui devrait guider les États à l’occasion de la COP26 qui se déroulera à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre afin de maintenir la hausse des températures en dessous de la barre des 2°C, voire 1,5°C.

Mais, depuis 2016, nos dirigeants en sont encore à discuter des moyens à mettre en oeuvre face aux changements climatiques ou à tenter de verdir leurs images, en même temps que celles de nombreuses entreprises multinationales qu’ils soutiennent, sans engagements à la hauteur. Ils soutiennent le développement de fausses solutions, le greenwashing et la fuite technologique, qui, loin de résoudre la crise climatique, empêchent toute transition réelle.

Les gouvernements des pays les plus riches participent ainsi à un véritable crime climatique.

Nos dirigeants restent sourds aux interpellations, aux pétitions ou aux marches massives à travers le monde. Ils s’assoient sur les rapports du GIEC et les alertes de scientifiques. Ils regardent ailleurs alors que les dérèglements climatiques sont toujours plus nombreux, plus violents et plus meurtriers. Ils criminalisent et ne protègent pas les activistes environnementaux face à une répression qui va jusqu’à des assassinats, certains s’en rendant même complices.

Face à cette inaction climatique, qui devient un véritable crime contre le vivant, c’est aux mouvements populaires, ceux qui défendent les communautés impactées, les peuples autochtones, celles et ceux qui défendent le vivant, aux salarié·e·s et à toutes les personnes convaincu·e·s qu’il faut changer de modèle de production et de consommation de prendre la relève.

Partout dans le monde, la mobilisation citoyenne s’organise : défense des terres et des droits, blocage de projets polluants, actions dans les tribunaux, grèves pour le climat, etc. Elle porte des alternatives et remporte des victoires qui permettent d’enrayer cette machine infernale et de construire ainsi un futur désirable.Retour ligne automatique
En Grande-Bretagne, une coalition de mouvements sociaux et écologistes organise plusieurs jours de mobilisation pendant la COP26 et appelle à des actions partout dans le monde le 6 novembre prochain.

Nous vous invitons à répondre à cet appel en organisant des initiatives, manifestations, rassemblements, actions ou débats publics partout en France autour du 6 novembre. Pour la justice climatique, pour les droits des peuples, pour un autre futur.

Nos mobilisations donneront de l’écho aux mobilisations locales, notamment celles qui appellent à défendre nos terres et nos droits fondamentaux, et aux mobilisations internationales qui entoureront la COP26.

Premiers signataires : 350.org ; Action Aid ; Agir pour l’environnement ; Amis de la Terre France ; Alternatiba Paris ; Association Cap à Gauche 19 ; Assemblée européenne des citoyens AEC HCA-France ; Attac France ; Escape-jobs pour l’emploi sans carbone ; Carré Géo & Environnement ; CCFD-Terre Solidaire ; CGT ; Chrétiens Unis pour la Terre ; Confédération paysanne ; CRID ; Convergence des Services Publics ; Makesense ; Fédération Artisans du Monde ; France Nature Environnement ; FSU ; Notre Affaire à tous ; Purpose Climate Lab France ; SOL, Alternatives Agroécologiques et Solidaires ; Unis Pour le Climat ; Union syndicale Solidaires

Compenser son empreinte carbone, la solution de l’injustice

octobre 21st, 2021 by

#2. Ne Soyons Pas Dupes

Compenser son empreinte carbone en plantant un arbre : ingénieux n’est-ce pas ? Dommage que les pays du Sud soient ceux qui paient le prix fort de cette fausse solution climatique.

crédit : Little Paris

Une solution injuste, pourquoi ?

Les multinationales prétendent agir pour le climat en finançant des puits de carbone (comme des plantations d’arbres) pour séquestrer leurs émissions de CO2.

Un joli greenwashing qui se garde bien de révéler les conséquences de ce mécanisme sur les droits humains.

La compensation carbone c’est…

1. Une conquête d’hectares qui menace la souveraineté alimentaire et risque d’engendrer des déplacements de populations.

2. Une injustice pour les pays du Sud qui subissent déjà les revers de l’hyper-pollution des pays du Nord et qui deviennent en plus leur “poubelle à carbone”.

3. Un marketing frauduleux qui dupe les consommateurs soucieux d’être éco-responsables.

Ne soyons pas dupes !

  • Pour séquestrer l’équivalent de nos émissions de CO2 dans le monde, d’ici 2050, il faudrait un espace équivalent à 5 fois la superficie de l’Inde pour planter suffisamment d’arbres. Des milliers d’hectares que nous n’avons pas à disposition à moins d’entrer en concurrence avec les terres arables.
  • Les multinationales sont déjà partis à la conquête des hectares ! Elles vont accaparer des terres dans les pays du Sud, en se fiant des conséquences pour les communautés chassées de leurs territoires et privées de leurs ressources.
  • Grosso-modo, les multinationales polluent la planète, séquestrent leur pollution chez les autres, et gardent le droit de continuer à polluer.

Stop compensation !

