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Empêcher un génocide à Gaza : « Il faut faire pression sur Israël »

février 13th, 2024 by

Dès le début de l’offensive israélienne à Gaza, nos partenaires palestiniens ont alerté sur le risque de génocide. Le 26 janvier 2024, la décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) saisie par l’Afrique du Sud a reconnu ce risque et « le droit des Palestiniens de Gaza d’être protégés contre les actes de génocide ». Un représentant de notre partenaire Al Haq témoigne de l’importance de cette décision, et appelle les autres Etats à tout faire pour arrêter « le génocide en train d’être perpétré », alors même que la situation à Rafah bascule.

Crédit photo de Une : Abed Zagout / ANADOLU / Anadolu via AFP

Al-Haq (« le Droit », en arabe), est une ONG palestinienne de défense des droits humains basée à Ramallah en Cisjordanie occupée. Fondée en 1979 par un groupe d’avocats palestiniens, elle est la plus ancienne organisation de ce type au Proche-Orient. Ses chercheurs et chercheuses documentent les violations des droits humains dans les territoires palestiniens occupés et produisent des études juridiques.

Al-Haq fait partie des organisations palestiniennes qui ont poussé les Etats à saisir la Cour internationale de Justice pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Nous avons interrogé un de ses juristes. Basé à Ramallah, ce chercheur veut garder l’anonymat. Il craint d’être arrêté par Israël. L’Etat hébreu mène en effet, parallèlement à la guerre contre la bande de Gaza, une importante campagne de répression et d’arrestations en Cisjordanie.

Nous nous félicitons de l’ordonnance de mesures provisoires de la CIJ. Il s’agit là d’une victoire pour la Justice internationale, d’un arrêt historique. La CIJ a déterminé qu’il existe un cas plausible de génocide commis par Israël à l’encontre du peuple palestinien à Gaza.

En ordonnant à Israël de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher la commission d’actes génocidaires, y compris le meurtre de Palestiniens en tant que groupe, de veiller à ce que son armée ne commette pas d’actes génocidaires et de permettre l’accès à l’aide humanitaire, la CIJ a reconnu la nécessité d’une action immédiate pour protéger le peuple palestinien. C’est une victoire pour nous, une des premières mesures tangibles prises pour mettre fin à l’impunité dont jouit Israël depuis 75 ans et pour lui demander des comptes. Il faut maintenant que la communauté internationale se mobilise et fasse pression sur Israël pour qu’il cesse immédiatement le feu. 

C’était révolutionnaire. L’Afrique du Sud a commencé par déclarer qu’elle reconnaît la Nakba en cours du peuple palestinien à travers la colonisation israélienne depuis 1948, le déni du droit à l’autodétermination des Palestiniens, le déni continu du droit au retour des réfugiés, le régime institutionnalisé d’apartheid d’Israël des deux côtés de la ligne verte.

Jamais je n’aurais pensé entendre ces mots dans l’enceinte d’un des principaux organes judiciaires des Nations unies. Ils l’ont été, de plus, par des Sud-Africains, dont nous connaissons la lutte contre l’apartheid. C’était incroyable. C’était un moment historique. Tout ce que nous pouvons dire à l’Afrique du Sud, c’est merci. Merci pour leur leadership et pour leur engagement en faveur des droits humains et des droits du peuple palestinien. 

Voir la plaidoirie de l’Afrique du Sud en images :

L’Afrique du Sud accuse Israël de génocide à Gaza devant la Cour internationale de justice. Le Monde.

Dès le 13 octobre, nous avons dit qu’il y avait un risque de génocide et nous avons poussé les États tiers à respecter leur obligation légale de prévenir les génocides.

Nous nous appuyions essentiellement sur les déclarations des responsables israéliens qui avaient manifesté leur intention. Celle du ministre de la défense, Yoav Gallant, décrivant les Palestiniens comme des animaux humains, avait déjà été publiée. Les Israéliens avaient déjà décidé d’assiéger la bande de Gaza pour couper l’eau, la nourriture, l’électricité, les médicaments, les fournitures essentielles à la vie humaine. Ces déclarations étaient déjà associées au meurtre de Palestiniens et à l’ordre de les transférer de force. C’est là que nous avons commencé à mettre en garde contre un risque de génocide. Aujourd’hui, ce que nous disons, c’est que le génocide est en train d’être perpétré. 

C’est un coup dur. Et cela sape fondamentalement l’ordre de la CIJ dans son ensemble, car les Etats tiers ont obligation de prévenir, mettre fin et punir tout acte de génocide. Ainsi, non seulement ces États n’ont pas respecté ces obligations juridiques, mais ils ont également été complices de cette injustice, notamment en s’opposant publiquement au cessez-le-feu et en continuant à fournir une assistance militaire à Israël. La suspension de leur contribution à l’UNRWA, l’une des seules – et des plus importantes – organisations humanitaires qui fournissent actuellement aux Palestiniens de Gaza de la nourriture, de l’eau et d’autres formes d’assistance, est en fait une violation de leurs obligations au titre de la convention sur le génocide. Ainsi, au lieu de suspendre l’aide militaire à Israël, ces États suspendent le financement d’activités d’aide et d’assistance essentielles et vitales !

Propos rapportés par Gwenaelle Lenoir

Lire tous nos articles sur Gaza :

Gaza : le cri de détresse de nos partenaires

février 9th, 2024 by

Théâtre d’un indicible drame, la situation à Gaza résonne aujourd’hui à travers les voix de nos partenaires sur place, Filastiniyat et Culture et Pensée Libre (CPL). Ils nous partagent leur sentiment de terreur et le courage dont leurs équipes font preuve pour aider autant que possible la population.

Crédit photo de Une : Mahmud Hams / AFP

Alors que le premier ministre Israélien a annoncé vendredi 9 février le lancement d’opérations terrestres à Rafah, dans le sud de la Bande de Gaza, nous exprimons notre vive préoccupation concernant le sort des habitants. Une employée de notre partenaire Filastiniyat, actuellement sur place, a partagé dans un message ce 12 février que « la nuit avait été extrêmement violente » et que « la situation est terrifiante ».

Filastiniyat, l’une des associations que nous soutenons à Gaza, s’engage activement à soutenir les jeunes et les femmes journalistes en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.

« Nous voulons que  cette guerre s’arrête, que cette folie prenne fin. Nous voulons dormir dans le calme. Les enfants sont terrorisés ».

La ville de Rafah, qui comprenait environ 280 000 habitants, accueille actuellement plus de 1,4 millions de déplacés, soit une immense majorité de la population Gazaouie, lourdement affectée par les opérations militaires israéliennes.

« Si nous pensons à fuir, où pouvons-nous aller ?  toute la Bande de Gaza est menacée, il n’y a pas d’endroit sûr ».

Lire aussi cet interview de notre partenaire Al Haq : Empêcher un génocide à Gaza : “Il faut faire pression sur Israël”

Dans le Sud de Gaza : en première ligne depuis octobre

Depuis octobre, la tragédie frappe nos partenaires de plein fouet. Avant la guerre, notre partenaire Culture et Pensée Libre donnait accès à de nombreuses activités éducatives et socio-culturelles, telles que la danse, le théâtre, la peinture ou encore le sport, à des jeunes et des femmes palestiniennes. Lors de nos derniers échanges avec eux, nous avons appris que trois membres de leur équipe ont été tués dans les bombardements israéliens.

Des enfants et jeunes bénéficiaires des activités de CPL ont également été touchés.

Les bombardements israéliens ont également décimé des pans entiers des familles des membres de l’équipe.

La quasi-totalité des employés a été déplacée et la plupart d’entre eux ont perdu leur logement, complètement ou partiellement détruit. Les conditions du déplacement ont été extrêmement traumatisantes. Des membres ont perdu de vue des proches pendant leur fuite depuis Khan Younes vers Al Mawasi, et n’ont pu les retrouver qu’après plusieurs heures.

Majeda Al-Saqqa, la directrice de CPL, nous a indiqué qu’elle avait perdu contact avec plus de 35 membres de son équipe. Par ailleurs, 10 familles et 3 employés sont restés bloqués pendant plus de deux semaines, encerclés par l’armée israélienne, dans l’un des abris où ils s’étaient réfugiés. Leur évacuation n’a pu avoir que le 5 février dernier, malgré des demandes répétées d’aide envoyées ces dernières semaines à l’UNRWA et au Comité International de la Croix-Rouge.

Toutes ces tragédies confirment les informations transmises depuis des mois par les journalistes palestiniens et les organisations de défense des droits humains.

Un soutien acharné malgré l’adversité

Les locaux où s’exerçaient les activités de CPL ont été évacués et lourdement endommagés par les opérations militaires israéliennes. Depuis le début du conflit, ces locaux abritaient des personnes déplacées en raison des bombardements israéliens. L’étendue des dégâts reste inconnue car la plupart se situent en zone active de combats, dans la ville de Khan Younes.

Malgré les circonstances, les équipes de CPL- elles mêmes déplacées – s’efforcent de fournir un soutien aux personnes affectées par les opérations militaires à Khan Younes. Deux des trois abris installés par CPL à proximité de la ville, dans la zone d’Al Mawasi, continuent de recevoir et d’abriter des familles.

L’appel à don lancé par le CCFD- Terre Solidaire leur a permis de renforcer leur intervention. Les équipes sur place fournissent des produits et services de première nécessité tels que des tentes, des matelas, des couvertures, une assistance financière, de la nourriture et des produits d’hygiène.

17 octobre 2023. Le début de la réponse d’urgence de CPL pour accueillir les déplacés de Gaza dans les centres (tous détruits dorénavant).

Blocus et pénuries

Cependant, le soutien apporté par CPL ne suffit pas à répondre aux besoins croissants des familles qui ont tout perdu et font face à une augmentation vertigineuse des prix due au blocus persistant.

L’entrée de l’aide humanitaire se fait au compte-goutte. Des denrées essentielles comme les fruits sont devenus introuvables, tandis que les légumes, disponibles en quantités limitées, sont vendus à des prix inabordables pour de nombreuses personnes.

Les familles récemment évacuées de Khan Younes vers Al Mawasi se trouvent dans le dénuement le plus complet. Majeda Al-Saqqa nous explique que « des centaines de familles sont sans abri, sans chaussures ou chaussons, sans vêtements chauds, et dorment dans la rue à proximité de la plage. » Mi-janvier, CPL accueillait déjà plus de 200 familles, soit plus de 1000 personnes, dans ses abris. Ce chiffre est vraisemblablement bien plus élevé aujourd’hui en raison des déplacements massifs dus aux opérations militaires israéliennes dans la ville de Khan Younes.

Nos partenaires à Gaza épuisés et inquiets pour l’avenir

Le 26 janvier dernier, une ordonnance de la Cour internationale de Justice a enjoint à Israël de prendre rapidement des mesures conservatoires, notamment de “prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission” d’actes constitutifs du crime de génocide et de permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire.

Malgré cette décision, nos partenaires sur place ne voient aucun changement et sont à bout de souffle. Ils sont dépassés par l’ampleur des besoins et des pertes subies, et extrêmement inquiets pour l’avenir.

POUR EN SAVOIR PLUS :

Lire l’article sur la mobilisation de CPL : À Gaza, notre partenaire se mobilise

Inde : l’éducation, un enjeu crucial pour le pays le plus peuplé du monde 

janvier 24th, 2024 by

A l’occasion de la journée de l’éducation, nous vous emmenons en Inde, le pays le plus peuplé du monde, où l’éducation représente un défi hors du commun. Si l’éducation est obligatoire, c’est un défi de scolariser un nombre toujours croissant d’enfants. Sur les bords de la rivière Kosi, dans l’état du Bihar, notre partenaire Paridhi se mobilise pour permettre aux enfants des communautés les plus marginalisées d’apprendre à lire, écrire et compter.

L’Onu l’a annoncé mi-avril. Avec 1,417 milliard d’habitants, l’Inde est désormais le pays le plus peuplé au monde. Comparé à la Chine, que l’Inde dépasse désormais, la population se caractérise par sa jeunesse : 40 % de la population a moins de 25 ans.

Des inégalités face à l’analphabétisme

A l’échelle du pays tout entier, plus de 300 millions de personnes sont analphabètes, avec des variations très importantes entre les différents états, les campagnes et les villes, les hommes et les femmes, les plus âgés étant aussi les plus concernés. 

L’état du Karnataka dans le sud de l’Inde se targue ainsi d’un taux d’alphabétisme de presque 100%, quand l’État du Bihar au nord ne dépasse pas 70%.  

Dans cet état, la situation est critique pour les populations qui vivent entre les rives de la rivière Kosi. Parmi la communauté Musahar qui vit là, seulement 3% savent lire, et le chiffre tombe à 1% pour les femmes.  Il n’y a pas d’école gouvernementale et pas de centre pour les enfants en bas âge entre les digues. Les enfants aident leur famille à cultiver la terre et à élever les buffles, et sont souvent gardés par leurs grands-parents. Quand ils ont accès aux écoles situées sur les rives, les enfants doivent parfois y aller à la nage pendant la saison des pluies. 

Pour les habitants de la rivière Kosi, l’analphabétisme pèse sur les perspectives d’avenir des adultes. Alors qu’il leur est de plus en plus difficile de vivre de leurs terres, la majorité des hommes partent travailler dans d’autres régions comme travailleurs agricoles ou les chantiers de construction. Sans instruction, ils font les taches plus dures, et se retrouvent démunis quand ils sont confrontés à des employeurs malhonnêtes, sans pouvoir défendre leurs droits. 

La première des demandes : l’éducation

Dans toutes les communautés que nous avons rencontrées, l’accès à l’éducation pour les enfants est la première des demandes que formulent les communautés. Alors même que la malnutrition est visible, que l’accès aux soins de bases est problématique, la priorité pour les femmes est clairement l’éducation, seule chance selon elles d’un avenir meilleur pour leurs enfants.  

Ceci a poussé notre partenaire PARIDHI à soutenir la création de 8 centres d’éducation alternatifs entre les digues qui accueillent les enfants de 4 à 14 ans. Au sein de ces centres, les enfants apprennent les bases, notamment à lire et à compter. Ils suivent des cours d’anglais, de hindi et de mathématiques.  

Les conditions restent précaires. Les centres communautaires sont construits en bambou et en paille, comme les maisons. L’un des centres d’éducation a déjà été détruit une fois par une tempête avec des vents de plus de 80 km/h. Pendant la mousson, les enfants ont du mal à rejoindre les centres. L’un de professeurs nous montre la peau d’un serpent visible dans la charpente de l’école.  

Mais ces centres sont aussi la fierté des communautés. Le soir, des formations sont organisées aussi pour les adultes. L’un des sujets de préoccupation est notamment d’arriver à s’organiser pour obtenir la création d’écoles gouvernementales pour les enfants qui vivent entre les digues. 

Pour les jeunes qui veulent poursuivre leurs études, les défis sont nombreux. Chaque année, des millions de jeunes arrivent sur le marché du travail en Inde sans que celui-ci ne propose suffisamment de postes.  La concurrence entre jeunes diplômés est rude. Partout sur les murs des villes et les écrans fleurissent les publicités valorisant des formations privées. Et les familles de la classe moyenne s’endettent parfois lourdement pour offrir des études à leurs enfants.  

Dans la ville de Supaul, Paridhi a créé la première bibliothèque publique, et met à disposition des étudiants des livres, et des ordinateurs. Fidèle à sa préoccupation de créer du lien entre les habitants de la rivière Kosi, certains sont devenus volontaires locaux et mènent des opérations de nettoyage des rives. 

Pour aller plus loin

Effondrement du barrage de Brumadinho : l’heure de vérité pour les banques ?

janvier 23rd, 2024 by


Le 25 janvier 2024 marque tristement le cinquième anniversaire de l’effondrement du barrage minier de Brumadinho, la pire catastrophe environnementale et industrielle du Brésil. Cinq ans après, les regards se tournent vers les banques qui financent l’entreprise brésilienne Vale S.A., qui a fermé les yeux sur les protocoles de sécurité du barrage.

Il y a 5 ans, la rupture du barrage de Brumadinho

Situé dans l’Etat du Minas Gerais au Brésil, l’effondrement de ce barrage minier situé dans l’Etat du Minas Gerais au Brésil a eu des conséquences dévastatrices sur les communautés locales et l’environnement.

272

personnes ont perdu la vie

12 millions

de mètres cubes de résidus toxiques ont été déversés

L’effondrement de Brumadinho a eu lieu en raison des négligences flagrantes de la multinationale brésilienne Vale S.A.. Certifié par une entreprise allemande qui avait des intérêts avec Vale S.A., les entreprises laissaient penser que le barrage était sous contrôle. 

A la suite du drame, Vale S.A. a promis 7 milliards de dollars pour réparer les dégâts. Mais cet accord exclut les représentants des communautés affectées.

Outre le manque de transparence de l’accord, ces fonds ont été utilisés pour des investissements d’infrastructure dans l’État, tels qu’une route régionale reliant des zones de projets miniers, plutôt que pour des réparations visibles pour les communautés affectées ou la décontamination de la rivière Paraopeba, qui permettait à 200 000 personnes de vivre de la pêche ou de l’agriculture.

Une fois encore, l’industrie a été privilégiée au détriment de l’environnement. 

Pour en savoir plus, découvrez le témoignage de Marina De Olivereira, défenseuse des droits humains et de l’environnement à Brumadinho :

Des banques françaises impliquées

Parmi les investisseurs de la multinationale, trois banques françaises apparaissent : BNP Paribas, le Crédit Agricole et le groupe BCPE.

Le Crédit Agricole, notamment, est le premier des 20 principaux créanciers du secteur minier brésilien sur la période 2016-2021 avec plus 698 millions de dollars de prêts et souscriptions.

Cette tragédie montre que les investisseurs ne prennent pas suffisamment en compte l’impact de leurs investissements dans le secteur minier.

5 ans après l’effondrement de Brumadinho, la menace d’une nouvelle catastrophe persiste

L’Etat du Minas Gérais dispose de nombreuses mines qui contribuent à l’économie, en fournissant des ressources minérales telles que le minerai de fer, l’or et d’autres métaux précieux.

En plus de ses mines, l’Etat du Minas Gerais détient le plus grand nombre de barrages au Brésil, avec un total de 3 000 structures de tous types.