« Les communautés paysannes ont perdu leurs terres, les pêcheurs ont perdu leur accès à la mer, les violations des droits de l’homme se multiplient », Justicia Ambiantal, partenaire du CCFD-Terre Solidaire.

La compensation carbone est une fausse solution aux multiples conséquences. Rendez-vous la semaine prochaine pour un nouveau décryptage #3. Ne Soyons pas Dupes !

Journée mondiale de l’alimentation: la lutte contre la faim à l’épreuve du climat

octobre 15th, 2021 by

En 2020, ce sont 768 millions de personnes qui ont souffert de la faim. Un chiffre qui risque d’augmenter à cause de la hausse des dérèglements climatiques, si nous n’agissons pas rapidement. Explications.

Lutter contre le dérèglement climatique, c’est lutter contre la faim dans le monde

Les dérèglements climatiques à répétition –sécheresses, inondations, températures extrêmes etc. – représentent l’une des causes croissante de la faim dans le monde. Ces changements impactent l’accès à une alimentation en quantité et en qualité suffisante.
Les dérèglements climatiques participent à une raréfaction de ressources indispensables, comme l’eau. Ils commencent aussi à impacter les rendements agricoles dans certaines régions.
Cette situation risque d’empirer si nous n’agissons pas rapidement, car ces événements climatiques sont de plus en plus nombreux et intenses.
52% des pays ont été confrontés à 3 ou 4 types de dérèglements climatiques extrêmes sur la période 2015-2020, contre 11% sur la période 2000-2004 [1]

C’est aussi la qualité de notre alimentation qui est en jeu, car l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère risque d’impacter la qualité nutritive de certaines productions, comme le blé ou le riz [2].

La compensation carbone menace la souveraineté alimentaire

Face à une situation climatique déjà critique, les multinationales privilégient la compensation carbone au lieu de chercher à baisser leurs émissions de CO2. A l’approche de la COP26, le CCFD-Terre Solidaire se mobilise contre cette fausse solution qui met à mal la souveraineté alimentaire.

La compensation carbone consiste à stocker les émissions de carbone par les arbres et les terres. Mais rien que pour séquestrer l’ensemble des émissions du secteur des énergies fossiles d’ici 2050, il faudrait 500 millions d’hectares, soit un tiers des surfaces arables dans le monde [3].

Cette solution entre donc inévitablement en concurrence avec les terres cultivables et menace d’accroître la faim dans le monde et les déplacements de population.

Sur le terrain, nos partenaires agissent

Pour lutter contre la faim dans le monde et aider les populations à s’adapter au changement climatique, des solutions existent ! Partout dans le monde, l’agroécologie paysanne et solidaire fait ses preuves et les initiatives fleurissent.

En Bolivie

Dans l’Amazonie bolivienne, les populations sont menacées par les déforestations, les dérèglements climatiques qui mettent à rude épreuve la souveraineté alimentaire. Notre partenaire, CIPCA, soutient les agriculteurs familiaux et les forme à l’agroforesterie : un mode de culture pour permettre de « bien vivre » tout en préservant l’environnement.

« On se demande pourquoi les saisons ont changé. Cela a un impact fort sur les populations, car cela affecte non seulement notre alimentation, mais également notre économie. Parfois, on ne produit pas ce que l’on devrait pour pouvoir survivre parce qu’il ne peut pas », Paul Miki Ananguinguri Rora, membre du village indien de la nation Guaraya.

En Haïti

Avec les dérèglements climatiques, les catastrophes naturelles en Haïti sont de plus en plus extrêmes et destructeurs. Les populations doivent s’adapter afin d’assurer leur sécurité alimentaire. Notre partenaire Concert’Action travaille avec les communautés locales à la mise en œuvre d’alternatives au système agricole actuel.

« L’objectif est de renforcer la résilience des écosystèmes pour permettre aux familles de s’adapter », Jean-Marie Joinville et Jean-Zenny Bazile Coffy, de l’association Concert’Action.

Pour aller plus loin, consultez nos infographies sur le sujet :
Climat : Pourquoi faut-il changer de système agricole et alimentaire ?

[1] Source : rapport SOFI, 2021.

[2] Source : Environmental Health Perspective, 2017.

[3] Source : Pas si net, OXFAM, 2021.

Stop compensation carbone : pourquoi cette campagne ? (FAQ)

octobre 4th, 2021 by

Face à l’urgence climatique et à l’approche de la COP26, le CCFD-Terre Solidaire se mobilise du 6 octobre au 12 novembre pour dire non aux fausses solutions pour le climat ! Parmi elles, la compensation carbone. Pourquoi dire stop ? On vous explique tout.

Pourquoi le CCFD-Terre Solidaire porte cette campagne ?

Bruxelles inondée, 50 °C au Canada … Les effets du dérèglement climatique sont de plus en plus visibles et affectent les populations du Sud comme du Nord.

Le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires, eux-mêmes témoins des ravages du réchauffement climatique, se mobilisent face à cette urgence. Leur objectif est de promouvoir des alternatives tournées vers l’écologie, la justice sociale et climatique.