27

de ces structures sont des barrages miniers appartenant à VALE

2

d’entre eux présentent un risque imminent de rupture.  

Trois ans avant l’effondrement de Brumadinho, le pays avait déjà été secoué par l’effondrement du barrage minier de Fundão près de Mariana, trois ans plus tôt.

Un meilleur encadrement des investisseurs s’impose

Actuellement, l’accord pour la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises ne couvre pas le secteur financier. Au CCFD-Terre Solidaire, nous nous mobilisons pour combler cette lacune.

Seule une synergie entre les investisseurs, les organisations de la société civile et les communautés locales pourra orienter l’industrie minière vers le respect des normes de sécurité, de préservation de l’environnement, de respect des droits humains et de responsabilité des entreprises. 

En parallèle, nous continuons de nous mobiliser pour que d’autres régulations internationales voient le jour et que la responsabilité des acteurs financiers soit intégrée dans cette ère de vigilance. 

Étapes après étape, malgré les discrédits puis les refus politique, l’intrusion si forte des lobbies, une législation peut naître.

JEAN-FRANÇOIS DUBOST, DIRECTEUR DU PLAIDOYER AU CCFD-TERRE SOLIDAIRE

Soutien aux communautés victimes de l’effondrement : 5 ans d’engagement du CCFD-Terre Solidaire

Depuis plusieurs années, et notamment via notre soutien au documentaire l’Illusion de l’Abondance, nous relayons le combat des communautés affectés par ce drame dans la région de Mina Gerais. Nous avions ainsi accueilli en France en février 2023, Carolina de Moura, une des activistes, et protagonistes du film, pour l’accompagner dans son plaidoyer pour obtenir justice auprès des acteurs européens impliqués et de la multinationale brésilienne.

Aujourd’hui, aux côtés d’une coalition d’ONG (Both Ends, Miseror, FIDH, BankTrack, ECCHR…) nous nous mobilisons pour marquer les 5 ans de la tragédie minière de Brumadinho et cibler les investisseurs dans l’industrie minière, en particulier dans l’entreprise Vale S.A.

POUR EN SAVOIR PLUS :

Birmanie : comprendre la résistance trois ans après le coup d’état

janvier 22nd, 2024 by

Trois ans après le coup d’état en Birmanie, la résistance de la société civile birmane continue, malgré une répression constante.

On vous explique.

Printemps Birman et désobéissance civile : trois années de lutte

Le 1er février 2021, le général Min Aung Hlaing perpètre un coup d’état en Birmanie contre le gouvernement démocratiquement élu d’Aung San Suu Kyi.

Le coup d’état suscite de fortes protestations. Des dizaines de milliers personnes de toutes ethnies manifestent pacifiquement leur opposition.

Une  immense révolution prodémocratie s’enclenche. Un large mouvement de désobéissance civile se structure à travers le pays. Fonctionnaires, personnel soignant, personnel éducatif, ouvrières et ouvriers cessent de travailler pour marquer leur désaccord avec le coup d’état. C’est ce qu’on appelle le “printemps birman”.

L’objectif ? Faire tomber les institutions publiques désormais contrôlées par un pouvoir militaire.

Le mouvement pacifique est massif. Dans les premiers mois qui suivent le coup d’Etat, on estime que 90 % du personnel soignant fait partie de la désobéissance.

Trois mois après le coup d’Etat, alors que les généraux demandent la réouverture des universités jusque-là fermées pour cause de pandémie, 70 % du personnel éducatif, administratif et des étudiants sont absents.

Répression post- coup d’état et crimes de guerre en Birmanie

Après le coup d’État, la junte réprime violemment les protestations et rend quasiment impossible toute manifestation pacifique pour la démocratie.

Aujourd’hui, il est quasiment impossible de manifester pour la démocratie dans les villes contrôlées par l’armée. La junte traque toutes les initiatives qui minerait son pouvoir.

Sous couvert de leur soutien au mouvement prodémocratie, les civils sont les premières cibles de cette répression. Outre les arrestations et tueries de citoyennes et citoyens, l’armée attaque des écoles, des hôpitaux et des villages situés dans les zones tenues par les groupes de résistance armée.

25 000

personnes sont emprisonnées pour des “raisons politiques”

70

attaques aériennes par mois en 2023 sont commises pas la junte

20%

des victimes sont des enfants

2,6 millions

de civils sont contraints de vivre hors de leur domicile

Le Rapporteur spécial des Nations Unies pour la Birmanie parle de crimes de guerre et dénonce les atrocités commises à l’encontre des civils.

Les “Quatre Coupes” de la Junte en Birmanie

La stratégie des « quatre coupes » menée par la junte vise à épuiser la population en coupant (1) l’accès aux vivres, (2) aux transferts de fonds, (3) aux flux d’informations et (4) aux déplacements.

CETTE VOLONTÉ DE LA JUNTE DE CONTRÔLER LES VIVRES ET D’AFFAMER SA POPULATION N’EST PAS NOUVELLE. CE QUI EST NOUVEAU EST QU’ELLE EST CIBLÉE CONTRE TOUTES LES POPULATIONS DU PAYS.

MARION TERTRE, CHARGÉE DE MISSION ASIE AU CCFD-TERRE SOLIDAIRE

A cela s’ajoutent des difficultés économiques importantes. Depuis le coup d’Etat, la Birmanie est plongée dans une crise économique sans précédent.

la moitié

de la population vit sous le seuil de pauvreté

un quart

de la population souffre de la faim

Pour en savoir plus sur les stratégies de la junte utilisant l’arme de la faim, écoutez notre podcast :

La société civile au premier rang de la mobilisation

Alors que le pays est plongé dans une guerre qui oppose la junte à des groupes armés révolutionnaires, les organisations de la société civile se mobilisent pour soutenir la population.

Une partie d’entre elles se substitue aux services publics, effondrés dans de nombreuses zones. Les associations créent des écoles, des hôpitaux alternatifs, employant des membres du Mouvement de désobéissance civile.

Le manque de moyens pour répondre aux besoins de la population est toutefois criant. Les risques d’une génération sacrifiée, sans accès à l’éducation, sont réels.

Les organisation locales birmanes sous la pression de la junte

Les organisations locales en Birmanie font face aux répressions constantes de la junte. L’armée mène une politique assumée de démantèlement de la société civile et cherche à anéantir toute forme de mobilisation.

Le 28 octobre 2022, elle a proclamé une loi obligeant les organisations de la société civile et les ONG internationales à renouveler leur enregistrement auprès des autorités du pays, sous peine d’amendes ou de condamnation à de la prison. La loi donne également à la junte un droit de visu sur les activités des associations, leurs publics cibles, leurs membres, ce qui, dans le contexte actuel, est extrêmement problématique.

Se mobiliser en Birmanie est donc particulièrement difficile. Une partie des personnes militantes a dû s’exiler, principalement en Thaïlande. Celles restant en Birmanie continuent de travailler, de façon discrète, en se confrontant quotidiennement aux coupures de courant, d’internet, aux difficultés de déplacement à l’intérieur du pays, et aux contrôles de la junte.

Et pour nos partenaires ?

Toutes et tous rapportent les risques d’arrestations et d’emprisonnement. Des menaces pèsent également sur leurs familles.

Malgré les intimidations, les déplacements, voire l’exil, les organisations partenaires du CCFD-Terre Solidaire poursuivent avec vaillance leur engagement pour la démocratie et le portage des voix citoyennes.

Y a-t-il toujours de l’espoir pour la démocratie en Birmanie ?

A l’heure où la Birmanie entre dans sa quatrième année sous gouvernement militaire, les cartes sont redistribuées.

Depuis novembre 2023, les armées de résistance en Birmanie multiplient les offensives contre la junte. Plusieurs villes tombent et passent sous la coupe dirigeante des administrations ethniques ou du Gouvernement d’Unité Nationale (NUG), gouvernement démocratiquement élu à la suite des élections de novembre 2020.

Ces victoires armées vont dans le sens d’une déconfiture plus large de l’armée. Ses ressources financières manquent et elle peine à se maintenir.

La récente évolution du conflit est porteuse d’espoir pour le peuple birman. Toutefois, de multiples questionnements et incertitudes accompagnent ces changements contextuels. Quelle gouvernance pour les zones dites libérées ? Comment s’assurer que la démocratie prévale dans ces territoires ? Comment construire des mécanismes de justice qui jugent équitablement le camp de l’armée mais aussi celui de la résistance contre la junte ?

Plus largement, le pays s’enfonce dans la guerre, loin de l’attention de la communauté internationale. Si les civils espèrent voir la démocratie éclore rapidement, ce sont aussi les premiers à devoir endurer la multiplication des conflits.

VICTOIRE POUR LA DIRECTIVE EUROPÉENNE DEVOIR DE VIGILANCE

décembre 18th, 2023 by

Dans la nuit du 13 au 14 décembre 2023, l’un des combats de longue date du CCFD-Terre Solidaire a atteint un dénouement historique.Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ont conclu un accord politique crucial sur la directive concernant le devoir de vigilance des entreprises. 

Jean-François Dubost, directeur de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire, revient sur cette victoire de l’association :

10 ans après le drame du Rana Plaza qui avait réveillé les consciences sur les impacts de l’activités de certaines multinationales sur les droits humains, l’Union européenne prend la suite de la France qui, en 2017, s’était dotée d’une loi sur le devoir de vigilance (autre combat du CCFD-Terre Solidaire) en devenant le premier espace régional à se doter d’une législation contraignante. 

Cette étape illustre ô combien le plaidoyer est affaire de détermination, d’endurance et de persévérance. Elle montre comment, étapes après étape, malgré les discrédits puis les refus politique, l’intrusion si forte des lobbies, une législation peut naître. Elle est pour nous, CCFD-Terre Solidaire, la traduction concrète de cette conviction que les acteurs économiques ne doivent pas être hors-droit, et que justement les Etats ont toute leur place et toute leur responsabilité pour les encadrer. 

Merci à vous qui avez signé, parlé, relayé, battu le pavé pour le devoir de vigilance. Toutes ces énergies montrent qu’il n’y a pas de victoire sans citoyen.ne.s engagé.e.s et impliqué.es. 

Cette histoire n’est pas terminée. Du moins une nouvelle commence. 

Le texte adopté reste en effet insuffisant à bien des égards, y compris du fait de l’obstruction irresponsable du Gouvernement français concernant notamment :
– le secteur financier
– les obligations climatiques
– la reconnaissance des droits des peuples autochtones.  

 Nous déplorons en effet le manque d’ambition de cette directive sur plusieurs points cruciaux : définition étroite des atteintes à l’environnement et des dommages couverts par la directive, exclusion de l’Accord de Paris, exclusion des services financiers de l’obligation générale de vigilance, etc.

Désormais devant nous, s’ouvre le temps de la transposition de ce texte dans le droit français. Deux ans sont donnés au Gouvernement pour le faire. Nul doute que ces deux années seront aussi deux années de combats, d’espoirs, de déceptions…
Mais notre détermination est réelle et notre engagement sans faille. En parallèle, nous poursuivons aussi notre action pour que, désormais, la communauté internationale, à l’ONU se dote d’un traité contraignant. 

JEAN-FRANÇOIS DUBOST, DIRECTEUR DU PLAIDOYER AU CCFD-TERRE SOLIDAIRE

LE PLUS : Et après la directive européenne ? 

Le texte sera soumis au vote du Conseil de l’UE et du Parlement européen début de l’année prochaine, avant d’être transposé dans chaque État membre. 

En France, le Gouvernement dispose de deux ans pour le faire. Ces deux années seront sans aucun doute marquées par de nouveaux combats. 

Nous restons plus que jamais mobilisé·es pour garantir le respect des droits des personnes affectées et de l’environnement. 

Parallèlement, notre action se poursuit pour que l’ONU adopte également un traité contraignant.

POUR EN SAVOIR PLUS :

NOËL : 12 bandes dessinées à offrir à vos proches

décembre 15th, 2023 by

Découvrez notre sélection de 12 bandes dessinées pour un Noël original, engagé et tout sauf ennuyeux! Offrez des moments de plaisir tout en explorant nos combats à travers l’univers captivant de la BD. Une belle manière de partager ses passions de manière créative

Les bandes dessinées qui vous transportent dans la vie des autres

Voici trois récits, légers ou bouleversants.

1. Aya de Yopougon

Créée par Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, cette bande dessinée est une chronique sociale qui se déroule dans le quartier populaire de Yopougon à Abidjan. Elle offre un regard sur la société ivoirienne des années 70-80 à travers trois jeunes femmes. L’héroïne, Aya, observe avec sensibilité et humour les enjeux de son pays pendant la période de croissance économique appelée le “miracle ivoirien”. Le dernier opus, sorti en 2022, aborde des thèmes tels que l’homosexualité et le mal-logement des étudiants.

2. L’odyssée d’Hakim

Hakim aime cultiver les roses et son métier de pépiniériste. Son affaire marche bien. A travers lui se découvre la vie en Syrie à la veille de la révolution. Les premières manifestations éclatent, il porte secours à des blessés, les forces de sécurité le recherche. Sa famille lui enjoint de fuir. La Jordanie, la Turquie, les Balkans, on le suit, d’abord seul puis avec son fils, sans pouvoir s’arrêter, jusqu’à son arrivée en France…

3. Le ciel dans la tête

Tout commence dans l’obscurité d’une mine sinistre, qui engloutit ses travailleurs, encore enfants. Voici le point de départ du somptueux roman graphique d’Antonio Altarriba. Il nous plonge dans le périple de Nivek, d’une mine de coltan en RDC jusqu’aux confins de l’Europe. Le scénariste espagnol offre un récit graphique à la fois politique et poétique, d’une puissance rare.

La bande dessinée de fiction

Pour une expérience diversifiée, plongez dans les bandes dessinées de fiction. Ce genre puise son inspiration dans des événements ancrés dans une réalité alternative pour stimuler la réflexion sur les transformations de notre monde.

4. Le voyage de Shuna

Shuna, prince d’une contrée pauvre, regarde impuissant ses sujets souffrir de la faim et se tuer à la tâche. Comment faire pousser les céréales que leur terre stérile leur refuse? C’est alors qu’il entend parler de graines miraculeuses qui pourraient nourrir son peuple. Mais ceux qui les détiennent entendent garder leur monopole. Ca vous évoque quelque chose? Dans cet unique ouvrage dessiné, Miyazaki, surtout connu pour ses films animés, s’inspire d’un conte tibétain et nous transporte une fois de plus dans un univers riche et merveilleux

5. Frontier

Suivez Ji-Soo, une scientifique confrontée à l’avidité de “Energy Solution” dans un monde dystopique spatial. La première partie expose la critique du capitalisme et d’une société-état fasciste, tandis que la deuxième s’aventure vers une alternative, soulignant des thèmes décroissants et inspirés du “buen vivir”. Bien que technologique, l’histoire de “Frontier” invite à la réflexion et à des changements radicaux.

Les bandes dessinées documentaires

Dans cette série, plongez au cœur de documentaires graphiques authentiques qui s’inscrivent dans un registre engagé et militant.

6. L’argent fou de la Françafrique

Voitures de luxe, œuvres d’art, hôtels particuliers parisiens… La bande dessinée “L’argent fou de la Françafrique” relate pour le grand public l’enquête menée pour dénoncer ce vaste détournement de fonds public par des dirigeants africains au détriment des populations locales. Un récit haletant autour d’un scandale politico-financier révélé par le CCFD-Terre Solidaire. 

7. Jérusalem

En 10 chapitres, acteurs et témoins, célèbres ou anonymes, toutes celles et tous ceux qui ont arpenté Jérusalem au fil des siècles racontent ce mille-feuille d’influences composites. Rien n’est inventé : scènes et dialogues proviennent de plus de 200 sources publiées et d’archives inédites, pour donner chair à ce récit choral. L’occasion aussi de découvrir l’historien Vincent Lemire, porteur d’une parole forte sur le conflit actuel

Les bandes dessinées reportages

Dans cette série, à mi-chemin entre le journalisme, la fiction et le dessin, explorez des bandes dessinées abordant des questions d’actualité à travers l’image.

8. Algues vertes, l’histoire interdite

Il faut lire la BD Algues Vertes pour comprendre l’ampleur de ce qui se trame en Bretagne et le piège dans lequel se retrouvent piégés de nombreux agriculteurs et agricultrices. Comprendre aussi la place particulière de l’agroindustrie en Bretagne, et des difficultés à faire évoluer un système devenu fou. Car aujourd’hui les questions des algues vertes et du mal être agricole sont bien loin d’être résolues.

9. À qui profite l’exil ? Le business des frontières fermées

À qui profite l’exil ? C’est la question que se pose Taina Tervonen dans une compilation de reportages effectués pour La Revue dessinée entre 2015 et 2022. Dans cette bande dessinée réalisée avec Jeff Pourquié, la journaliste se heurte aux acteurs qui s’enrichissent d’une manière ou d’une autre de ce business des frontières fermées. Elle raconte aussi le périple de ceux qui partent, la douleur de ceux qui restent et la persévérance de ceux qui aident.

Les bandes dessinées historiques

Au sein de cette série, plongez dans différents épisodes de l’histoire !

10. Une histoire du droit international

C’est à une histoire dense et très documentée que nous invite les auteurs de cette histoire du droit international. Une histoire critique aussi, qui met en évidence les avancées et les reculs incessants de grands principes soumis avant tout aux rapports de force et aux plus puissants. Une lecture presque indispensable dans un contexte ou les populations des pays du sud se sentent de plus en plus exclus de ces beaux principes et où nos organisations peinent à se faire entendre.

11. L’incroyable histoire de l’Eglise

Au commencement était Jésus et son enseignement révolutionnaire. Au cours de son histoire, l’Eglise catholique ne cessera de mettre à mal ses principes. Conquêtes armées, inquisition, patriarcat, abus spirituels et sexuels. L’histoire de l’Eglise a largement de quoi faire désespérer. Faudrait-il pour autant se priver de l’histoire incroyable de celles et ceux qui ont voulu rester fidèles au message de Jésus et réussi à partager son souffle?