À l’occasion de la COP26 qui se tiendra à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre 2021, le CCFD-Terre Solidaire sera présent pour faire entendre la voix des populations les plus affectées.

Bénévoles et partenaires unissent leurs forces pour porter cette campagne à travers de nombreuses mobilisations, partout en France et à l’international.

Qu’est-ce que la neutralité carbone ?


La neutralité carbone est l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre (GES)[1] et leur absorption par les “puits de carbone”. Ces derniers sont des réservoirs qui stockent (ou séquestrent), de façon naturelle ou artificielle, le carbone présent dans l’atmosphère.

Atteindre cette neutralité, c’est répondre à l’objectif du “zéro émission nette”[2], soit :
1 tonne émise – 1 tonne séquestrée = 0 émission.

Et cela passe par deux leviers :
– réduire une partie des émissions à la source
– compenser les autres par la séquestration du carbone

Mais comme aucune répartition claire entre les deux n’a été définie, les entreprises misent essentiellement sur la compensation carbone pour atteindre cet objectif de neutralité.

Pour aller plus loin : Neutralité carbone : vers le zéro pointé

Qu’est-ce que la compensation carbone ?


Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone, la compensation carbone est érigée comme la solution par de nombreuses multinationales.

Le mécanisme est simple : il consiste à compenser ses émissions de GES en finançant des projets de séquestration ou de réduction d’émissions de CO2.

Ainsi, sur les marchés carbone[3], les pollueurs peuvent acheter des “crédits carbone” aux bons élèves pour contrebalancer le CO2 qu’ils ont émis.

Planter un arbre : c’est mal ?


Sans être “mal”, planter des arbres pour compenser les émissions de GES est loin d’être une solution suffisante et présente de nombreuses limites :

– Seules les émissions de CO2 peuvent être compensées. Et même pour cela, il faudrait planter beaucoup d’arbres pour compenser l’ensemble de nos émissions. Cela nécessite des millions d’hectares et de nombreuses années avant que les arbres atteignent leur taille adulte et puissent accumuler l’équivalent du carbone émis. Pour aboutir, ce mécanisme nécessite du temps et de l’espace que nous n’avons plus.

– Le CO2 provenant des activités humaines s’ajoute à celui qui circule déjà naturellement dans l’atmosphère. Or, les arbres ont une capacité d’absorption limitée et les effets d’une sur-absorption peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la biodiversité.

– Dès lors qu’un arbre brûle ou se décompose, il rejette automatiquement dans l’atmosphère l’ensemble du carbone qu’il séquestre. Or, comme nous avons pu le constater cette année, les dérèglements climatiques engendrent une hausse du nombre d’incendies forestiers.

La compensation est donc un processus lent, soumis aux aléas de la biodiversité en même temps qu’il la met en danger, et nous détourne des enjeux vitaux de préservation des forêts primaires et de réduction des émissions de CO2.

Pour aller plus loin : « La compensation carbone ne sauve pas la forêt ! »

Pourquoi la compensation carbone est-elle inefficace ?


La compensation carbone – soit prétendre “gommer” ses émissions en plantant des arbres – est un leurre pondu par les lobbies des multinationales pour maintenir leurs activités tout en donnant l’impression de “faire leur part pour le climat”.

Scientifiquement, ce n’est pas une solution viable : aucune étude sérieuse ne démontre que le carbone est durablement capté par les arbres ou dans les sols. De plus, une tonne de gaz émise n’équivaut pas à une tonne de gaz “compensée”.

–  La compensation carbone ne peut pas être une fin en soi  : elle doit se faire en complément d’une réelle politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre plutôt que de s’en détourner.

Pour aller plus loin : Six mythes autour de la compensation carbone

Pourquoi la compensation carbone est-elle dangereuse ?


De nombreuses multinationales, avec la passivité ou la complicité des Etats, s’accaparent des milliers d’hectares de terres agricoles fertiles et nourricières, pour mener des projets de compensation carbone.

– Sur le plan des droits humains et de la biodiversité, les conséquences de l’accaparement de ces terres sont nombreuses et irréversibles : une mise à mal de la souveraineté alimentaire ; des populations et des communautés agricoles chassées de leurs terres et privées de leurs ressources, parfois dans la plus grande violence.

– Sur le plan écologique, la séquestration du carbone dans les sols, mais aussi dans les mers, menace de bouleverser ou de détruire irrémédiablement les écosystèmes.

Pour aller plus loin : Mozambique : les communautés contre la plaie du charbon

Pourquoi la compensation carbone est-elle injuste ?

Les populations qui polluent le moins sont celles qui payent le prix fort de la compensation carbone.
Les pays du Sud subissent déjà les revers de l’hyper-pollution des pays du Nord. Avec le mécanisme de compensation carbone, ils deviennent en plus “la poubelle à carbone” des gros pollueurs qui s’accaparent leurs terres pour séquestrer leurs émissions.

Et cela, dans des conditions injustes : le rachat des terres se fait bien souvent sans que les populations concernées n’aient leur mot à dire où qu’elles n’en voient la couleur, surtout dans les pays où règne la corruption.