12. Les mauvaises gens

Dans “Les Mauvaises Gens”, Davodeau dévoile le passé de militants syndicaux et l’adolescence de ses parents dans la région des Mauges en France, et leur engagement suite à leur rencontre avec un prêtre catholique membre de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC). À travers le récit familial, Davodeau tisse le portrait émouvant d’une génération marquée par les mouvements de l’action catholique. “Les Mauvaises Gens” est une plongée dans une époque de bouleversements sociaux et d’idéaux partagés, où se reconnaitront beaucoup de membres du CCFD-Terre Solidaire.

Des cadeaux solidaires

Pour Noël, restons solidaires en sélectionnant ces bandes dessinées dans les librairies indépendantes proches de chez vous, loin des géants pas toujours très recommandables de la distribution. Et pour commander en ligne, nous vous recommandons la plateforme “Librairies Indépendantes“.

Lise Correge et Anne-Isabelle Barthélémy

Merci à François Bausson, Matthieu Chanut, Audrey Chabal, Thierry Murat, Flore Baubion, Quentin Dumas pour leurs idées et recensions!

Retour sur 2023 : “Nous ne sommes ni découragés, ni désespérés”

décembre 15th, 2023 by
Sylvie Bukhari-de Pontual

L’édito de la présidente

Depuis le 7 octobre 2023, le monde entier est en état de sidération devant la violence et l’horreur vécues en Israël, à Gaza et en Cisjordanie : tant de morts, de blessés, de disparus, de déplacés, d’otages, tant de destructions.
Des vies ravagées, des sociétés détruites. Les ondes de ce conflit ont gagné tous les pays, entraînant des fractures dans les populations.
Que faire, que dire quand notre partenaire palestinien nous interpelle : « nous ne savons pas le matin si nous serons vivants le soir » ? 

Dans notre monde gouverné par le productivisme et le consumériste, l’extractivisme règne : pillage du bois des forêts tropicales, épuisement des sols par l’agriculture, captation de l’eau pour des barrages hydroélectriques, mers vidées par la pêche intensive, accaparement des terres, assèchement des nappes phréatiques, destruction de la biodiversité, pollution, communautés spoliées et disloquées…

Que dire, que faire quand Farai, directeur du Center for Natural Resource Governance au Zimbabwe, crie sa colère contre les compagnies minières et les États qui nouent des partenariats : « les populations locales ne récoltent que des miettes et payent double facture : le dérèglement climatique – dont le Nord est le grand responsable, et la violence, consubstantielle de l’activité minière » 

En France, le Parlement vient de débattre d’un énième projet de loi « asile et immigration » émanant du gouvernement, tellement éloigné de la réalité du fait migratoire et des conditions de vie des personnes exilées dans notre pays.

Que dire, que faire quand Capucine, salariée des Terrasses solidaires depuis deux ans et bénévole au CCFD-Terre Solidaire à Briançon, constate : « l’État fait tout pour qu’il n’y ait plus d’accueil… »

Les voix du dialogue

Nous pourrions être épuisés, découragés, désespérés devant tant de souffrances. Nous pourrions rester silencieux, tétanisés.

Impossible, quand nos partenaires nous montrent le chemin, celui que, dans sa récente exhortation apostolique Laudato Deum, le pape François appelle le multilatéralisme « d’en bas » : « Les revendications qui émergent d’en bas partout dans le monde, où les militants des pays les plus divers s’entraident et s’accompagnent, peuvent finir par exercer une pression sur les facteurs de pouvoir. »  

Pour que soient un jour entendues les voix du dialogue, de la construction de la paix et de la réconciliation. Jonathan du Refuge solidaire à Briançon, dit humblement, mais résolument : « Je ne crois pas qu’on sauvera le monde, mais on essaie au moins de faire quelque chose de digne avec les moyens que l’on a. »  

Vous, nous, ensemble, avec nos partenaires dans le Sud global, et nos alliés ici, avec le soutien de nos fidèles donateurs, c’est bien le cap qu’à hauteur d’êtres humains, nous nous efforçons de tenir. Le cap de l’humanité, de la dignité et de l’égalité des droits des personnes, du respect de la nature et des êtres vivants, de la protection des femmes et des enfants.  

Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente 

Aller plus loin

Retour sur 2023

Bilan de la COP28 : ce qu’il faut retenir

décembre 14th, 2023 by

Avec un Accord historique, mais “insuffisant“ pour garantir la fin des énergies fossiles, la COP28 s’est achevée mercredi 13 décembre à Dubaï après une journée de prolongation. On fait le point sur ce premier Bilan Mondial en “demi-teinte“ avec notre partenaire Mounir Hassine, du Forum Tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), présent à la COP28, et Jean-François Dubost, Directeur du Plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire.

Une “transition“ mais pas de “sortie“ des énergies fossiles

© Photo d’illustration

Après plusieurs jours de négociations houleuses, l’Accord de Dubaï acte un compromis pour une “transition hors des énergies fossiles d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie“. Cet accord est inédit, car il nomme pour la première fois, la fin de l’ère des énergies fossiles (responsables de 80 % des émissions de GES). Mais il échoue — malgré les appels d’ONG et de nombreux États — à statuer sur une “sortie“ claire et ambitieuse, pourtant indispensable pour tenir l’objectif de l’Accord de Paris.

“À 20 ans de l’échéance pour la neutralité carbone et au regard du scénario qui parle déjà du dépassement de +1.5°C, on peut considérer que ce n’est pas suffisant“, estime Jean-François Dubost. “Tout l’enjeu maintenant, va être de peser auprès des États, ou de coalition d’États, ou d’organisations comme l’UE, pour que la transition s’accélère et ressemble vraiment à une intention de sortie rapide“.

Autre zone d’ombre, l’Accord laisse la porte ouverte aux technologies de “captage et stockage du carbone“ (CCS), défendues notamment par les pays producteurs de pétrole. Pour Jean-François Dubost, le risque de ces hautes technologiques est qu’elles “n’incitent pas du tout à modifier le mode de consommation et de production d’énergie. C’est aussi important de prendre conscience qu’il doit y avoir une réduction, que de réellement réussir à capter le carbone“.

À 20 ans de l’échéance pour la neutralité carbone et au regard du scénario qui parle déjà du dépassement de +1.5°C, on peut considérer que ce n’est pas suffisant

Jean-François Dubost, Directeur du Plaidoyer

Le fond “pertes et dommages“, une avancée majeure pour la justice climatique

© Augustin Le Gall

La COP28 s’est ouverte sur une bonne nouvelle : la concrétisation du Fonds “Pertes et Dommages“ destiné à soutenir les pays les plus vulnérables à la crise climatique, et pourtant les moins responsables. Ce fonds représente une avancée majeure et saluée pour renforcer les principes de la justice climatique.

Désormais, il faut que les contributions des pays historiquement pollueurs soient à la hauteur face à “l’accentuation des dégâts climatiques“, estime Mounir Hassine. À ce stade, les montants promis s’élèveraient à 655 millions de dollars, alors que les besoins réels des populations des pays vulnérables au changement climatique excéderaient les 580 milliards de dollars annuels1.

Plus d’engagement pour les énergies renouvelables

© Photo d’illustration

Autre point fort de l’Accord, plus d’une centaine de pays se sont engagés à “tripler la capacité des énergies renouvelables au niveau mondial et à doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici à 2030“. Cette avancée encourageante pose toutefois la question du financement de cette transition, qui reste pour l’instant opaque.

Pour Mounir Hassine, il faut aussi porter une vigilance à ce que ces “investissements“ ne “soient pas orientés vers de fausses solutions“ qui répondraient en premier lieu aux “intérêts des investisseurs“. Il rappelle que “tout choix de développement doit inclure une dimension de justice“.

Tout choix de développement doit inclure une dimension de justice.

Mounir Hassine, FTDES

L’alimentation, enfin sur la table des discussions climat

© Roberta Valerio
© Roberta Valerio

La surprise de cette COP, c’est l’introduction par la FAO d’une feuille de route pour “éradiquer la faim sans dépasser la limite de réchauffement à +1.5°C“. Ce plan d’action ambitieux liste de nombreux objectifs, parmi lesquels réduire de 25% des émissions issues de l’agro-industrie d’ici 2030. Cette initiative permet d’introduire la question de l’alimentation et de l’agriculture, généralement laissée pour compte dans les discussions et les financements pour le climat.

Cependant, cette feuille de route manque encore de clarté et de précisions quant aux financements et à la manière de réaliser cette transition. De plus, elle ne semble pas mentionner “la question de l’agroécologie“, remarque Jean-François Dubost.

La société civile sociale face au défilé des lobbyistes

© Photo d’illustration

La COP28 s’est démarquée par le poids important du lobbyisme. D’après une analyse de l’ONG Kick Big Polluters Out, les lobbyistes des énergies fossiles (2.456 accréditations) étaient plus nombreux que les délégations des 10 pays les plus vulnérables au changement climatique2.

C’est un “problème“ qui “pose la question de la place de la société civile dans ces enceintes de décisions internationales et de la difficulté que l’on rencontre face à la surreprésentation et à la survalorisation du secteur privé qui bénéficie d’un accès et d’une participation très facilités“, estime Jean-François Dubost. “L’avenir du multilatéralisme et la représentation des intérêts des populations passent par un encadrement sévère de ces représentants du secteur privé“.

Mounir Hassine regrette que les “intérêts économiques“ aient dominé le débat de l’Accord de Dubaï, au détriment de la justice sociale et environnementale. “Encore une fois, je crois que nous avons laissé le temps s’écouler et que nous n’avons pas réussi à prendre les bonnes décisions pour une transition énergétique immédiate“.

Une COP “silencieuse“ et “contradictoire“

L’interdiction des manifestations aux Émirats Arabes Unies a érigé un obstacle supplémentaire à la représentation de la société civile à la COP28. La Grande Marche civile et la plupart des mobilisations militantes ont été contraintes de se dérouler dans la “Zone Bleue“ limitée et sous contrôle des Nations Unies. “C’est la première fois que j’assiste à une COP aussi silencieuse“, s’indigne Mounir Hassine. Il qualifie ce sommet climat de “contradictoire“ où la “logique“ du pays hôte n’est pas celle de la COP. Il dénonce les “restrictions des libertés“ d’expression et de mobilisation qui ont participé, selon lui, à “marginaliser les sociétés civiles“. Il s’inquiète de voir cette “démarche“ se poursuivre, alors que la prochaine COP29 est attendue en Azerbaïdjan.

Pour conclure, nous ne pouvons lancer de meilleure appel que celui du Pape François adressé à la COP28: “Les changements climatiques mettent en évidence la nécessité d’un changement politique. (…) Adoptons une vision alternative et commune : elle permettra une conversion écologique, car il n’y a pas de changement durable sans changement culturel“.

2D’après une analyse de Kick Big Polluters Out

Lire aussi :

RDC : des élections à haut risque 

décembre 14th, 2023 by

La République Démocratique du Congo s’apprête à voter le 20 décembre, alors que la guerre fait rage à l’est, sur fond d’ingérence des voisins régionaux et d’impuissance de la communauté internationale. En pleine crise humanitaire, c’est un scrutin à haut risque qui menace un peu plus la stabilité du géant africain.  

Le 20 décembre, la République Démocratique du Congo (RDC) doit voter pour les élections présidentielles. 

Les institutions de la RDC ne sont pas prêtes pour les élections

Mais rien n’est prêt… et le peu qui l’est fait l’objet de contestations justifiées.

  • Le matériel électoral et les moyens de transport manquent pour atteindre tous les territoires de cet immense pays de 2,3 millions de kilomètres carrés.
  • Les listes électorales sont contestées
  • La commission électorale indépendante est discréditée.
  • La mission de surveillance de l’Union européenne est annulée.
  • Les Nations unies sont critiquées par une population fatiguée par des années de violence et se sentant abandonnée.

C’est le sombre constat à la veille de ce vote à haut risque.  

Les principaux candidats à l’élection présidentielle en RDC

On ne peut pas dire qui, de Félix Tshisekedi (président sortant mal élu en 2018), du riche homme d’affaires Moïse Katumbi, de Martin Fayulu (évincé aux dernières élections suite à une combinazione rocambolesque) ou de Denis Mukwege (le Prix Nobel de la Paix engagée pour les femmes congolaises victimes de violences sexuelles) aura les faveurs des plus de 40 millions d’électeurs congolais, frustrés de se voir encore une fois voler leur vote.  

Ni crédibles, ni transparentes, ces élections ne sont donc pas apaisées.

De larges portions du Nord-Kivu échappent au contrôle de Kinshasa

L’Ituri est déchirée depuis des années par des conflits communautaires. De larges portions du Nord-Kivu échappent désormais au contrôle de Kinshasa depuis que le Mouvement du 23 mars -M23, un groupe rebelle appuyé par le Rwanda, a repris les armes en 2021. Impossible de tenir des bureaux de vote.  

D’offensives en offensives, le M-23 a pris le dessus sur des forces congolaises mal équipées et appuyées par des bandes armées locales (dont les FDLR, anciens génocidaires hutus « réfugiés » au Kivu depuis 1994) et de « jeunes patriotes congolais » envoyés au feu sans préparation.  

La force régionale Est africaine, un temps déployée, est désormais sur le départ, dénoncée par Kinshasa pour sa complaisance supposée avec le M23. Des soldats burundais, déployés hors de tout cadre légal, selon les termes d’un « gentleman agreement » entre les présidents congolais et burundais, sont aussi en déroute.

Pendant ce temps, le calvaire des congolaises et des congolais continue.  

Le Nord Kivu plongé dans la violence

Ils ont volé les récoltes, les semences, même les tôles du toit .

Au gré des offensives, les populations du nord Kivu sont poussées à la fuite. Elles trouvent refuge dans des camps de fortune aux abords de Goma sans pouvoir pourvoir à leurs besoins les plus essentiels.  

© William Dupuy
Mars 2023 – Au nord-Kivu, les conflits armés engendrent terreur, violences envers les femmes et enfants, aggravant la faim et la pauvreté. Notre partenaire UWAKI a agit en première ligne pour soutenir les femmes-paysannes face à ces défis.

Depuis le début, nous avons dû fuir 5 fois. Nous revenons pour essayer de cultiver nos champs. Mais nous devons repartir dès que les combats reprennent.

Dans ce contexte, les violences faites aux femmes ont augmenté selon les Nations Unies. Un aperçu de l’enfer que vivent les populations des deux côtés de la ligne de front. Les femmes de l’organisation Uwaki Nord-Kivu témoignent des pillages et des rackets qu’elles subissent de toute part.

1 000

de ces personnes sont des femmes de l’organisation Uwaki Nord-Kivu

37 %

est le taux d’augmentation des violences faites aux femmes en 2023

Le racket et les prix ne cessent d’augmenter

Les affrontements obligent aussi à trouver de nouvelles routes pour écouler les produits agricoles dont les prix explosent.

Partout les paysannes parlent de taxes arbitraires par les hommes en armes, de vols de récoltes, de travail forcé, des coups donnés par l’un ou l’autre des groupes combattants. Pire. Un sac de maïs auparavant vendu localement à 30 dollars se vend désormais à plus de 100 alors que les récoltes pillées réapparaissent sur les marchés ougandais ou rwandais.

© William Dupuy
Marie-Claire Masika, secrétaire exécutive de Uwaki nord Kivu

Sinon, au gré des routes impraticables, les produits pourrissent. Le peuple a faim.  

Le vent mauvais des discours de haine

Dans ce fracas, les discours de haine prospèrent.

Alimentés sciemment par des gens influents (hommes politiques ou leaders communautaires), ils se répandent au risque de voir l’ensemble de la société s’enflammer.  

Prospérant sur la violence, ils creusent les plaies déjà vives a en soufflant sur les braises de la « haine ethnique ». Des villages entiers sont brulés, des gens tués pour leur faciès jugé « tutsi ». Des jeunes s’engagent comme supplétifs de l’armée congolaise. 

Un partenaire du CCFD-Terre solidaire témoigne : « Pour ces jeunes désœuvrés, attaqués, mieux vaut mourir au front ».  

Un jeune congolais rwandophone (hutu et / ou tutsi), lui, a dit  : « Tout d’un coup, (dans ma communauté) on m’a accusé d’être un ennemi. On m’a menacé. J’ai compris que l’armée congolaise et les wazalendo font la guerre contre nous tous (les « rwandais » hutus et tutsis).»

Au plus haut niveau de l’Etat, en pleine campagne électorale, le Président Tshisékédi (en difficulté) a choisi d’attaquer son adversaire Moïse Katumbi comme le « candidat de l’étranger », ceux qui parlent kiswahili (langue de l’est du pays), manière de jeter encore un peu d’huile sur le feu.  

Replacer la RDC en haut de l’agenda international 

La crise à l’Est du Congo n’est pas une fatalité. Elle résulte de facteurs internes et externes qui peuvent trouver des issues.

Plus que jamais il est indispensable de soutenir les acteurs de la société civile qui militent à la fois pour des élections crédibles, l’instauration de l’état de droit et la paix. 

Au-delà, ils appellent à un règlement du conflit qui prennent en compte ses causes profondes : mal gouvernance du niveau national au niveau local, travail sur la réparation des traumatismes et la justice, lutte contre l’impunité.  

La RDC mais aussi la région des Grands Lacs, mérite et demande un investissement fort et déterminé de la communauté internationale. 

Samuel Pommeret, chargé de mission pour l’Afrique des Grands Lacs

Notre partenaire Reefat Alareer, de We are not numbers, tué à Gaza

décembre 12th, 2023 by

Il était poète, professeur de littérature anglaise, spécialiste de Shakespeare. Il s’appelait Reefat Alareer, il a été tué le 6 décembre 2023 dans la maison de sa sœur avec la famille de celle-ci. Il avait six enfants. Reefat Alareer était surnommé « La voix de Gaza ». Sa seule arme était ses mots.

Le dernier poème de Reefat

Après la guerre de 2014, Reefat avait cofondé, avec d’autres journalistes et auteurs, l’organisation We are not numbers, « Nous ne sommes pas des chiffres », soutenu par le CCFD-Terre Solidaire. Leur objectif était de sortir de l’anonymat les victimes de la guerre, et la vie quotidienne des habitants de Gaza sous blocus.

We are not numbers a fait émerger des jeunes auteurs et activistes partageant la réalité de la vie à Gaza, en arabe et en anglais. Depuis 2019, le CCFD-Terre Solidaire soutenait leur travail et notamment le site Internet de We are not numbers.