Pendant ce temps, les Etats se dédouanent de toute responsabilité économique, sociale et civique. Ils entretiennent une politique d’abandon des souverainetés foncières et alimentaires.

Ce mécanisme est aussi injuste pour les consommateurs soucieux d’être responsable dans leur consommation, qui sont finalement dupés par les grandes entreprises qui transforment une pratique écologiquement douteuse en un argument marketing, proche de la publicité mensongère.

Pour aller plus loin : Brésil : les Indiens Huni Kuin face à leur destin

Que dénonce-t-on derrière la compensation carbone ?


En plus d’accentuer les inégalités sociales et environnementales, la pandémie de la COVID-19 a montré l’urgence de transformer nos modes de production et de consommation pour limiter le réchauffement climatique.

Plutôt que de réformer en profondeurs nos systèmes, les Etats et les principaux pollueurs optent pour la politique de l’autruche en favorisant de fausses solutions pour le climat.

En effet, depuis l’Accord de Paris, les objectifs de “neutralité carbone” fleurissent chez nombre d’acteurs. Pourtant, les mécanismes promus pour y répondre interrogent et inquiètent.

Lire aussi  : Neutralité carbone : le pari de la conversion plutôt que de la compensation

COP26 : que revendiquons-nous ?


– D’une part, la mise en place de politiques et de financements publics réduisant réellement les émissions de GES dans les secteurs les plus émetteurs (énergie, industrie, aérien). Et non des mesures qui, en quelque sorte, cachent sous le tapis les émissions de gaz dues à l’activité humaine. Compenser ce n’est pas réduire.

– D’autre part, ces mesures doivent intégrer une protection des droits humains et des écosystèmes, en incluant des garde-fous stricts et en créant une instance indépendante pour déposer des plaintes en cas de problème.

– Enfin, une aide au développement de systèmes productifs locaux et territoriaux, sobres en carbone et porteurs d’une vraie transition écologique, sociale, alimentaire et économique.

Le CCFD-Terre Solidaire a mis les terres nourricières au centre de son action et milite pour qu’elles soient absolument exclues des mécanismes de compensation via les marchés carbone de l’Accord de Paris.

Pour aller plus loin : COP 26 : tout ce qu’il faut savoir sur le prochain rendez-vous climat (FAQ)

Quelles autres alternatives sont possibles ?


Pour réduire l’impact du secteur agricole et aider les agriculteurs à s’adapter au changement climatique, il est nécessaire d’adopter une transition vers l’agroécologie paysanne et solidaire.

C’est-à-dire, la promotion de systèmes alimentaires qui intègrent toutes les dimensions – sociétale, économique, politique, environnementale – au-delà des seules pratiques agricoles.

Promouvoir l’agroécologie, c’est soutenir :
– la protection de la biodiversité
– la gestion démocratique des territoires et de leur ressource
– l’égalité femme-homme, l’agriculture familiale et les droits des populations paysannes, qui sont en première ligne de la lutte contre la faim dans le monde

C’est pourquoi, le CCFD-Terre Solidaire est mobilisé depuis 60 ans, aux côtés de celles et ceux qui œuvrent pour fonder un nouveau modèle de développement et encourager les acteurs politiques et privés à faire de même.

Stop Compensation ! Découvrez notre page de campagne

[1] Les gaz à effet de serre (GES) sont des gaz qui absorbent les rayons solaires et qui les retransmettent dans l’atmosphère sous forme de radiations : c’est l’effet de serre. Parmi ces gaz, on retrouve le dioxyde de carbone (CO2), mais pas seulement : le méthane et le dioxyde d’azote ont aussi un impact très important sur le réchauffement climatique.

[2] Neutralité carbone : l’objectif central de l’Accord de Paris est de limiter le réchauffement climatique à 1,5 voire 2°C. Pour atteindre cet objectif, l’Accord de Paris introduit une notion d’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et la séquestration du carbone. C’est ainsi qu’apparaît la notion de neutralité carbone.

[3] Sur les marchés du carbone, des acteurs (gouvernements, entreprises et particuliers) peuvent acquérir et vendre du carbone soit sous la forme d’émissions de gaz à effet de serre évitées (par exemple, en mettant hors service une centrale électrique au charbon et en réduisant la demande, ou en passant à des sources d’énergies renouvelables), soit sous la forme d’absorption de carbone (plantation d’arbres ou restauration d’écosystèmes). Cela se traduit par l’obtention de “crédits carbone” qui peuvent être revendus sur des marchés.

A Madagascar, le jeune Toavina lutte pour la justice climatique

septembre 24th, 2021 by

Toavina Rasolofoson fait partie de cette génération qui partout dans le monde s’engage pour la justice climatique. Avec l’organisation Craad Oi, soutenue par le CCFD-Terre Solidaire, il alerte sur l’impact du développement des industries extractives, consommatrices d’eau et de terres à Madagascar. Notamment dans le sud du pays en proie à une sécheresse historique.