Refaat était très écouté par les journalistes internationaux sur la situation à Gaza.

Refaat fait partie des plus de 100 journalistes tués par l’armée israélienne depuis le début du conflit, ce qui ferait partie d’une stratégie délibérée de réduire au silence les lanceurs d’alerte.

23 000

personnes tuées

Plus de 100

journalistes

Depuis la fin de la trêve le 1er décembre, tout le sud de la bande de Gaza est envahi, et nos partenaires déplacés. Beaucoup dorment désormais sous tente et sont plongés dans un chaos indescriptible.

Plusieurs articles font la lumière sur la volonté de l’armée israélienne de faire un grand nombre de morts civiles. D’après un de ses collègues, Reefat Alareer avait reçu ces derniers jours un message de l’armée israélienne le menaçant.

Notre appel à un cessez-le-feu

A ce jour, plus de 23.000 personnes ont été tuées. Le nombre de personnes restées sous les décombres reste inconnu.

Nous réitérons à nouveau notre appel à un cessez-le-feu immédiat :

« Le Conseil de sécurité des Nations unies, le secrétaire général des Nations unies et tous les dirigeants mondiaux influents doivent prendre des mesures immédiates pour garantir l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu. C’est notre seule option pour éviter de nouvelles pertes civiles et une catastrophe humanitaire. Tout autre résultat sera à jamais une tache sur notre conscience collective.

Les civils ne sont pas une monnaie d’échange. Les familles doivent avoir la possibilité d’enterrer et de pleurer leurs morts. Le cycle de la violence contre des civils innocents doit cesser. »

Peu avant sa mort Reefat Alareer avait écrit ce poème sur Twitter

Si je dois mourir,
Tu dois vivre
Pour raconter mon histoire
Pour vendre mes affaires,
Pour acheter un morceau de tissus
Et une ficelle
(faites le blanc avec une longue queue)
Pour qu’un enfant quelque part à Gaza
En regardant le ciel dans les yeux
En attendant son papa qui est parti en flèche…
Et qui n’a dit adieu à personne
Pas même à sa chair
Pas même à lui-même
Voie le cerf-volant, mon cerf-volant que tu as fabriqué,
S’envoler vers le ciel
Et pense un instant qu’un ange est là
Ramenant l’amour.
Si je dois mourir,
que cela amène de l’espoir,
que cela soit un conte
Pour vous mobiliser, vous pouvez :
Signer l’appel au cessez le feu
Merci pour eux

POUR SE MOBILISER :

Gaza : soutenir les journalistes palestiniennes

décembre 7th, 2023 by

Comment décrire l’indicible? Comment travailler quand vous n’avez plus ni bureau, ni maison, ni électricité et que votre vie est menacée? Comment rester concentré quand vos collègues ou votre famille sont pris pour cibles? Wafa Abdel Rahman, directrice de Filastinyat, qui soutient les femmes journalistes palestiniennes, nous raconte leur travail dans un quotidien de guerre.

Wafa Abdel Rahman a créé en 2005 l’organisation Filastinyat, qui promeut le travail des femmes journalistes palestiniennes dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, et soutenu par le CCFD-Terre Solidaire. Filastinyat fournit aux jeunes journalistes palestiniennes des formations et du matériel. Elle les rend également visibles en achetant certaine de leurs productions grâce à son agence de presse interne, Nawa.

Les six journalistes palestiniennes permanentes de Filastinyat dans la bande de Gaza ont vu leur vie et leur travail bouleversés par la guerre d’une intensité sans pareil contre la bande de Gaza menée par Israël après les attaques du Hamas du 7 octobre.

Wafa Abdel Rahman, qui vit à Ramallah, en Cisjordanie, a répondu à nos questions.

Comment va l’équipe de Filastinyat, dont la vocation est de soutenir les femmes journalistes palestiniennes ?

La première semaine, nous l’avons passé en état de choc, tristes, terrifiées.

Cinq des six membres de l’équipe vivent à Gaza Ville. Elles ont perdu leur maison et se trouvent dans le sud, à Rafah, où vit la coordinatrice. Même si celle-ci héberge 50 membres de sa famille chez elle, le fait d’avoir un toit lui a permis de continuer à travailler beaucoup et à se déplacer.

La deuxième semaine, j’ai recommencé à travailler. Moi, je le pouvais, car je suis dans une situation confortable à Ramallah : j’ai un toit, j’ai toutes les communications, ma fille va à l’école en toute sécurité. Il était donc temps d’agir pour celles et ceux qui n’avaient même pas le loisir de penser au travail.

Comment vous êtes vous organisées pour soutenir le travail des journalistes palestiniens à Gaza après les premiers bombardements ?

Filastinyat travaille à Gaza depuis 2009, avec des journalistes, hommes et femmes, qui nous font confiance. Nous avons différents groupes WhatsApp pour ceux que nous avons formés, ceux à qui nous avons déjà apporté par le passé un soutien psychosocial. J’ai commencé à envoyer des messages aux journalistes que je connais, même à ceux que je ne connais que de nom, pour prendre de leurs nouvelles et leur demander ce dont ils avaient besoin pour travailler. Car toutes les organisations de défense des droits humains avaient déjà été bombardées et leurs équipes ne travaillaient plus. Il était important que les journalistes fassent des reportages, documentent pour que le monde sache.

KHAN YOUNES, le 24 octobre : Une opération de secours pour secourir les personnes coincées sous les débris de l’immeuble de la famille Al Nwajha après les bombardements israéliens. Ashraf Amra / Anadolu (Photo by ashraf amra / ANADOLU / Anadolu via AFP)

Quelles sont les actions que vous avez réussi à mener dans ce chaos ?

Nous avions de l’argent pour notre conférence annuelle et nous avons décidé de l’utiliser immédiatement, tant que les fournitures ne manquaient pas. Nous avons acheté des matelas, des couvertures, des produits d’hygiène, par exemple des serviettes hygiéniques pour les femmes journalistes, ainsi que des déodorants, des désinfectants, du shampoing. La priorité a été donnée à ceux qui couvraient la situation dans les hôpitaux et qui y travaillaient jour et nuit. Nous avons équipé les journalistes des hôpitaux à Rafah et à Jabalia, nous n’avons pas pu atteindre Gaza Ville et l’hôpital Shifa.

Au bout de trois ou quatre semaines, les femmes journalistes se plaignaient de ne pas avoir d’espace privé pour elles dans les hôpitaux. Nous leur avons donc acheté une tente pour qu’elles aient un peu d’intimité. Nous avons mis des matelas dans la tente et nous avons branché l’électricité.

100

journalistes tués

depuis

le 7 octobre

Est-ce possible de continuer à être journaliste en ce moment à Gaza ?

Il y a une chose qu’il faut souligner, c’est que les journalistes sont des cibles. Plus de 60 journalistes ont été tués au cours de cette attaque. Et six d’entre eux étaient des femmes. C’est délibéré. Nous constatons que quand les Israéliens dénoncent incitent certains journalistes, le lendemain leurs maisons sont bombardées.

Parfois, les maisons ont été bombardées et les familles tuées quand le journaliste n’était pas là. Le journaliste est sauvé, mais toute la famille est morte.

Du coup, les familles ont terriblement peur d’avoir une fille ou un fils journaliste. Par exemple, l’une de nos employées s’est réfugiée dans la maison de son oncle avec sa famille. La seule condition qu’il a posée pour les accueillir est qu’elle ne travaille pas. Elle a accepté et arrêté de travailler.

Je vais vous donner un autre exemple, celui d’une photojournaliste, mère célibataire. Elle a été l’une des premières personnes à évacuer Gaza Ville vers le sud. Elle a donc loué un appartement pour ses enfants et a demandé à sa mère et à son frère de venir vivre avec eux et de s’occuper d’eux, parce qu’elle travaille de longues heures. La première condition qu’ils ont posée, c’est qu’elle ne s’approche pas de l’appartement. Ils emmènent ses enfants à l’hôpital pour qu’elle les voit.

Quel type de reportage faites-vous ?

Nous racontons des histoires. C’est ce qui manquait dans la couverture de Gaza, surtout les trois premières semaines. Tout le monde fait de l’information :  quel hôpital a été touché, combien de personnes ont été tuées, etc. Nous étions peut-être le seul média à produire des reportages en provenance de Gaza. Les journalistes, surtout les femmes, envoient via WhatsApp des messages vocaux que nous transformons en vidéos. Nous les traduisons, aussi. Et nous avons appelé cela « Gaza s’exprime » (« Gaza speaks up »).

Qu’a permis la trêve pour les journalistes palestiniens?

Elle a permis une brève respiration, de faire un peu son deuil, pas complètement, et de prendre des nouvelles des autres.

C’est tellement triste : on voit des condoléances pour des gens tués il y a un mois, mais dont les proches n’ont appris le décès qu’à l’occasion de la trêve.

Wafa Abdel Rahman, de l’organisation Filastinyat

Le soulagement aujourd’hui, pour moi, c’est d’avoir parlé à ma famille et à mon équipe. Tout le monde prie fort pour que ce soit la fin de cette guerre, que les attaques ne reprennent pas après cela. Ils sont très fatigués. Ils sont très… Je ne sais pas quel est le mot, vous savez.

Propos recueillis par Gwenaëlle Lenoir

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Bande de Gaza : une catastrophe pour l’humanité, sous les yeux du monde 

novembre 22nd, 2023 by

La lecture des rapports quotidiens rédigés par l’agence des Nations unies pour les affaires humanitaires (OCHA) donne le vertige. L’ONU rend compte froidement, chiffres à l’appui, d’une catastrophe pour l’humanité d’autant plus effrayante qu’elle se déroule sous les yeux du monde entier.  

Depuis le « Déluge d’Al-Aqsa », opération d’une violence inouïe lancée le 7 octobre par le Hamas à la frontière entre la bande de Gaza et Israël et qui a fait 1 200 morts et plus de 240 otages israéliens, l’armée israélienne riposte en bombardant sans relâche Gaza. Comme souvent, les populations civiles sont les premières victimes du conflit.  

Tout est su, tout est dit, tout est écrit

Car tout est su, tout est dit, tout est écrit. La bande de Gaza n’a plus d’électricité depuis le 11 octobre après la coupure du réseau en provenance d’Israël et la mise en panne de l’unique centrale électrique du territoire, faute de fuel. Elle n’a plus d’eau potable, l’usine de dessalement étant elle aussi à l’arrêt. Les stations d’épuration ne fonctionnent plus, pas plus que les réseaux de collecte des eaux usées. Par manque d’approvisionnement en carburant, les générateurs s’arrêtent les uns après les autres : ceux du seul moulin produisant de la farine, ceux des hôpitaux, ceux des puits. 

« Nous buvons de l’eau saumâtre tirée des puits agricoles, polluée par les pesticides. C’est la seule que nous pouvons acheter et fournir aux personnes que nous accueillons » : ces mots sont ceux de l’organisation Culture et Pensée Libre (CPL), partenaire du CCFD-Terre Solidaire depuis 25 ans.
L’association travaille à promouvoir les droits des enfants et des femmes dans une société conservatrice. À l’instar des autres acteurs et actrices de la société civile, elle a abandonné ses activités pour passer en mode urgence.
Le centre pour enfants de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, accueille des centaines de personnes déplacées et traumatisées. Il faut leur fournir de la nourriture et de l’eau, des matelas et des couvertures, et aussi tenter de protéger leur intégrité mentale. 

KHAN YUNIS, OCTOBER 24: Civil defense teams and residents conduct a search and rescue operation for Palestinians stuck under the debris of a destroyed building of Al Nwajha family after the Israeli airstrike in Khan Yunis, Gaza on October 24, 2023. Ashraf Amra / Anadolu (Photo by ashraf amra / ANADOLU / Anadolu via AFP)

La peur permanente

Eléonore suit les partenaires palestiniens du CCFD-Terre Solidaire et réussit à échanger presque quotidiennement avec les partenaires malgré des réseaux de communication aléatoires.
Ils lui raconte les rayons vides des supermarchés, les maladies de peau et l’hygiène désastreuse à cause d’une eau trop rare, trop salée, trop polluée, et de la promiscuité. La peur permanente. « Nous ne savons pas le matin si nous serons vivants le soir ».
Malgré tout le travail acharné pour subvenir aux besoins de base, malgré les bombardements récurrents de cette partie méridionale de la bande de Gaza, proche de l’Égypte, que les autorités de Tel-Aviv ont pourtant déclarée « sûre ». 

Les femmes journalistes rassemblées dans l’association Filastiniyat (« Palestiniennes », en français), autre partenaire du CCFD-Terre Solidaire, ont quitté la ville de Gaza sous le feu israélien.

Les habitants déplacés

Elles ont rejoint les habitants jetés sur les routes de l’étroite bande de territoire fermée de toute part. Au 13 novembre, 70 % de la population, soit 1,6 million de personnes avaient fui leur maison, leur quartier, leur ville. Une fuite éperdue pour échapper aux bombardements israéliens par air, mer et terre et, depuis le 27 octobre, aux chars et tirs des soldats entrés dans le territoire pour, répètent les autorités israéliennes, « détruire le Hamas ».

Au 21 novembre, les victimes étaient surtout civiles : 14 128 personnes tuées, selon le ministère de la Santé de la bande de Gaza.

5 840

victimes sont des enfants

3 920

sont des femmes

Jamais le destin des habitants de Gaza n’a paru aussi sombre. Jamais une solution politique n’a semblé aussi lointaine. Pourtant, après le cessez-le-feu – inéluctable même si refusé par Tel-Aviv jusqu’à ce jour – il faudra bien se pencher sur les causes profondes de l’attaque meurtrière du Hamas du 7 octobre.
Sans l’excuser, il faudra bien reconnaître qu’elle ne s’est pas produite dans un ciel serein. La communauté internationale devra arrêter de fermer les yeux sur le système d’oppression mis en place par Israël, sur la colonisation et le morcellement continu des territoires palestiniens occupés, qui rendent toute solution politique illusoire. Sans quoi d’autres carnages viendront. Devant nos yeux.  

Gwenaëlle Lenoir 

En Bolivie, les communautés indigènes menacées par l’élevage et les mines

novembre 21st, 2023 by

Miguel Vargas, avocat et directeur du CEJIS (Centro de estudios juridicos e investigacion social) était en France pour alerter sur de nouveaux projets qui menacent les communautés indigènes. Le développement de l’élevage extensif et les exploitations du gaz et de l’or entraînent une accélération de la déforestation.

En quoi consiste votre lutte en Bolivie ?

Miguel Vargas : Le CEJIS a été fondé il y a 45 ans dans la ville de Santa Cruz, le cœur économique de la Bolivie. Le but de cette ONG – partenaire du CCFD -Terre Solidaire depuis trois ans – est d’assister les agriculteurs sur le plan juridique. Nous leur faisons connaître leurs droits. Nous défendons leurs territoires face aux grands intérêts économiques.

Entre 1996 et 2010, 24 territoires indigènes ont été reconnu par l’administration bolivienne. Ils représentent en tout 11 millions d’hectares. En 2009, une nouvelle Constitution a établi un « État bolivien pluri national ». Depuis, nous soutenons les luttes indigènes pour que cette Constitution qui reconnaît leurs droits se traduise dans les faits. Cela a été le cas en 2010 avec la mobilisation contre le projet de la route interaméricaine qui devait passer par des territoires indigènes. Nous avons gagné, le projet a été abandonné.

Partout, nous luttons contre ceux qui prétendent que ces territoires indigènes ne sont pas productifs. Des politiques et des industriels veulent industrialiser nos ressources naturelles…

Quels sont les projets actuels qui vous mobilisent ?

Nous avons étendu notre activité de la région de Santa Cruz, base de l’industrie du gaz et des grands éleveurs de bétail, vers les départements du Beni et de Pando, situés plus au nord.

Partout, nous luttons contre ceux qui prétendent que ces territoires indigènes ne sont pas productifs. Des politiques et des industriels veulent industrialiser nos ressources naturelles, qu’il s’agisse du gaz ou de la terre. Ils ont l’appui du président bolivien Luis Arce, pourtant issu du MAS, le parti de l’ancien président Morales.

Les territoires indigènes représentent la reproduction de la vie par les cultures du cacao, du maïs, du haricot et par la conservation de la forêt qui permet d’atténuer le changement climatique.

© Ana Caroline de Lima

La politique de déforestation pour permettre l’élevage extensif conduit à des incendies massifs. On brûle la forêt pour dégager des pâturages. En 2019, six millions d’hectares ont brûlé. La moitié des territoires indigènes a été concerné par ces incendies.

Cette politique modifie le climat. Un exemple : à Riberalta, dans le Beni, les arbres calcinés ne sont plus une barrière contre le vent. Maintenant, ce vent empêche la floraison des amandiers. La récolte s’en ressent d’autant. Détruire la forêt bolivienne augmente également le stress hydrique en modifiant le rythme des précipitations.

En quoi les exploitations du gaz et de l’or sont-elles dangereuses pour les communautés ?

Ce sont aussi des « coopératives » – au nombre de 1 100 – qui exploitent l’or alluvial dans le département de Béni. Ce statut permet de travailler dans les parcs nationaux et les territoires indigènes et de ne payer que 2,5% sur la valeur de l’or trouvé.

Les réserves de gaz dans le département de Santa Cruz sont en voie d’épuisement. Le gouvernement a décidé d’ouvrir l’exploration de gaz dans 106 zones des départements du Beni, de Pando et de La Paz. 80% d’entre elles sont situées sur des territoires indigènes. Ces recherches sont effectuées par des « coopératives minières ». Ce statut permet de contourner le recours à une autorisation préalable des communautés concernées. Ce n’est pas acceptable.

Depuis cinq ans, la recherche d’or est en très forte progression. Mais, cette activité est dangereuse pour les populations. Elle utilise un mélange à base de mercure liquide chauffé, dont les émanations contaminent les plantes et les cours d’eau. Les poissons ingurgitent le mercure. Ils contaminent ensuite la population et attaquent le système nerveux des enfants et des femmes. Une étude de l’organisation Mondiale de la Santé (OMS) a montré, par exemple, que 80% des Ese Ejja – un peuple indigène nomade et chasseur – présentaient une dose de plomb dans leurs corps huit fois supérieures à la normale !

Pierre Cochez

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