En 2015, à 23 ans, Toavina Rasolofoson suit, par Internet, tous les travaux de la conférence de Paris sur le climat, la COP 21. Il prend conscience de l’urgence d’agir et de s’engager pour son île.
Une année plus tard il fait la connaissance de Zo Randriamaro, une sociologue malgache, l’une des fondatrices de l’ONG Craad Oi. « Elle sensibilisait les populations aux projets étrangers d’extraction de minerais rares qui induisent des risques climatiques importants » poursuit Toavina.

Prouver aux communautés qu’elles peuvent faire valoir leurs droits

© CRAAD-OI / CCFD-Terre Solidaire

Aujourd’hui, il assure à son tour des formations pour les adhérents du Craad Oi (Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement dans l’océan indien). L’organisation, qui a été créée en 2012, regroupe 6 000 membres, issus en majorité du monde ouvrier et paysan.
« Nous expliquons aux communautés les raisons du changement climatique et comment obtenir justice face aux dommages dont elles souffrent. Nous voulons prouver aux communautés locales qu’elles peuvent revendiquer leurs droits » explique Toavina.
C’est certain, ce jeune malgache prend sa vie au sérieux. Il n’y a qu’à voir son regard droit et grave, sa concentration durant les formations qu’il assure. Il achève, en même temps, son Master 2 de sciences politiques à l’université d’Antananarivo, après des études de droit.

Les “terres rares”, des minerais indispensables aux nouvelles technologies et dont l’exploitation est catastrophique

Taovina habite l’un des plus pauvres pays au monde. En même temps, le sous-sol de son île renferme des richesses qui intéressent le monde entier. Comme ces « terres rares » utilisées pour la fabrication des écrans d’ordinateur et omniprésentes dans les nouvelles technologies. « Les Allemands se sont intéressés à leur exploitation. Maintenant, ce sont les Chinois » constate Toavina.Ces exploitations minières, très gourmandes en énergie et en eau, accentuent la sécheresse et le manque d’eau.


Elles occupent des terres précieuses dans un pays où 80% de la population vit de l’agriculture.
« Nos terres sont fertiles et nous nourrissent. La rareté de l’eau et des terres crée des tensions ethniques et provoque des migrations de population » résume Toavina.


« Nous devons protéger nos terres. Les jeunes que je rencontre sont conscients des effets du changement climatique et persuadés que nous n’en sommes qu’au début de ce changement. Notre rôle est de les former et de les motiver à s’organiser pour faire entendre leur voix. »

Les grands états reconnaissent le changement climatique, leurs entreprises l’accentuent

© CRAAD-OI / CCFD-Terre Solidaire

Dans le sud de l’île, la situation est encore plus critique avec la sécheresse qui sévit depuis des mois. L’extraction de composants chimiques près de Tuléar nécessite beaucoup d’eau et cela contribuera à assécher la nappe phréatique.
Au sud toujours, QMM – filiale du groupe minier anglo-australien Rio Tinto – entreprend l’exploitation de l’ilménite, dans une zone où les équilibres agricoles sont fragiles.

Des pétitions, des marches, des procédures juridiques

Craad Oi défend la lutte des communautés riveraines du site minier de QMM-Rio Tinto pour l’indemnisation de leurs terres. Par des pétitions, des marches, des procédures juridiques et des alertes à la communauté internationale.
En 2015, Taovina avait été impressionné par l’unanimité des pays à la COP 21. Tous reconnaissaient les effets négatifs du développement économique sur le climat et leur responsabilité. 
« Mais les grandes entreprises des grands pays ont, sur le terrain, des comportements différents, notamment en multipliant les activités extractives. On nous annonce des taux de croissance mirobolants avec ces activités. Mais l’important pour nous c’est de continuer à avoir des aliments pour manger et vivre sainement. »
Taovina se forme sur la justice climatique sur You tube, est membre de groupes de discussions sur internet, grâce à sa maîtrise de l’anglais et du français. Une manière « de porter la voix des jeunes malgaches. »

Pierre Cochez

A lire pour en savoir plus sur le combat de Craad Oi :

Philippe : réfléchir ensemble pour défendre la justice climatique

septembre 21st, 2021 by

Bénévole depuis 15 ans au CCFD-Terre Solidaire, Philippe se mobilise pour une justice climatique, avec comme seul mot d’ordre “l’espoir”. À l’approche de la COP 26, il nous partage ses craintes et ses espoirs pour bâtir un monde plus juste, respectueux de tous les hommes et du climat.

© Léna Bousquet

© Léna Bousquet / CCFD-Terre Solidaire

Son engagement, le fruit d’un “long chemin”

Le sourire aux lèvres, empli d’une grande jovialité mais surtout d’une grande foi en l’homme, Philippe se décrit comme un “retraité actif” et “heureux”, en partie grâce à son engagement bénévole au sein du CCFD-Terre Solidaire. Celui-ci relève d’un “long chemin”.

Né sous l’occupation française en Algérie, Philippe a profondément été marqué par cette période qui l’a amené à se poser de nombreuses questions et a nourri son intérêt pour la politique internationale et les enjeux du développement.

Il s’engage en politique, mais demeure insatisfait des programmes, trop polarisé selon lui sur ce qu’il se passe en France, ou au mieux en Europe. Il décide alors de se tourner, avec son épouse, vers l’associatif.

Lorsqu’il rejoint le CCFD-Terre Solidaire, Philippe est marqué par la découverte d’un socle de valeurs fondamentales, dont la “subsidiarité” et “la priorité aux plus pauvres”, et la rencontre d’un réseau “fraternel” de bénévoles et de salariés.

La Justice Climatique : le défi majeur de notre époque

Ce sont ceux qui en souffrent le plus qui polluent le moins. Ça devrait nous empêcher de dormir !

Philippe est particulièrement mobilisé au sein du réseau thématique Justice Climatique du CCFD-Terre Solidaire. Lutter contre les effets et les injustices du dérèglement climatique est, selon lui, le principal enjeu de notre époque.

“On voit, par exemple, l’augmentation du nombre de catastrophes naturelles, d’incendies, de déforestations (…) On voit les pandémies, les problèmes d’accès à l’eau, les guerres, les gens qui n’arrivent plus à se nourrir… “.

Ce qui lui est intolérable, ce sont les profondes injustices qui se cachent derrière ces conséquences : “ce sont ceux qui en souffrent le plus qui polluent le moins. Ça devrait nous empêcher de dormir !”.

Et si nous n’agissons pas, la conséquence finale, c’est la disparition de l’humanité, alarme-t-il.

“On est une partie intégrante de cette Terre : quand on pollue la terre, on se pollue soi-même”.

COP 26 : l’espoir au cœur de sa mobilisation pour lutter contre les “fausses solutions” climatiques

À l’approche de la COP 26, qui se tiendra à Glasgow en novembre prochain, Philippe exprime ses craintes, mais aussi ses espoirs face aux enjeux qui se jouent.

“Ma principale crainte, et le CCFD-Terre Solidaire l’a bien mis en avant, c’est que les États sous la pression du lobbyisme des multinationales utilisent ce que nous appelons les “fausses solutions” qui ne résolvent absolument pas le problème qui est la diminution des émissions de gaz à effets de serre”.

Ces “fausses solutions” se caractérisent par une politique de compensation carbone promu par les états :

“si je pollue, je plante un arbre. Donc je pollue chez moi et je vais aller piquer un arbre dans un pays qui n’est pas encore cadastré”, ironise-t-il pour contester une logique, qui équivaut selon lui au “droit de polluer”.

Quand on pollue la terre, on se pollue soi-même

Mais Philippe préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide : il est porté par l’espoir que la COP 26 permettent des avancées pour parvenir à une politique climatique plus juste. Et il se réjouit de constater qu’une grande partie de la population, en particulier les plus jeunes, se mobilise de plus en plus.

Agir et réfléchir ensemble

Aux côtés du CCFD-Terre Solidaire, Philippe mène des missions de sensibilisation aux enjeux climatiques, notamment auprès des jeunes, en intervenant dans les collèges et lycées.

C’est ça l’action des bénévoles : c’est de mettre en place la sobriété heureuse

Il participe également à la Fresque du Climat : un atelier de réflexion sur le changement climatique qui consiste à trier 42 cartes issues du rapport du GIEC. L’objectif est de relier ces cartes entre elles pour faire ressortir les causes et les conséquences du dérèglement climatique et en visualiser la complexité et la systémie. Mais surtout de trouver des solutions grâce aux cartes de nos partenaires.

“C’est ça l’action des bénévoles : se former, s’auto-enrichir, se conforter, accepter la controverse pour pouvoir avancer, s’écouter. C’est de mettre en place la sobriété heureuse” résume-t-il en affichant un sourire heureux.

Pour Philippe, l’association est devenue, au fil des années, comme une “seconde famille”.

Découvrez d’autres témoignages :

En Amazonie : lutter contre l’esclavage moderne

septembre 17th, 2021 by

Jules Girardet, chargé de mission Amérique Latine nous éclaire sur un enjeu méconnu en Amazonie brésilienne : le développement du travail d’esclave. Avec lui, découvrons la lutte de la CPT contre cette indignité humaine.

Au Nord du Brésil, le drame de la servitude pour dettes dans les filières agricoles

« On a été traité pire que des bêtes ». C’est ainsi que se résume le témoignage des nombreuses personnes victimes d’esclavage dans le Nord du Brésil.

L’esclavage moderne est un autre fléau qui se cache derrière la déforestation de l’Amazonie, moins connu, et pourtant bien présent dans les filières agricoles brésilienne. Une réalité à laquelle sont confrontées près de 50. 000 personnes.

Recrutées à des milliers de kilomètres de chez eux, les travailleurs ne découvriront qu’à leur arrivée qu’ils seront prisonniers de leurs dettes.

Ils sont contraints de rembourser toutes les dépenses liées à leurs voyages, auxquels s’ajoutent bien souvent les outils, l’alimentation et le logement.

Une facture bien évidemment impayable qui les condamne à la servitude et au travail forcé dans des conditions indignes.

La CPT se mobilise pour éradiquer ce fléau

La Commission Pastorale de la Terre dans le Tocantins (CPT), que nous soutenons, intervient pour venir en aide aux personnes victimes et agir sur la dépendance vis-à-vis de ceux qui les exploitent.

L’association mène également un travail de prévention et de sensibilisation auprès de la sphère publique et politique.

Grâce à sa lutte, l’Etat brésilien a mis en place une politique nationale pour mettre fin à ces pratiques indignes. Depuis 1995, près de 55 000 esclaves ont été libérés.

Le regard de Bernard Pinaud :  « Nous devons nous mettre à leur service »

septembre 10th, 2021 by

À l’occasion de nos 60 ans, Bernard Pinaud, ancien Délégué général et compagnon de route de l’association, revient sur l’histoire du CCFD-Terre Solidaire. Il nous livre ses souvenirs les plus forts et analyse les évolutions actuelles.

Quel est votre souvenir le plus marquant au CCFD-Terre Solidaire ?

Certainement le Forum Terre d’Avenir en juin 1992 au Bourget, auquel j’ai participé alors que je n’étais pas encore salarié de l’association. 60 000 visiteurs, des milliers de jeunes, 400 associations, des centaines d’animations et de stands, 70 partenaires, des collectivités locales, un duplex avec plusieurs de nos partenaires présents au Sommet Mondial de Rio, une trentaine d’évêques, plusieurs ministres et même une prise de parole du Premier ministre de l’époque ! J’ai littéralement été subjugué par la capacité du CCFD-Terre Solidaire d’organiser un tel événement. C’était absolument incroyable. Ceux qui ont vécu cette rencontre en gardent un souvenir impérissable. À titre personnel, cela a achevé de me convaincre que je voulais travailler pour cette association capable de réunir autant de personnes et de mobiliser autant d’énergie.

Redécouvrons ensemble l’histoire du CCFD-Terre Solidaire. Quel est votre Top 5 des réussites de l’association ?

Je commencerais par la création de sa filiale Solidarité internationale pour le développement et l’investissement (SIDI) et de la finance solidaire en 1983. L’épargne solidaire ici, permet le microcrédit la bas. Il s’agit d’une vraie chaîne de solidarité, une innovation majeure au service de la solidarité internationale. Aujourd’hui, l’impact de la SIDI, c’est 102 partenaires dans 35 pays et 36,5 millions d’euros pour mener des projets concrets en faveur des plus démunis. C’est l’une des très belles réussites du CCFD-Terre Solidaire.

Puis, quelques années après le Forum Terre d’avenir, en 1999-2000, le CCFD-Terre Solidaire mène sa première grande campagne de plaidoyer, pour l’annulation de la dette des pays pauvres. Cette campagne va structurer la direction du plaidoyer du CCFD-Terre Solidaire qui sera inaugurée l’année suivante. C’est la première fois que les bénévoles de l’association participent à une action de plaidoyer. Le CCFD-Terre Solidaire coordonne alors une plateforme qui rassemble des ONG et par la suite des syndicats et des congrégations religieuses féminines. Ça donnait des échanges incroyables ! Au niveau international, 24 millions de signatures seront collectées par le collectif Jubilée 2000 dans plus de 100 pays, dont 500 000 en France. Cette campagne permettra d’obtenir des allègements de dettes et même des annulations.

L’affaire des biens mal acquis est aussi une grande avancée pour la justice sociale et une magnifique réussite pour notre association. Elle vient par ailleurs de connaître un dénouement incroyable. Quatorze ans après le dépôt de plainte contre Téodoro Obiang, Vice-président de la Guinée Équatoriale, les populations spoliées devraient en effet bénéficier prochainement du montant des biens mal acquis, soit 150 millions d’euros en programmes de développement. Rappelons-nous que ce processus a démarré par une étude menée par la direction du plaidoyer du CCFD-Terre Solidaire en 2007. C’est grâce à notre association que des hommes politiques corrompus peuvent craindre aujourd’hui de perdre leurs biens si mal acquis !

Autre réussite mémorable, la signature de l’accord de la COP 21, dit « accord de Paris ». Une signature obtenue grâce à la pression de la société civile sur les politiques. La présence du CCFD-Terre Solidaire dans la mobilisation citoyenne française, avec son réseau de bénévoles, ayant largement pesé. La synergie entre nos bénévoles, le partenariat international et le plaidoyer, sur un même événement, a renforcé l’impact tous azimuts de l’association à l’occasion de ce rendez-vous mondial.

Pour conclure le Top 5 des grandes réussites du CCFD-Terre Solidaire, je pense aussi au vote, le 21 février 2017, de la Loi relative au devoir de vigilance des sociétés mère et entreprises donneuses d’ordres. Un vote qui intervient après 4 ans de lutte menée par la société civile, avec le CCFD-Terre Solidaire en fer de lance. Cette loi est historique et reste actuellement la législation préventive la plus avancée au monde !

Quelle est la force du CCFD-Terre Solidaire, celle qui lui permet de surmonter les difficultés ?

Sa force réside dans la qualité de ses partenaires, qui permettent à 2,4 millions de personnes de sortir de la pauvreté, de voir leurs droits respectés et de s’inscrire à nouveau dans une dynamique citoyenne. Je lie cette réussite à la dynamique et à l’engagement exemplaire de son réseau de bénévoles, ainsi qu’au noyau dur de ses donateurs et bienfaiteurs. Leur fidélité a par exemple permis à l’association de maintenir son soutien aux partenaires même au plus fort de la crise sanitaire ! L’alliance des partenaires, des bénévoles et des donateurs, voilà le fondement des réussites du CCFD-Terre Solidaire.

Quels sont les enjeux auxquels le CCFD-Terre Solidaire devra faire face ces prochaines années ?

La sécurité et la souveraineté alimentaires restent au cœur des enjeux actuels, d’autant que la pandémie a plongé des millions de personnes supplémentaires dans la faim. Sur les questions économiques, le CCFD-Terre Solidaire créera certainement des alliances avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Compte tenu du réchauffement climatique, les migrations internationales seront de plus en plus présentes. La promotion de la paix et du vivre-ensemble sera, elle aussi, un enjeu majeur. Enfin, la dimension environnementale de notre association sera renforcée dans les années à venir pour bâtir une terre vivable pour les générations futures.

Comment voyez-vous l’avenir de la solidarité internationale ?

La solidarité à un avenir, parce qu’il y aura toujours des plus pauvres à aider, des inégalités à réduire. Mais l’évolution, c’est d’appréhender la solidarité dans le sens de l’appartenance à une même planète. Nous sommes passés d’une posture « nord-sud » à la compréhension des « défis globaux » dans la conscience de notre interdépendance et de notre appartenance à la même « terre patrie », dirait Edgar Morin. Je pense que la pandémie nous le redit fortement, parce qu’elle est liée à la déforestation, à la croissance urbaine, à notre modèle de développement. La solidarité c’est de relever ensemble les défis globaux. C’est ainsi qu’il faut, je pense, aborder la solidarité les prochaines années.

Ce travail est entamé, l’urgence de ces défis globaux est reconnue…

C’est vrai, mais de là à se dire ensuite « c’est important qu’on appuie des organisations des pays du Sud pour qu’elles luttent avec nous pour relever ces défis globaux », il y a encore du travail à faire…

Les partenaires du CCFD ne manquent pas pourtant de solutions. Comment les appuyer ?

L’une des particularités du CCFD-Terre Solidaire est de mettre en exergue les solutions, d’être porteur d’espérance, de dire « c’est possible puisqu’ils le font déjà ! ». Les solutions existent. Il faut savoir les voir et le CCFD-Terre Solidaire doit être en quête permanente de ces solutions proposées par les sociétés civiles. Puis il faut les donner à voir…

Mais dans quel espace d’expression commun ? Le FSM est en mode « silence radio ». Où se partagent ces solutions aujourd’hui ? Voyez-vous des espaces d’expression ?

Les sociétés civiles sont en plein bouillonnement. Pour preuve, toutes les mobilisations qui se sont déroulées avant l’épidémie, notamment de la part des jeunes, au Chili, au Liban, en Équateur, au Soudan, en Algérie, à Hong-Kong. C’est extraordinaire ! Tout cela a été freiné par la pandémie et la répression, mais cela dit que ces sociétés civiles sont vivantes, traversées par des aspirations aux droits, à la dignité, au bien-être. Ce bouillonnement prend des formes différentes d’autrefois. Il n’est pas structuré par les syndicats ou les ONG, il est plus spontané, plus jeune. Mais malheureusement, il n’y a pas d’espace où tous ces gens se rencontrent. C’était cela que permettait le FSM. Aujourd’hui, je n’en connais pas et cela manque, évidemment.

Effectivement, ces bouillonnements, ces hastags de révolte ne se cristallisent pas dans une parole plus structurée et partagée…

Si on prend la révolution du Jasmin en Tunisie, c’est bien parti de façon spontanée et cela a débordé les syndicats et les ONG. Mais ensuite, ces syndicats et ONG se sont mis à disposition de cette dynamique pour structurer des propositions. C’est ainsi qu’on a pu arriver à une assemblée constituante. Selon moi, on ne pourra jamais se passer de corps intermédiaires pour arriver à changer les institutions. Les hashtags ne suffiront pas, mais il faut les laisser vivre. Même si parfois leur expression nous déroute. Nous devons nous mettre à leur service.­­­­­

Où aimeriez-vous être aujourd’hui, aux côtés d’un des partenaires du CCFD-Terre Solidaire ?

J’aimerais être au Brésil, aux côtés de mon ami Chico Whitaker [organisateurs du Forum Social Mondial de Porto Alegre et ancien salarié du CCFD-Terre Solidaire] et de tous les militants entrés en résistance face au Gouvernement de Jair Bolsonaro. J’aimerais être avec eux, pour voir comment ils s’organisent…et pour protester avec eux.

Interview réalisée par Yann-Patrick Bazire – Mai 2021